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ALMICHU BIDASSOA
13 juillet 2014

almichu 03

CHAPITRE    TROISIÈME

 

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XVII me Siècle.

 Louis XIII  Roi de  1610 à 1643

  Louis XIV Roi de   1643 à 1715

  Régence   de   1715  à 1723

Louis XV  Roi de  1715 à  1774

 Louis XVI  Roi de 1754  à   1793

 

Rien ne fut décidé par Henri IV pour protéger ses sujets contre les attaques de plus en plus hardies des Espagnols. Encouragés par leur souverain, les gens de Fontarabie ne se contentèrent point de maltraiter dans la baie les habitants de Hendaye et d'Urrugne ; ils allèrent, au large de la côte basque, piller et capturer les gabarres des pauvres pêcheurs de Socoa, de Bidart, de Guétary et de Biarritz, malheureuses gens sans défense qui, loin de tenter une résistance inutile, implorèrent maintes fois la clémence de leurs intraitables voisins

4. En 1609, une enquête fut faite, cependant, par les soins du premier président du Parlement de Bordeaux, Jean Despagnet

5 ; mais il semble bien qu'elle n'aboutit à rien ; la même année d'ailleurs, les Hendayais, eux- mêmes, désireux de ne point exciter davantage la colère de la ville rivale retirèrent de la tour de Munjunito l'artillerie qu'ils y

1. — Arch. de Fontarabie. — Compulsas que dimos los très escribanos.... 1 6 8 3 .

2. — Arch. de Fontarabie. — Relacion de los papeles que esta M. N. y L. V i l l a . . .

embia à S. M . . . 1 6 1 9 .

3. — Bibl. Nat.j Coll. Dupuy, vol. 42, fol. 3 r° et v°.

4. — Cf. Lettre originale adressée aux alcaldes ordinaires par la commune de

Biarritz, le 4 février 1603. Arch. de Fontarabie.

5. — Cf. interrogatoire des témoins et procès-verbal de l'enquête. Bibl. nat. Coll.

Dupuy, vol. 42, fol. 53 et suiv. et Affaires Étrangères, Correspondance politique, Espagne, tome 12, fol. 2 1 4 et suiv.

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— 33 —

entretenaient à leurs frais

1. Les Espagnols n'en continuèrent pas moins leurs vexations à l'égard des riverains français de la Bidassoa

2.   Le 17 janvier 1617 , D. Juan Sanz de Aldumbe, prévôt exécuteur de Fontarabie, poursuivait sur la Bidassoa un meurtrier espagnol qui cherchait à gagner Hendaye ; arrivé à cinq ou six mètres de la rive française, il allait atteindre le fugitif, quand il fut attaqué par des gens de Hendaye et fait prisonnier avec son escorte ; sa barque fut brûlée sur la place publique.

1. — Arch.     de Fontarabie           Compulsas que dimos los très escribanos.        1683.

2. — En mars 1 612 , les alcaldes de Fontarabie défendent à Harostegui, prieur de Santiago, de mettre à l'eau une barque à quille dont il voulait se servir pour la pêche. Arch. de Fontarabie, lettres originales des alcaldes et du prieur. Au mois d'août de la même année, un habitant de Saint-Jean-de-Luz, Michel de Amezaga, obtient de Fontarabie la permission de remorquer sur la Bidassoa du bois qu'il allait chercher en Navarre, à condition de le décharger à la douane de Fontarabie et de payer, en outre, pour six années un droit fixe de six ducats d'argent. Ibid.

3. — Cf. Arch. de Fontarabie. — Libro de actas, 25 janvier 1 6 1 7 . Cf. également la lettre écrite au comte de Gramont, gouverneur de Bayonne, par son secrétaire. « Le jour de dimanche dernier passé, ung homme espagnol natif d'une paroisse proche de Thoulousette en Espagne et quy estoit alcalde de sa mesme parroisse ayant eu quelque dissension avec un sien voisin, il seroit arrivé que par malheur il l'aurait tué et pour esviter la rigueur de la justice auroit pris la routte vers le royaume de France et passé a Fontarrabie ledict jour de dimanche avec un sien cousin ; et estant proche de ladicte ville et craignant que, s'il s'enfermoit dans la ville, d'estre apprehendé par la justice, il auroict prié son cousin de passer dans la ville et de faire arrester un batteau pour passer à Hendaye ; son cousin estant à la porte de Fontarrabie du costé de France auroit esté saisy par la justice croyant que ce fut le meurtrier, mais se voyant deceus, ils l'auroient lâché et se venant joindre avec son cousin luy auroit dict : l'on vous guette, sy vous ne vous sauvez, vous estes pendu ; ce qu'ayant entendu, il seroict sauté dans un batteau ou chalupe dans lequel il y avoict deux garçons, ausquels il auroict promis une bonne recompense s'ils le vouloient passer promptement ; ce qu'ils se mirent en devoir de faire, a son cousin et a luy, et comme ils prenoient leur routte vers Hendaye, les officiers de la justice les apperceurent et commandèrent aux batteliers espagnols d'aborder, ce qu'ils firent de crainte de la justice, ce que voyant le meurtrier et se voyant en un sy éminent danger, il seroit sauté dans l'eaùe et se seroict jetté avec sondict cousin dans un autre batteau de Hendaye quy avoict deschargé du fer et, estant dedans, il avoict prié le battelier qui est de Hendaye de le passer promptement, le menaçant l'espée nue a la main, s'il ne le faisoict, de Le tuer ; le battelier ayant pris son chemin vers Hendaye, l'alcade de Fontarrabie avec deux officiers et soldatz, en nombre de sept, l'alcalde ayant tousjours la barre a la main, quy est la marque de la justice d'Espagne, se seroict mis dans une chalupe et poursuivy l'autre batteau, arresté, et comme la chalupe l'eut quasi attrapé comme allant plus viste que ceulx du costé de France a cause de la quille qu'ils portoient a leur batteau — ce que les Espagnols ne veulent souffrir par tyrannie aux Françoys et sur cette riviere — le meurtrier se jetta dans l'eaùe et se mist a courir sur une arenne quy est au milieu de la riviere gaignant tousjours vers Hendaye, la riviere allant en serpentant. Les Espagnols a coups de rames gaignant tousjours le devant se seroient engagés sy avant dans cette poursuitte qu'ils ne consideroient que de prendre

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Une seconde troupe armée, aussitôt envoyée de Fontarabie, dut s'enfuir devant l'attitude menaçante des Hendayais.

Le lendemain, 18 janvier, au matin, le Conseil Communal de Fontarabie se réunit en assemblée extraordinaire et décida que toute embarcation française rencontrée dans la baie serait immédiatement saisie et brûlée. Le roi et le duc de Ciudad Real

1 furent, en outre, avertis

2. Le soir même, trois navires de Hendaye qui se trouvaient dans la baie, prêts à partir pour Terre-Neuve et la Norvège, furent capturés par les Espagnols

3. Le 22 janvier, le gouverneur de Bayonne, comte de Gramont, envoya l'ordre à Pierre de Chibau, lieutenant général par autorité royale du pays et baillage de Labourd, de se rendre à Hendaye pour y enquêter sur ces graves événements

4. Le 25, dans la matinée, le lieutenant arrivait à Hendaye et descendait à l'hôtellerie dite de Lecumburu

5. Le procureur de Hendaye avait déjà procédé à une enquête sommaire ; le lieute

leu prisonnier et neanmoings, ilz n le peuren jamais apprehender qu'a quatre ou

1 . Donr Alonso Idiaquez,e duc detCiudad Real, vice-roi de Navarre et capitaine cinq pas d terre du costé de France, comme il passoit l'eaue ou il y en avoict jusques généralede Guipûzcoa. au genouil ou un peu plus haut. Ceux d'Espaigne tenant tousjours la barre en main prirent le meurtrier par les jambes et sy tenant la teste dans l'eaue le faisoient noyer. Aucuns habitans de Hendaye entendant ceste rumeur et voyant l'entreprise temeraire des Espaignolz d'outrepasser les limittes, jaloux de la liberté des François et de la conservation de la marque de souveraineté de leur Roy, se seroient mis en devoir de chasser les Espagnols et retirer le pauvre homme d'entre leurs mains, ce qu'ils firent non sans contestation et coups. Les Espaignols tenant la barre a la main, elle fut prise par un François après avoir, mis en liberté l'homme quy se noyoict et prirent prisonniers tant l'alcalde que les autres quy estoient dans le batteau, qu'ils retiennent encores, attendant ce qu'il vous plaira, Monseigneur, d'en ordonner ; et le batteau, ils le firent porter en toute diligence sur la place de Hendaye et le firent brusler a la veue de ceux de Fontarrabie qui envoyerent incontinent une autre chaluppe équipée en guerre avec un autre alcalde dedans portant la mesme marque en la main et vindrent aborder la terre de Hendaye, ce que voyant les habitans se mirent a les poursuivre et les autres a prendre leur fuitte vers Fontarrabie... »

Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne. Tome 42, fol. 347 et suiv.

 Coll. Dupuy vol. 42 habitanr°.

2.—Arch.deFontarabie.—Librodeactas,25janvier1617.3.— Lettre originale de deux armateurs, Johannis de  Harism  d'Aragorry «, marinier,s fol. 47 s de la paroisse de Handaye » au roi de France. Bibl. Nat.

4. — Affaires             étrangères.     Correspondance politique. Espagne, t. 42, fol. 347 et suiv.

5. — Ibid., Id., fol. 356 et suiv.

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nant se contenta, dans la journée, d'interroger quelques témoins

1 ; le soir même, il retourna à Ustaritz, lieu de sa résidence, où le 30 suivant, le procureur vint le trouver, accompagné de deux marchands de Bayonne, Pierre de Saint-Jean et Michau Corrigoyen, qui tenaient à déposer sur l'attentat du 17 dont ils avaient été témoins

2  Cependant, le duc de Ciudad Real félicitait officiellement Fontarabie de sa conduite, tout en lui conseillant de ne pas aller plus loin dans une entreprise qui, selon lui, pouvait devenir dangereuse

3. L'enquête, en effet, continuait en France ; le 4 février, le lieutenant revint à Hendaye ; le lendemain, il y interrogea les habitants de Fontarabie faits prisonniers le 17 janvier

4 et les fit incarcérer à Bayonne

5 Les Hendayais, forts de l'appui qu'ils trouvaient enfin dans l'autorité royale, ne se firent pas faute de faire valoir leur triomphe sur les Espagnols et, comme souvenir de leur victoire, ils placèrent un mât à l'endroit même où s'étaient passés les événements du 17 janvier. C'était une provocation — en vérité peu méchante. Les habitants de Fontarabie ne surent pas néanmoins la supporter et, désireux d'amener le capitaine général à lever la défense qu'il leur avait précédemment faite de ne point répondre aux attaques des Français, ils lui écrivirent.

Le duc de Ciudad Real leur donna l'ordre d'aller enlever le mât ; en même temps, il recommandait à l'alcalde D. Antonio de Casadevante de se rendre à Pasajes pour y saisir toutes les barques françaises qu'il y rencontrerait, y compris les trois vaisseaux....    __________

1. — Les noms de quelques-uns de ces témoins nous ont été conservés ; c'étaient Joannes Duritzague, alcalde de Vidania, dont l'arrestation avait motivé l'attentat du 17 janvier, Petry de Gaztambide, batelier de Hendaye, qui l'avait transporté sur la rive française, Michel et Pierre de Harismendy, Estibery de Haranchipi, Bertrand Daguerre, Joannis de Lagarralde, Petry de Bassussary, tous bateliers à Hendaye.

Cf. interrogatoires. Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne, t. 42, f. 359 v°, f. 360 et suiv.

2. — Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne, tome 42, fol. 358 r°,

folio 369 v°, fol. 370 et suivants.

3 . — Arch. de Fontarabie. — Libro de actas, Ier février 1 6 1 7 .

4. — Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne, tome 42, fol. 358 v° et

fol. 359

5. — Arch. àe Fontarabie. — Libro de actas. 15 février 1 6 1 7 .

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 capturés dès le 18 janvier et qu'on avait, depuis, remisés dans ce port

1. Dans la nuit du 18 au 19 février, après une assez longue délibération du Conseil, l'alcalde D. Miguel Perez de Ambulodi réunit tous les habitants de la ville possédant une arme à feu. Le majordome de l'artillerie fournit une barrique de poudre, des balles et trente mousquets. Dix chaloupes et une vieille pinasse furent mises à l'eau. Cent cinquante hommes armés y prirent place et se dirigèrent sur Hendaye. A l'aube, ils enlevèrent le mât. Puis, pendant près d'une heure, ils provoquèrent les Hendayais qui, cette fois, restèrent impassibles. A la fin, irrités, les Espagnols brûlèrent le mât et regagnèrent Fontarabie, en injuriant les Français

2. Le surlendemain, 21 février, D. Antonio de Casadevante se rendit à Pasajes pour y exécuter les ordres du capitaine général

3.  Le 11 mars, arriva à Fontarabie un délégué de la Députation Provinciale de Guipuzcoa, D. Antonio de Olardial, porteur de tout un dossier de lettres échangées entre la province et le vice- roi. Le vice-roi avait indirectement appris l'intention qu'avait le gouverneur de Bayonne de placer à l'entrée du port de Pasajes un navire de guerre et d'envoyer de St-Jean-de-Luz trois cents hommes armés pour s'emparer des vaisseaux français saisis par les Espagnols. Dans ses lettres, le vice-roi exprimait le vœu que Fontarabie n'hésitât point à résister à ces entreprises, d'autant moins que le roi, averti de ces divers événements, prendrait lui aussi l'offensive, s'il le fallait

4. Ce n'était là, en vérité, que de faux bruits, destinés à exciter les esprits. Jamais, semble-t-il, il n'était venu à l'idée du comte de Gramont d'engager ainsi une véritable guerre avec les Guipuz-

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1. — « . . . embargue todas las vêlas y aparejos que hubiere de los très navios Joannis de Oiragorri y Joannes de Olaso, como vecinos y cargohabientes que eran lugar de Endaya y que asi mismo se prendan a todos los vecinos de Endaya que encuentran en esta jurisdiccion. . . » — Arcb. de Fontarabie. Libro de actas, 22 vrier 1 6 1 7 .

2. — Arch. de Fontarabie. — Libro de actas, 22 février 1 6 1 7 ,

3 . — Ibid., id.

4. — ' I b i d . , id.; 12 mars 1 6 1 7 .

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coans sans l'ordre de son souverain. Au contraire, un mois plus tard, le gouverneur de Bayonne offrit lui-même au vice-roi d'échanger les prisonniers faits à Hendaye et à Pasajes. Cette idée fut, d'ailleurs, agréée par les Espagnols, mais les conditions dans lesquelles se ferait l'échange furent l'objet de longues discussions.

Enfin, deux délégués furent nommés, pour Fontarabie, Gabriel Abadia, pour Hendaye, le capitaine Haramboure, qui devaient régler ce nouveau différend

1. Il fut décidé que les Espagnols iraient chercher leurs prisonniers à Hendaye, pendant que les Français se rendraient à Fontarabie pour chercher les leurs.

Le 2 mai, l'échange devait avoir lieu; mais, tandis que, confiants dans la bonne foi de leurs voisins, les Hendayais partaient sur une petite barque et sans armes, comme cela avait été convenu, les Ondarabiarres envoyèrent à Hendaye une chaloupe montée par quatorze matelots armés. Le capitaine Haramboure, néanmoins, remit les prisonniers et les Espagnols s'éloignaient déjà, quand les Hendayais n'apercevant point les leurs et se voyant une fois de plus dupés, se précipitèrent sur eux et les ramenèrent au port. Aussitôt, de Fontarabie, le canon fut tiré sur Hendaye. La lutte recommençai

2  Le lendemain, le comte de Gramont fut averti. Le 5, sur son ordre, le lieutenant Pierre de Chibau et M. de Sansac, lieutenant

1. — Arch. de Fontarabie. — Libro de actas, 2 mai 1 6 1 7 .

2. — Cf. interrogatoire d'un habitant de Subernoa, Marticot d'Ascona, par le lieutenant Pierre de Chibau : « . . .que ledict depposant se trouva audict lieu de Hendaye le second jour du présent mois de may et qu'il avoict veu comme lesdictz habitans de Hendaye envoyerent une tillolle du costé de Fontarrabie avec un tillolier et un prestre nommé Arragorry pour recevoir et amener leurs prisonniers, mais que les Espaignols envoyerent à la pleyne marée audict lieu de Hendaye une chaluppe équipée de quatorze hommes contrevenant à leur accord et que ledict depposant avoit veu comme le cappitaine Haramboure congédia les prisonniers espaignolz, leur promettant de passer vers Fontarrabie, quand ils voudroient, et incontinant après reçeu le congé dudict capitaine de Haramboure que lesdicts prisonniers espagnols entrerent dans ladicte chaluppe et de haste que ladicte chaluppe espagnole partoit du rivage de la riviere tellement qu'aucuns habitants dudict Hendaye ayant remontré ausdicts Espagnols que les prisonniers dudict Hendaye ne paroissoient pas du costé de Fontarrabie et qu'ils eussent patience jusques a ce que les prisonniers paroissent, alors que lesdicts Espaignolz respondirent : « Messieurs, vos prisonniers vienderont demain ». Et cependant que ladicte chaluppe espagnolle com--

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du gouverneur de Bayonne, arrivèrent à St-Jean-de-Luz

1. Le 6, ils se rendirent à Hendaye ; ils y constatèrent, de visu, les dégâts commis par les Espagnols ; ils virent notamment que l'église avait été fort endommagée ; puis ils procédèrent à l'interrogatoire de quelques habitants

2. De son côté, le vice-roi de Navarre écrivit à l'alcalde de fournir aux habitants de Fontarabie toutes les troupes nécessaires à la défense de leurs droit

3. Toutefois, il ajoutait qu'il était préférable d'attendre que les Français vinssent les premiers en Espagne pour entamer la lutte

4 et craignant peut-être que les souverains ne vinssent a se préoccuper de l'agitation qui, perpétuellement, régnait sur la frontière de leurs royaumes, il conseillait de faire en sorte que ces différends n'apparussent point « como diferencias entre los reyes, sino como diferencias entre los de Fuenterrabia y Endaya ».

Entre temps, la Province avait également député deux envoyés spéciaux, Juan Martinez de Burguia et Cristôbal de Eguzquiza, pour s'informer des événements

 5.

1. — dAffaires étrangères.s Correspondancee politique.dans l'eau et } t. 42, fol. 372 et suiv. Espagne

mença e partir, mais que quelque hommes dudict Henday se jetterent

entrerent dans ladicte chaluppe espagnolle et dans icelle qu'ils trouvarent trois barres qu'ilz mirent en pieces a cause de leur contrevention et s'estant saisis de ladicte chaluppe et de unze Espagnols qu'ils les amenerent a terre avec leur chaluppe, et en mesme temps que le canon de Fontarrabie commença de jouer contre lesdictz habitans de Hendaye et contre leur esglize et maisons et qu'il y eust dix coups de canon tirez dudict Fontarrabie, l'un desquels ayant frappé bien près du clocher quy est, un peu de muraille fut brisée et emportée de ladicte esglize et que ledict déposant a veu entre les mains des juratz de Hendaye sept grandes balles de canon qu'ils avoient trouvé de ceux quy leur furent tirez le second jour du mois de may ; en outre, le depposant dict que sept prisonniers Espaignolz que ledict capitaine Haramboure avoict congédiés les six sont aujourd'huy à Fontarrabie s'estans eschappez lors desdictz coups de canon, mais que lesdictz Espaignolz n'ont pas congédié ny délivré aulcun prisonnier dudict lieu de Hendaye, au contraire de leur costé qu'ils retiennent outre les premiers audict prestre Arragorry et au tillollier qui estoient allez à Fontarrabie pour recevoir et ramener lesdictz prisonniers... »

 Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne, t. 42, fol. 374 v° à fol. 376 r°.

 

2. — Ib'td., id., fol. 374 et suivants. Voici les noms des témoins entendus : Marticot d'Ascona, Adam de Goyague et Martin Dibildots, tous trois habitants du hameau de Subernoa.

3 . — Arch. de Fontarabie. — Libro de actas, 11 mai 1 6 1 7 .

4. — « . . . Advierta V. Md. sobre todo en no pisar tierra de Francia, mientras los

Franceses no tocaren en la nuestra, pero vuelvo à decir que en quanto inunda el Rio Vidasoa no se les sufra nada. . . » — Arch. de Fontarabie. — Libro de actas; 16 mai 1 6 1 7 .

5. — Arch. de Fontarabie. — Libro de actas, 11 mai 1 6 1 7 .

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Le 13 mai, le vice-roi envoyait de nouveau au Conseil communal de Fontarabie l'ordre de se tenir prêt à toute éventualité, les habitants de Hendaye et de St-Jean-de-Luz ayant décidé, disait-il, de s'emparer à l'improviste du port de Pasajes, où se trouvaient encore les vaisseaux français récemment capturés

1. Toujours est-il que l'enquête se poursuivait assez activement de ce côté-ci du fleuve et qu'au moins en apparence le gouvernement français semblait cette fois peu disposé a supporter plus longtemps l'attitude provoquante, des Espagnols. Le 17 mai, Pierre de Chibau revint à Hendaye pour y interroger à nouveau quelques habitants

2. Puis, le silence se fit durant quelques jours tant dans le monde des enquêteurs que dans celui des bateliers. Cependant, le 2 juin, le vice-roi qui, décidément, ne semblait pas vouloir laisser perdre cette occasion de témoigner de son zèle à défendre les droits de son souverain, renouvela à Fontarabie l'ordre de ne rien tolérer de la part des Labourdins qui portât atteinte aux intérêts de la couronne d'Espagne. Le même jour

3,  il est vrai, les Hendayais reprenaient l'offensive ; deux prêtres de Fontarabie, dont l'un, D. Martin de Laborda, de l'illustre famille guipuzcoane de même nom, étaient à pêcher paisiblement au pas de Béhobie, quand ils furent soudainement attaqués à coups d'arquebuse et n'eurent que le temps de s'enfuir à Irûn en toute hâte

4. Les prisonniers espagnols ramenés le 2 mai au port de Hendaye, alors qu'ils naviguaient déjà triomphants vers Fontarabie, avaient été de nouveau conduits à Bayonne et jetés au cachot, comme otages.

Cette mesure, en vérité, empêchait les Guipuzcoans de se

1. — Arch. de Fontarabie, id., 15 mai 1 6 1 7 .

2. — C'étaient Martin d'Aquereste, Pellen du Rosty, mariniers à Hendaye, Jean de

Harostegui, prêtre de la paroisse, Joannes de Picassary, cordonnier, et sa femme Jeanne Desaris, Johannes d'Aragorri et Johannes de Harismendy, dit Olhasso, marchands à Hendaye, armateurs des navires saisis par les Espagnols le 18 janvier 1617

 Cf. leur i n t e r r o g a t o i r e . — A f f a i r e s étrangères. Correspondance politique. Espagne, t. 42, fol. 578 et suiv.

3 . — Arch. «de Fontarabie, même date. — Libro de actas, 2 juin 1 6 1 7 .

4. — Ibid.} id.

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livrer à de trop grandes violences contre les Labourdins ; aussi leur désir était-il grand de voir d'une manière ou d'une autre leurs malheureux compatriotes rentrer à Fontarabie. Ils dépêchèrent auprès du vice-roi deux notables conseillers de la ville, D. Miguel de Casadevante et le capitaine D. Miguel Sanz de Venesa, pour le prier d'intercéder à ce sujet auprès du comte de Gramont

1. Le vice-roi écrivit maintes fois à l'ambassadeur d'Espagne à Paris, mais sans qu'aucune amélioration fût apportée au sort des prisonniers et qu'il fût jamais question de les délivrer.

Cependant, les Hendayais avaient replacé le mât que quelques mois auparavant les Espagnols avaient mis à bas. Le 14 novembre, les habitants de Fontarabie se rendirent armés sur la rive française ; les Hendayais, cette fois, résistèrent avec violence ; néanmoins, après un combat assez acharné, le mât fut arraché et emporté à Fontarabie

2. A ce moment, la Junte de Guipuzcoa siégeait à Segura ; deux députés y furent spécialement envoyés, le capitaine D. Miguel Sanz de Venesa et D. Juan de Casadevante, qui firent valoir le zèle de Fontarabie à défendre les droits de la Province

3. La Junte, enthousiasmée, vota 300 ducats de récompense. Le vice-roi, moins généreux, se contenta d'envoyer son entière approbation

4  Quelques jours plus tard, pour la troisième fois, les Hendayais placèrent un autre mât

5 .Entre temps, les pourparlers s'étaient engagés entre Madrid et Paris pour mettre fin à l'agitation perpétuelle qui régnait sur la frontière basque, y rendant tout commerce impossible et plongeant dans la misère la population des petits villages de la côte cantabrique, tant labourdins que guipuzcoans. Le marquis de Senecey, ambassadeur de France à Madrid, s'efforçait tout particulièrement de faire agréer par le roi d'Espagne le projet d'une commission internationale.

1.         — Arch. de Fontarabie. — Libro de actas, 13 septembre 1 6 1 7 . 2.            — Ibid. Compulsas que dimos los très escribanos. . . 1683.

3.         — îhid.j id.

4.         — A r c h . de Fontarabie. — Libro de actas, 21 novembre 1 6 1 7 .

5. — Ibid.j id.} 29 novembre 1 6 1 7

1. — Bibl. Nat. Coll. Dupuy, vol. 42, fol. 48 et 2. — Arch. de Fontarabie. — Libro de actas, 26

3 . — Ibid. Lettre originale du duc à Fontarabie,

4. — Ibid. Lettre originale, 29 janvier 1 6 1 8 .

5. — Ibid. Lettre originale de deux prisonniers,

Bautista de Mugarrieta, aux alcaldes de la ville, 3 1

19 janvier 1 6 1 8 . Domingo de Àramburu et Juan-

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Les plaintes  enfin arrivaient plus nombreuses à la Cour de France et les habitants de Hendaye ne craignaients pas dans leur désespoir, de s'adresser directement au roi dont les subsides ne pouvaient malheureusement point remplacer entièrement les biens que les pauvres gens perdaient dans leurs querelles journalières avec les Espagnols .Le 26 janvier 1618 , le bruit courut à Fontarrabie que les commissaires étaient, de part et d'autre, déjà nommés et que les ordres avaient été donnés au Comte de Gramont pour qu'il délivrat immédiatement les prisonniers de Bayonne.Trois jours plus tard, le vice-roi  de Navarre, comte d'Aguilar  duc de Ciudad Réal était depuis peu parti en Lombardie  écrivait à Fontarrabie ;  on lui avait dit qu'il allait être nommé commissaire conjointement avec le Gouverneur de Bayonne; il souhaitait ardemment que cela fût vrai, mais il était alors à Pampelune; le comte de Gramont à la même heure se trouvait à Paris ; dans ces conditions il lui semblait peu probable que la Commission se réunit bientôt. Toute fois le 31 janvier, deux prisonniers de Bayonne confirmaient par lettre à leurs concitoyens que les commissaires français étaient arrivés à Bayonne et que sous peu ils se rendraient à Hendaye.  Sans s'occuper des pourparler diplomatiques déjà engagés dans lesquels ils n'avaient q'une confiance relative ou que peut être même ils ignoraient complètement, six habitants de Hendaye que , depuis près d'un an, les espagnols retenaient dans les prisons de Fontarrabie, s'en échapèrent dans la soirée du 24 février. Les alcades aussitôt avertis ffirent sonner le tocsin ; déjà les fugitifs avaient disparu sur le fleuve et gagné la rive française. A une heure le conseil général fut assemblé. Sur le seuil de l'église Santa Maria, l'alcalde D. Miguel Suarez de Rivera prononca

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 une violente harangue, ordonnant à ses concitoyens de s'équiper sans retard et d'aller cette nuit-là même incendier une ville rivale qui, depuis tant d'années, nuisait à leur prospérité. Le second alcalde, Ortiz de Zarate, à son tour, appuya fortement le projet de son collègue. Quelques conseillers plus sages prêchèrent cependant la modération ; la fureur de la foule en délire se tourna contre eux... Déjà, les combattants armés s'éloignaient vers le port, à la lueur des torches, quand l'idée leur vint de demander des soldats et des armes au gouverneur militaire du château. D. Bernadino de Meneses, ne voulant point s'engager dans une si périlleuse entreprise, refusa net ; ce fut une nouvelle grande colère que, bientôt, de violentes rafales, mêlées de pluie, vinrent calmer fort à propos. La tempête s'éleva terrible, rendant la mer impraticable. Quand, derrière la Rhune, encore effacée dans la brume, apparurent les premières lueurs du jour, les révoltés défaits, couverts de boue et mouillés, regagnèrent piteusement leurs demeures

1. Le vice-roi, informé de l'évasion des prisonniers français, déclara d'ailleurs qu'il n'y avait pas là, selon lui, matière à représailles

2.   En vérité, les Espagnols avaient seuls désormais des otages et, de ce fait, leur situation se trouvait singulièrement changée. Aussi, sans plus songer, pour le moment, à brûler le bourg de Hendaye, cherchaient-ils à s'emparer par surprise de quelques Labourdins attardés.

Les commissaires n'arrivaient toujours point et bien qu'on s'occupât, paraît-il, activement de la question à la cour de Madrid

3, il ne semblait pas qu'elle dût être de si tôt résolue.

Les querelles recommencèrent, toutefois moins violentes. Le gouverneur de Bayonne menaçait sans cesse de maltraiter les malheureux Espagnols détenus au fort de Floripessi leurs compatriotes attaquaient injustement les Labourdins.

Le 4 juillet, cependant, le vice-roi de Navarre écrivit aux habitants

1. —    Arcb. de Fontarabie, — Libro de actas, 25 février 1 6 1 8 .

2. —    Ibid. — Lettre originale du 3 mars 1 6 1 8 .

3. —    Ibid. Lettre de D. Antonio de Ubilla à Fontarabie. Madrid, 3 mars 1 6 18

4, —    Prison de Bayonne, placée au centre du Château-Vieux.

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 de Fontarabie qu'il venait de recevoir l'ordre du roi de conférer avec le gouverneur de Bayonne

1. Conféra-t-il, ne fera-t-il point  toujours est-il que le 28 juillet un très riche armateur de Bayonne était arrêté sans aucun motif à Irun et conduit à la prison de Fontarabie

2. Le 31 , il est vrai, sur la protestation énergique des magistrats bayonnais, il était remis en liberté.

3. Le 15 juillet, un ingénieur royal, Jacques Aleaume, partit de Paris pour Hendaye dans le but de choisir l'emplacement d'un nouveau fort où, désormais, pour mettre les Labourdins à l'abri de toute attaque, le roi de France entretiendrait une petite ganison

4. Le comte de Gramont et le vicomte d'Urtubie se rendirent à Bordeaux pour y conférer à ce sujet avec le nouveau gouverneur de Guyenne, Henri de Lorraine, duc de Mayenne

5. Tout naturellement, ces nouvelles firent sensation sur la rive espagnole. Les bruits les plus étranges et les plus invraisemblables se répandirent à ce propos ; on parla d'une invasion prochaine des troupes françaises, de la capture en masse de tous les Espagnols rencontrés sur territoire français entre Bayonne et la frontière

6. Entre temps, le comte d'Aguilar recevait de Philippe III l'ordre de nommer un commissaire qui se rendrait à Bayonne pour demander au gouverneur la mise en liberté des Ondarabiarres détenus au château de Floripes

7  Ce commissaire, accompagné de délégués de Fontarabie, se rendit effectivement à Bayonne et put y constater que jamais aucun mauvais traitement n'avait été infligé à ses compatriotes. Toutefois, le gouverneur se refusa nettement à mettre les prisonniers en liberté, alléguant qu'il ne pouvait le faire sans que le roi de France y consentît et sans que la ville de Fontarabie fît

1. — Arch. de Fontarabie. — Libro de actas, 4 juillet 1 6 1 8 .

2. — A r c h . de Fontarabie. — Libro de actas, 28 juillet 1 6 1 8 .

3 . — Ibid. Lettre originale, 3 1 juillet 1 6 1 8 . conféra-t-il

4. — Bibl. Nat. Coll. Dupuy, vol. 42, fol. 81 et suivants, et Affaires

correspondance politique. Espagne, t. 12, fol. 238 v° et suiv.

5. — Arch. de Fontarabie. — Libro de actas, 6 août 1 6 1 8 .

6. — Ibid., id., 12 août 1 6 1 8 .

7. — Ibid., id.; même date.

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une déclaration écrite où elle reconnaîtrait officiellement avoir outrepassé ses droits et provoqué les Français, lors de l'attentat du 17 janvier 1617

1. Depuis l'évasion du 26 février 1618, les habitants de Fontarabie étaient parvenus à s'emparer de quelques malheureux Labourdins qu'ils détenaient dans les cachots de Santa Maria. A leur tour, les Français vinrent visiter leurs compatriotes. Deux gentilhommes, MM. de Rovillart et Garro, furent chargés de ce soin par le comte de Gramont. Ils furent courtoisement reçus par les membres de l'Ayuntamiento et purent s'entretenir avec les prisonniers. Ils se hasardèrent à demander leur mise en liberté. Les conseillers déclarèrent devoir en délibérer et, quelques jours après, le 25 août, les Labourdins prisonniers purent librement gagner la rive française

2. Le Gouverneur de Bayonne ne montrait cependant pas autant de bienveillance. Nous passerons sous silence toutes les démarches que firent les prisonniers de Bayonne pour obtenir leur liberté ; ce fut un échange interminable de lettres entre Fontarabie, Madrid, Paris et Bayonne, des suppliques sans nombre adressées à tous les grands personnages des deux Cours qui passaient la frontière, et cela pendant plus d'un an

3.

1. — Arch. de Fontarabie. — Id., 21 août 1 6 1 8 .

2. — Arch.     de Fontarabie.          — Libro de actas, 25 août 1 6 1 8 .

3 . — Le 18 septembre 1618

, l'un des prisonniers détenus à Floripes, Domingo de Aramburu, prévient ses concitoyens qu'on attend à Bayonne, venant d'Espagne, une dame d'honneur de la reine d'Espagne, Dofia Juana de Mendoja ; il les prie de l'envoyer saluer à Irun et de lui demander d'intercéder auprès du Comte de Gramont. Arch. de Fontarabief lettre orig. — Le 28 septembre, un autre prisonnier, Miguel de Gaynza, annonce le prochain passage à Irun d'un personnage allié à la puissante famille des Acuna, D. Antonio Sarmiento, ambassadeur d'Espagne à la Cour d'Angleterre, qui pourra utilement insister auprès du gouverneur de Bayonne. Arch. de Fontarabie, lettre o r i g . — Le 4 novembre 161 8 , le Conseil Communal de Fontarabie décide les pères gardiens des couvents franciscains de Saint-Sébastien et de Renteria à se rendre à Saint-jean-de-Luz, auprès du gardien du couvent, Frère Martin de Abas, et à Bayonne, auprès du gardien du couvent de Capucins, pour les prier de demander au Comte de Gramont la liberté de leurs compatriotes. Arch. de Fontarabie. Libro de actas, 4 novembre 1 6 1 8 . —

 Le 24 décembre 1 6 1 8 , nouvelle lettre de Domingo de Aramburu annonçant l'arrivée à Bayonne du Duc de Mayenne ; il prie ses concitoyens de lui envoyer quelques délégués quand il viendra à Hendaye. Arch. de Fontarabie.

 Le 9 janvier 1 6 1 9 , une délégation d'Ondarabiarres va saluer à Irun D. Luis de Velasco, Marquis de Belbecler, capitaine général de la cavalerie légère des Etats et armée de Flandre, ami personnel du Duc de Mayenne et du Comte de Gramont. Ibid., Libro de actas, séance du même jour. — Le

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une déclaration écrite où elle reconnaîtrait officiellement avoir outrepassé ses droits et provoqué les Français, lors de l'attentat du 17 janvier 1617

1. Depuis l'évasion du 26 février 1618, les habitants de Fontarabie étaient parvenus à s'emparer de quelques malheureux Labourdins qu'ils détenaient dans les cachots de Santa Maria. A leur tour, les Français vinrent visiter leurs compatriotes. Deux gentilhommes, MM. de Rovillart et Garro, furent chargés de ce soin par le comte de Gramont. Ils furent courtoisement reçus par les membres de l'Ayuntamiento et purent s'entretenir avec les prisonniers. Ils se hasardèrent à demander leur mise en liberté. Les conseillers déclarèrent devoir en délibérer et, quelques jours après, le 25 août, les Labourdins prisonniers purent librement gagner la rive française

2. Le Gouverneur de Bayonne ne montrait cependant pas autant de bienveillance. Nous passerons sous silence toutes les démarches que firent les prisonniers de Bayonne pour obtenir leur liberté ; ce fut un échange interminable de lettres entre Fontarabie, Madrid, Paris et Bayonne, des suppliques sans nombre adressées à tous les grands personnages des deux Cours qui passaient la frontière, et cela pendant plus d'un an

3.

1. — Arch. de Fontarabie. — Id., 21 août 1 6 1 8 .

2. — Arch.     de Fontarabie.          — Libro de actas, 25 août 1 6 1 8 .

3 . — Le 18 septembre 161 S, l'un des prisonniers détenus à Floripes, Domingo de Aramburu, prévient ses concitoyens qu'on attend à Bayonne, venant d'Espagne, une dame d'honneur de la reine d'Espagne, Dofia Juana de Mendoja ; il les prie de l'envoyer saluer à Irun et de lui demander d'intercéder auprès du Comte de Gramont. Arch. de Fontarabief lettre orig.

— Le 28 septembre, un autre prisonnier, Miguel de Gaynza, annonce le prochain passage à Irun d'un personnage allié à la puissante famille des Acuna, D. Antonio Sarmiento, ambassadeur d'Espagne à la Cour d'Angleterre, qui pourra utilement insister auprès du gouverneur de Bayonne

 Arch. de Fontarabie, lettre o r i g . — Le 4 novembre 1 6 1 8 , le Conseil Communal de Fontarabie décide les pères gardiens des couvents franciscains de Saint-Sébastien et de Renteria à se rendre à Saint-jean-de-Luz, auprès du gardien du couvent, Frère Martin de Abas, et à Bayonne, auprès du gardien du couvent de Capucins, pour les prier de demander au Comte de Gramont la liberté de leurs compatriotes. Arch. de Fontarabie. Libro de actas, 4 novembre 1 6 1 8 . —

 Le 24 décembre 1 6 1 8 , nouvelle lettre de Domingo de Aramburu annonçant l'arrivée à Bayonne du Duc de Mayenne ; il prie ses concitoyens de lui envoyer quelques délégués quand il viendra à Hendaye. Arch. de Fontarabie.

— Le 9 janvier 1 6 1 9 , une délégation d'Ondarabiarres va saluer à Irun D. Luis de Velasco, Marquis de Belbecler, capitaine général de la cavalerie légère des Etats et armée de Flandre, ami personnel du Duc de Mayenne et du Comte de Gramont. Ibid., Libro de actas, séance du même jour. — Le

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Enfin, le 27 septembre 1619,.la question fut heureusement réglée, les prisonniers espagnols, sauf un, s'échappèrent de la prison de Floripes1.

Un prisonnier restait encore entre les mains des Français ; d'autre part, les Guipuzcoans continuaient de poursuivre les pêcheurs et les marchands labourdins

 3 et trois navires de Hendaye saisis le 18 janvier 1617 se trouvaient toujours ancrés dans le port de Pasajes.

Des délégués que, lors de leurs instances à la Cour d'Espagne pour obtenir la liberté des prisonniers de Bayonne, les magistrats de Fontarabie avaient envoyés à Madrid, revinrent déclarant que le roi désirait ne pas voir ses sujets céder aux menaces des Français et que, si besoin était, il leur prêterait des munitions et des troupes

3. Le Conseil Communal décida, en outre, qu'aux dix-neuf chaloupes qui composaient alors la flottille de haute mer, on en adjoindrait deux autres, plus grandes, mieux armées, qui accompagneraient les pêcheurs, quand ils sortiraient à la mer

4. Toutefois, malgré ces préparatifs faits surtout dans la crainte que le comte de Gramont cherchât à venger l'évasion des prisonniers de Bayonne par quelque coup de main inattendu

 5 de part et d'autre, les belligérants traitèrent assez facilement. D'ailleurs, le roi d'Espagne, malgré les intentions belliqueuses que lui prêtaient les envoyés de Fontarabie, avait donné ordre de remettre aux Hendayais les trois navires de Pasajes

6 et, de 10 janvier 161 9 , le Conseil Communal décide d'aller porter à la Comtesse de la Torre, dame d'honneur de la reine de France, de passage à Irun, une lettre pour la Reine et pour D. Fernando Giron, ambassadeur d'Espagne à la Cour de France.

 Ibid., Libro de actas, 10 janvier 1 6 1 9 . —

 Au début de mars 1 6 1 9 , M. d'Urtubie promet aux alcaldes de Fontarabie d'empêcher la construction du fort de Hendaye et d'obtenir la liberté des prisonniers de Floripes, si la ville consent à l'indemniser convenablement des démarches qu'il fera à la Cour de France où il se rendra bientôt. Arch. de Fontarabie. Libro de actas, 10 mars 1619.

1. — Àrch. de Fontarabie. — Libro de actas, 27 septembre 1619.

2. — Le 8 février 1 6 1 9 , à la suite d'une querelle survenue pendant la pêche entre des habitants de Bidart, de Hendaye et de Fontarabie, l'alcalde D. Juan de Casadevante, accompagné d'une troupe armée, ramena à Fontarabie trente-deux Labourdins qui furent mis en prison. Arch. de Fontarabie, libro de actas, 9 février 1619.

3 . — Arch. de Fontarabie. — Libro de actas, 27 novembre 1 6 1 9 .

4. — « Con versos y pedreros y mosquetes y pîcas y chuzos de escolta. ».

 

5. — Arch. de Fontarabie. Lettre originale du vice-roi aux alcaldes, 7 février1620.

6. — Arch. de Fontarabie. Lettre de la Junte aux mêmes, Ier mai 1620.

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son côté, le roi de France avait conseillé de mettre en liberté le prisonnier resté seul à Bayonne, si toutefois ceux d'Espagne consentaient à délivrer les Labourdins qu'ils détenaient dans leurs prisons

1. En novembre 1620, Philippe III ordonna à Fontarabie de décider leur mise en liberté et, quelques jours plus tard, l'échange des prisonniers eut lieu

2. Pendant plus de vingt ans, les conflits, sans cesser d'être fréquents, devinrent moins violents ; trop souvent encore les corsaires de Fontarabie ne se gênèrent point pour capturer, à l'occasion, quelque barque labourdine chargée de marchandises

3. Bientôt, la guerre éclata dans le pays basque

 4. Nous ne ferons que rappeler brièvement ici — car tel n'est point notre sujet — le siège mémorable que soutint Fontarabie en l'année 1638

SIEGE DE FONTARRABIE

 5. Le 1er Juillet, le Prince de Condé traversa le pas de Béhobie et, dès ce moment, les batteries françaises commencèrent à bombarder les remparts de la vieille cité. Le 8 août, le château du Figuier, commandant l'entrée de la baie, était pris d'assaut ; le 21 , la flotte espagnole qui venait au secours de la ville assiégée était décimée par les galères de Sourdis, archevêque de Bordeaux, au large de Guétaria ; tout semblait indiquer pour Condé une victoire certaine, encore que la résistance des habitants sous la conduite de l'héroïque alcalde D. Diego de Butrôn, semblât devoir être opiniâtre ; déjà Richelieu, de Picardie, donnait de nouveaux ordres pour poursuivre la marche en avant sur les côtes espagnoles, quand, le matin du 8 septembre, l'armée de Cantabrie, que commandaient l'amiral de Castille et le marquis de Los Velez, apparut sur les hauteurs du Jaizquivel. La lutte fut acharnée ; mais le soir, les Français, en déroute, repassèrent le fleuve,

1. — Arch. de Fontarabie. Libro de actas, 2 octobre 1620. 2. — Ibid., ici., 10 novembre 1620.

3 . — MÛGICA (D. Serapio de) : Monografia historien de la villa de Iriin. — Irun, 1903, in-8°, tomo 1% cap. III, § IX, pàg. 129 et suîv.

4. —- Cf. notamment lettre du lieutenant du comte de Gramont, de Sansac, aux alcaldes de la ville pour protester contre la capture d'une pinasse de Saint-jean-de-Luz, 3 août 1624. — Arch. de Fontarabie.

5. — Cf. SUE (Eug.) : Correspondance de Henri d'Escoubleau de Sourdis, dans Colldes Doc. inéd. Paris, 1839, in-40, tome II, liv. III, chap. VI.

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laissant plus de deux mille des leurs sur la rive espagnole. Cette défaite étonna et l'un des chefs français, le duc de la Valette, fut  fortement accusé d'avoir trahi le roi

 1.Ce siège, qui demeure l' une des pages les plus glorieuses de l'histoire de Fontarabie

2, affaiblit à ce point la cité que, pendant plus de vingt ans, elle n'eut guère la force de poursuivre les Basques labourdins.qui purent enfin pour quelque temps naviguer librement.

A partir de 1650, cependant, quelques différends éclatèrent de nouveau entre pêcheurs ondarabiarres et labourdins

3. Vint enfin la Paix des Pyrénées qui devait, semble-t-il, régler ces intermi- nables différends.

La solution des différends entre Fontarabie et Hendaye parut aux plénipotentiaires susceptibles de retarder la conclusion de la paix et, d'un commun accord, ils décidèrent que l'étude de cette question serait spécialement confiée au gouverneur de Bayonne, maréchal comte de Gramont, et au capitaine général de Guipuzcoa, baron de Vatteville. Ils se gardèrent bien d'ailleurs d'indiquer le délai dans lequel ces deux nouveaux commissaires devraient se réuni

4. Dès 1660, Fontarabie s'occupa d'attirer de nouveau l'attention des pouvoirs, qui semblaient oublier l'article secret de la Paix des Pyrénées, en envoyant de volumineux dossiers de documents, tant à Madrid qu'à Saint-Sébastien. La Province promit d'agir auprès du baron de Vatteville et lui délégua même au mois de juin deux députés, personnages influents, D. Agustin de Asua et

1. — Cf. E. DUCERÉ : Recherches historiques sur le siège de Fontarabie en ï6)8, dans

Bulletin de la Société des Sciences et Arts de Bayonne. i S S o [ - i S 8 i ] , p. 4

1 . — T o u s les ans, depuis le 8 septembre 1639, en vertu d'une décision du Conseil Communal de Fontarabie en date du 4 septembre 1639 la      population de la ville et des faubourgs monte en procession à la chapelle de la Guadeloupe, située sur les pentes du Jaizquivel, pour y remercier la Vierge de la protection qu'elle accorda contre les Français durant le siège de 1638 à Don Diego de Butron et à ses héroïques compatriotes.et D. Juan de Lezo

 

 Cf. à ce sujet, D. Serapio de MÛGICA : Las Fiestas de septiembre en Fuenterrabia, origen y detalles. San Sébastian, 1900, in-8°.

3 . — Cf. Arch. de Fontarabie. Lettre de Salvador d'Urtubie aux alcaldes de la Cité,

14 mars 1 6 5 1 . Lettres desj urats d'Urrugne aux mêmes, 21 janvier et 14 décembre 1655, et lettre des jurats de Ciboure aux alcaldes, 28 février 1658. Remarquons que toutes ces lettres — originales — sont en langue castillane, sauf la dernière qui est en français.

4. — Cf. art. 8 des articles secrets de la Paix des Pyrénées.

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1. Le baron était alors fort préoccupé de la venue prochaine d'une ambassade anglaise qui se rendait à la Cour d'Espagne. Fort courtoisement, du reste, il déclara aux députés qu'il lui était impossible de s'occuper de cette question et qu'il en remettait l'étude à une date ultérieure. Fontarabie reçut la nouvelle non sans quelque contrariété. Le comte de Gramont fut averti de la décision du Capitaine Général ; il n'avait d'ailleurs guère montré plus d'empressement que son collègue espagnol à se rendre sur les bords de la Bidassoa

En attendant qu'elle pût faire reconnaître officiellement ses droits, Fontarabie les fit respecter par les Labourdins, non sans quelque violence. Les querelles recommencèrent sur la Bidassoa. Tout commerce devint impossible pour les Français. Les plaintes affluèrent si nombreuses à Paris que, en août 1661, Hugues de Lionne envoya à l'archevêque d'Embrun, ambassadeur à Madrid, l'ordre d'entretenir D. Luis de Haro de cette intolérable situation ; il lui proposerait de convoquer à Madrid un représentant de Fontarabie qu'il interrogerait sur les droits et revendications de la cité, puis eux deux ou des commissaires spécialement désignés à cet effet régleraient définitivement ces différends dans un délai déterminé. Ce délai passé, le roi de France saurait faire respecter à son tour les droits de ses sujets

3. L'archevêque d'Embrun dut conférer avec le ministre espagnol, en décem-

1. — Arch, de Fontarabie. Lettre orig. du secrétaire de Gaynza aux alcaldes de la Cité, 19 juin 1660.

2. — Ibid. Lettre des députés de la Province aux alcaldes de la Cité, 21 juin 1660.

3 . — « . . . Il faudra — s'entend — que vous preniez d'abord une précaution avec Dom Louys, qui sera de l'obliger a faire venir sans delay un habitant de Fontarabie avec des instructions de toute l'affaire, car autrement il vous payera toujours de la mauvaise excuse qu'il n'est pas informé de leurs r a i s o n s . . . » et plus loin : « . . . Il sera bien de déclarer d'abord nettement a Dom Luys que si dans un certain temps — dont vous conviendrez — qui pourrait être deux ou trois mois, l'affaire n'est ajustée à l'amiable entre vous ou les commissaires qu'il voudra nommer.. . etc., le roi est résolu de permettre ausdits habitans d'Andaye de naviguer dans la riviere avec toute sorte de vaisseaux a quille ou sans quille, comme la moitié de la riviere luy appartenant, et qu'en leur accordant cette permission, Sa Majesté envoyera ordre à tous les habitans du pays de Labour qui peuvent mettre plus de dix mille hommes ensemble d'appuyer ceux d'Andaye pour les faire jouir de cette faculté contre les vexations et entreprises de leurs voisins de Fontarabie. J'aprehende bien que nous n'en ayons jamais raison que par cette voye... ». Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne, tome 42, fol. 1 3 0 et suiv.

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bre 1661, un délégué de Hendaye, Jean de Galvarette, partit à Madrid

1 ; de son côté, Fontarabie y dépêcha D. Antonio de Casa- devante en attendant qu'un des alcaldes ordinaires, D. Miguel Martinez de Caiçuegui s'y rendît en personne

2. Toutefois, l'année s'écoula sans que rien eût été décidé La question était cependant, cette fois, sérieusement étudiée tant à Paris qu'à Madrid ; nous n'entrerons point ici dans les détails de la procédure qui fut alors suivie et sur laquelle cependant nous avons d'assez nombreux renseignements

 3 ; nous arriverons directement à ce fait que, le 24 septembre 1662, Louis XIV nommait commissaires l'abbé de Saint-Martin Barès, chevalier de Saint Michel, et Henri d'Artagnan, lieutenant du Gouvernement de Bayonne

 4  et que, le 18 octobre suivant, Philippe IV ordonnait de faire partir sans retard à la frontière les deux commissaires, D. Pedro de Idiaquez et D. Joseph Romeu de Ferrer, qu'il avait précédemment nommés

 5. Le 26 novembre, les commissaires français arrivaient à Hendaye et descendaient chez l'un des jurats, Joannisco de Galvarette

6. Ils convoquèrent aussitôt les quatre jurats de la ville, ce même Joannisco de Galvarette, Miguel de Berrogain, Peroch de Lafargue et Joannisco d'Aspourdy, et les chargèrent de rédiger un rapport des griefs de Hendaye contre Fontarabie. Le lendemain, 27, ce rapport leur fut remis

7; le même jour, à Fontarabie,

1. — Arch. de Fontarabie. Lettre des alcaldes à la Province, 13 février 166 2 .

2. — Ibid. Libro de actas, 12 février 1 6 6 2 : « . . . Este dia se decreto que se le escriba al dichô D. Antonio de Casadevante estima.ndole el cuidado que pone en ia solicitud de este negocio y pidiendo la continuaciôn por si hasta que llegue el Sefior alcalde Caiçuegui a Madrid y que para andar en las visitas que ha de hacer a los Senores Ministros alquile coche y gaste lo que fuere necesario por cuenta de la c i u d a d . . . »

3 . — Arch. Nat., K 1 6 7 0 .

4. — Ibid., id.

5 . — « . . . Como save el Consejo, tiene ya nombrado el Rey Christianissimo comisarios para ajustar las diferencias de Fuenterravia y Andaya ; de mi parte tambien estan nombrados Don Pedro de Idiaquez y el Doctor Romeu y porque el embaxador de Francïa insta mucha que partan luego y combiene que assi lo executen, se les ordenara que lo hagan sin d i l a z i o n . . . Arch. Nat., K 1 6 7 0 .

6. — Bibl. Nat., Mél. Colbert, vol. 1 5 , fol. 5 1 4 et suiv.

7. — En voici le texte traduit en espagnol : « Los dichos habitantes de Hendaya y otros subditos de Su Magestad dizen que por evitar diversos enquentros de hecho entre ellos y los habitantes de Fuenterrabia y otros subditos del Rey Catholico y afin que ellos puedan saber sin disputa asta donde se estienden las tîerras y jurisdicion del Reyno de

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on annonça l'arrivée à Saint-Sébastien de l'un des commissaires espagnols, D. Joseph Romeu de Ferrer

1. Deux notables, D. Juan Bautista de Mugarrieta et D. Tomas de Arsu, lui furent spécialement envoyés pour l'instruire des droits et revendications de la cité.

Les commissaires français, qui déjà s'impatientaient et croyaient que leurs collègues espagnols se trouvaient à Fontarabie, y dépêchèrent leur greffier, Me Jean de Cazabielle, pour leur annoncer leur arrivée et leur désir de commencer bientôt les négociations. Le greffier s'en fut trouver l'un des alcaldes de la cité qui lui déclara qu'en vérité D. Joseph Romeu de Ferrer était arrivé à Saint-Sébastien depuis quelques jours, mais qu'il n'était point encore venu à Fontarabie et qu'enfin l'on était sans nouvelle aucune du second commissaire, D. Pedro de Idiaquez

 

Francia despues del principio d'esta frontera de la parte de Navarra asta el mar, ellos piden que el medio. del rio Bidasoa, que haze la divission de los dos Reynos de Francia y Espana, sea tenido por el verdadero limite de dichos dos Reynos y que la mitad del dicho rio que bana lastierras de Francia perteneze en propiedad â Su Magestad Chris- tianisima y el uso de la dicha mitad y de su entrada en el mar plenamente â sus subdi- tos con entera libertad y facultad tanto para navegar sobre el y en su entrada en el mar con chalupa, barcos, pinazas, navios y toda otra suerte de barcos para navegar y tam- bien para pescar dentro y fuera y con toda suerte de instrumentes, entrar y salir a la mar por la barra comun, surtir y ancorar en la concha del Figuer, cargar y descargar en sus dichos baxeles toda suerte de cossas y mercaderias que entraran y saldran por el dicho rio; viniendo tanto por el como por la mar y por la tierra al dicho lug'ar de Hendaya y de passar y volver de Francia â Esparia y de Espana â Francia por el dicho rio toda suerte de animales y mercaderias y con sus dichos barcos de qualquier genero que sean de la misma manera que los de Fuenterrabia, y tambien para ayudar â hazer entrar y salir del dicho rio sus navios y los de los estrangeros con sus chalupas y pina- zas, surtir y ancorar en la concha, si lo huvieren menester, y de la misma manera toda suerte de navegazion sin restriccion alguna, como tambien cultivar las islas y gozar de los molinos y pesqueras que estan dentro del rio de la parte de Francia con los mismos privilegios y ventajas que los dichos habitantes de Fuentarrabia y otros subditos de Su Magestad Catholica han gozado, gozan y pueden gozar de su parte sin exceptuar cosa alguna por ninguna manera y que para este effecto ayan de cessar todos los excessos, violencias y impedimentos que los habitantes de Fuenterravia han hecho y hazen cada dia â los de Hendaya al abrigo de su fortaleza y que les dejaran claramente y con paz gozar del uso comun del dicho rio y su entrada en el mar, islas, molinos y pesqueras que estan de la parte de Francia con satisfacion de los excessos, violencias y malos tratamientos cometidos, juntamente con los dafios y interesses padezidos por los dichos habitantes de Hendaya por el impedimiento de la navegazion y cultura de las islas causados por los dichos habitantes de Fuenterrabia â poder de sus violencias y malos

tratamientos.» Arch. NatK 1670. Cf. également le texte abrégé en français : Bibl. NatMél.           Colbert, vol. 15, fol. 5 1 9 et suiv.

1 . — Arch. de Fontarabie. Lettre des alcaldes au vice-roi de Navarre, 29 novembre 1 6 6 2 .

2. — Bibl. Nat., Mél. Colbert, vol. 1 5 , fol, 5 1 6 r° et v°.

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      51    

 2 Le lendemain, 29 novembre, le greffier se rendit à Saint-Sébastien

1. D. Joseph Romeu de Ferrer lui remontra fort courtoisement qu'à la suite de divers incidents, il se trouvait actuellement seul commissaire désigné par le roi Catholique, mais que, toutefois, il ne pouvait rien entreprendre, sans un ordre spécial qu'il recevrait d'ailleurs bientot.

Le 2 décembre, sur la prière de D. Joseph Romeu de Ferrer, les commissaires français se rendirent à l'île des Faisans où leur collègue espagnol leur déclara qu'à son grand regret, le roi ne lui avait pas encore envoyé l'autorisation de conférer seul avec eux, mais que, néanmoins, dans l'espoir où il était que ce pouvoir lui serait accordé à bref délai, il serait bon, dès ce jour, de faire construire en cette même île une baraque où, par les mauvais temps, ils pourroient tous trois délibérer à l'abri. Les commissaires français acceptèrent

 3. Le soir même, D. Joseph Romeu regagna Saint-Sébastien

4. Le 6 décembre, Philippe IV l'avertit enfin qu'il lui adjoindrait, comme second commissaire, D. Francisco Henriquez de Ablita

 5. Le 18, ce dernier se rendit à Hendaye pour exhiber aux commissaires du roi de France les lettres qui l'accréditaient auprès d'eux

6. Cependant, la commission que, le 24 septembre, Louis XIV avait envoyée à M. d'Artagnan et à l'abbé de Saint-Martin Barès allait bientôt expirer ; une prolongation leur fut envoyée, qui leur permettait de conférer avec leurs collègues espagnols jusqu'à la fin du mois de janvier 1663 7.

1 . — Bibl. Nat., Méi. Colbert, vol. 15, fol. 5 1 6 v° et fol. 5 1 7 r°.

2. — « . . . qu'il n'avoit encore peu se rendre a Fuenterabie a cause de quelques prétentions de Don Pedro Dilliagues, son collègue, pour raison de la preseance entre eux, sur lequel différent ayant escrit tous deux a Sa Majesté Catholique, Elle auroit décidé l'affaire en sa faveur et nommé Don Luis de Necolalde, cavallero de la ville de Tholozeta, en la place du dit Don Pedro Dilliagues, son collègue, mais que malheureusement le dit Don Luis de Necolalde s'estoit trouvé fort incommodé des gouttes et hors d'estat de pouvoir executter les ordres de son r o y . . . ».

 Bibl. NatMél.            Colbert, vol. 15, fol. 5 1 7 r°.

3.         —        Bibl.    Nat., Mél. Colbert, vol. 15, fol. 5 1 7 r° et v°»

4.         —        Arch.   de Fontarabie. Lettre orig. de D. Joseph Romeu à la Cité, 2 décembre 1 6 6 2 .

5.         —        Ibid.,   id., 10 décembre 1 6 6 2 .

6.         —        Bibl.    Nat., Mél. Colbert, vol. 15, fol. 5 1 7 v° et fol. 5 1 8 r°.

7.         —        Arch.   Nat., K 1 6 7 0 ,

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      52

Ce fut seulement le 30 décembre que, pour la première fois les quatre commissaires se rencontrèrent dans la baraque de l'île des Faisans

1. Le 2 janvier 1665, un messager, D. Bernardo de Puxol, vint à Hendaye, de la part de D. Joseph Romeu de Ferrer, porteur d'une instruction pour l'abbé de Saint-Martin Barès ; le commissaire espagnol appelait l'attention de son collègue français sur quelques détails des conditions, dans lesquelles devaient avoir lieu leurs délibérations

 2. Il lui rappelait que, dès le 10 décembre, il s'était plaint — à la requête des habitants de Fontarabie — de ce que, à leur première entrevue au Pas de Béhobie, les Français fussent venus sur une chaloupe et des barques à quille et que, la veille encore, il avait aperçu une chaloupe remorquant une gabarre au port de Hendaye. Il s'étonnait également d'avoir vu les commissaires français accompagnés de gardes armés ; il eût désiré en être averti auparavant, pour pouvoir, lui aussi, se faire escorter d'une troupe égale en nombre, encore qu'il lui semblât préférable de s'abstenir d'amener des soldats à une conférence aussi pacifique que la leur. Il insistait enfin sur ce fait que, contrairement aux instructions qu'il avait données, la cloison avait été faite si mince qu'on entendait fort distinctement de l'extérieur ce qui se disait à l'intérieur et que, pendant les délibérations, il serait bon, pour cette raison, d'éloigner les gens de leurs escortes et de les cantonner dans les gabarres.

Les commissaires français, par le même courrier, répondirent

3 qu'évidemment une chaloupe avait, la veille, par un gros temps, remorqué jusqu'au port de Hendaye une petite gabarre qui ne pouvait plus avancer, mais qu'ils étaient loin de supposer les gens de Fontarabie assez « discourtois » pour préférer à l'inobservance d'un traité la mort de pauvres bateliers français, ajoutant d'ailleurs que désormais, sur cette question, ils s'en remettraient pleinement aux décisions de D. Joseph Romeu de Ferrer

1 . — Bibl. Nat., Mel. Colbert, vol. 1 5 , fol. 51-8 r° et v \ 2. — Arcb. Nat., K 1 6 7 0 .

5, — Ibid.j id.

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. La garde armée qui les accompagnait à Béhobie le 2 décembre n'était simplement que l'escorte particulière et ordinaire de M. d'Artagnan, gouverneur de Bayonne. Toutefois, désireux de calmer les inquiétudes de leur collègue espagnol, ils lui déclaraient être prêts à faire sur ce point ce qu'il lui plairait de décider. Sur la nécessité qu'il y avait d'éloigner les curieux de la baraque pendant la tenue des conférences, ils étaient pleinement de son avis ; dorénavant, ils feraient en sorte que leur escorte restât dans les gabarres et ne permettraient l'entrée de la baraque qu'à leur secrétaire et à leurs domestiques particuliers.

Ces quelques détails étant réglés, les commissaires se réunirent, le 4 janvier, dans l'île des Faisans. Toutefois, D. Francisco Henriquez de Ablitas n'était pas encore arrivé. Dans cette séance, les commissaires de France présentèrent au plénipotentiaire espagnol un rapport détaillé des griefs et réclamations de Hendaye contre Fontarabie, rapport que — sur leur demande — les jurats du bourg français leur avaient remis le 27 novembre précédent

 1. D. Joseph Romeu de Ferrer en emporta le texte pour le soumettre aux observations et remarques de la cité de Fontarabie qui, de son côté, avait dressé un long mémoire de ses droits et revendications

 2. Le 11 janvier, en cette même île des Faisans, les commissaires français vinrent s'informer de l'accueil fait par Fontarabie aux demandes du bourg de Hendaye

 3. D. Joseph Romeu de Ferrer déclara « que sans avoir esgard a l'une ny a l'autre, il falloit accommoder les parties et faire donner à ceux de Hendaye une partie de ce qu'ilz demandoient, d'autant qu'il n'estoit pas juste et qu'ilz ne pouvoient pas prétendre de jouir esgalement avec ceux de Fuentarabie de la dite riviere, conche et rade, attendu mesme que la dite rivière Bidassoa prenoit sa source dans les terres d'Espagne ». Les commissaires français protestèrent

1.         —        Cf. lettre de l'Inquisiteur Général à Blasco de Loyola, 18 mars 1 6 6 3 .        Arch. Nat.,     K            1670.

2.         —        Bibl. Nat.j Mél. Colbert, vol. 1 5 , fol. 5 1 9 et suiv.

3.         —        Ibid., id., vol. 1 5 , fol. 521 v° et fol. suiv.

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aussitôt, niant même — à tort — que la source du fleuve fût espagnole. Leur désir était que la frontière fût fixée à la moitié du fleuve et que, de part et d'autre, les riverains pussent librement naviguer, pêcher et commercer. A cela, D. Joseph Romeu de Ferrer répliqua, en remettant à l'abbé de Saint-Martin Barès et à M. d'Artagnan le mémoire où Fontarabie maintenait que le fleuve lui appartenait entièrement de sa source à l'embouchure, que les habitants de Hendaye ne pouvaient que passer d'une rive à l'autre sur de petites gabarres et que toute autre embarcation munie de quille devait leur être absolument défendue

1. Après avoir énergiquement déclaré que tant que les droits soi-disant exclusifs de la couronne de Castille sur la Bidassoa ne leur seraient pas démontrés à l'aide de « bons, clairs et valables titres », ils les tiendraient comme abusifs et non fondés et revendiqueraient pour les sujets du roi de France le droit de naviguer, pêcher et commercer librement sur un fleuve dont le milieu devait former la frontière des deux royaumes, les commissaires français se retirèrent.

Le mois de janvier s'achevait sans que rien fût réglé et l'attitude des deux parties ne faisait guère supposer une prompte solution des différends ; d'ailleurs, l'un des commissaires espagnols était toujours absent.

Le 16 janvier, Louis XIV envoya à ses délégués une prorogation pour tout le mois de février

2. Le 1 1 , Monsieur d'Artagnan et l'abbé de Saint-Martin Barès avaient nié que la Bidassoa prît sa source en territoire espagnol. Cependant, pris de scrupules et désireux de vérifier ce détail de géographie — en l'occurrence

1. « — Ensuitte, il nous auroit présenté certaines prétendues responces aux demandes de ceux de Hendaye soubz le nom du scindic de Fuentarabie, dans lesquelles les habitans de la dite ville de Fuentarabie soustenoient bien contre la vérité et contre toutte evidence de droict, que la Riviere Bidassoa, conche et rade et tout ce que la mer couvre en son montant appartenoit en propriété a la Couronne de Castiile à l'exclusion du Roy de France et l'uzage aux habitans de Fuentarabie privativement et à l'exclusion des habitans de Hendaye et tous autres subjetz de Sa Majesté qui ne pouvoient se servir sur la dite Riviere que de simples gavarres pour passer et repasser et non des vaisseaux a quille pour sortir en la mer par l'emboucheure d'icelle et que la dite ville de Fuentarabie avoit en main des tiltres authentiques, pour justiffier ce qu'ils mettoient

en avan t . . . » . Bibl. NatMél.        Colbert, vol. 15, fol. 522 r \

2. — BibL Nat., Mél. Colbert, vol. 1 5 , fol. 523 v° et 524 r°, et Arch. Nat., K 1670.

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fort important—qu'ils ignoraient également l'un et l'autre, ils envoyèrent trois personnes de leur entourage suivre les tours et détours du fleuve jusqu'à sa source ; un peintre, nommé François Pouliot, les accompagnait, chargé de lever le plan des régions qu'ils traverseraient. Les quatre géographes revinrent, déclarant que la Bidassoa était bel et bien un fleuve français, puisque sa source était principalement alimentée par quatre ruisseaux venus des montagnes de Baïgorry qui sont en terre française et que plus de trente ruisseaux également venus de France la grossissaient et la rendaient navigable depuis Endarlaza

1. Le 28 janvier, D. Francisco Henriquez de Ablitas partit enfin de Pampelune pour Fontarabie

2 où il arriva le 31 . Le lendemain, Ier février, les quatre commissaires se réunirent dans la baraque de l'île des Faisans

3. Désespérant de jamais pouvoir s'accorder, ils décidèrent qu'il était préférable, avant qu'eux mêmes délibérassent, de provoquer la réunion de délégués des deux villes rivales. Le 3, cinq délégués de Hendaye et cinq autres de Fontarabie se rendirent à la baraque où, trois heures durant, ils se querellèrent

t4. Les Hendayais se montrèrent particulièrement intransigeants, dirent les Espagnols ; il est fort probable que, de part et d'autre, on se montra peu décidé à se faire des concessions réciproques

5. Les commissaires royaux durent donc de nouveau reprendre leurs travaux. Les espagnols promirent à leurs collègues français de leur apporter les titres et privilèges de Fontarabie qu'ils avaient

1. — Bibl. Nat.j Mél. Colbert, vol. 15, fol. 523 r° et v°. 2. — Arch. Nat.j K 1670.

— BibL NatMél.        Colbert, vol. 15, fol. 524 r° et v° et 525 r° et v°.

4. — Ibid.j id., vol. 15, fol. 524 v°, fol. 525 et suivants.

5. —    concurrieron d'esta ciudad y deî dicho burgo las perssonas nombradas

como se havia acordado a tratar del dicho ajuste, pero a los primeros lançes de la

platica se resolvieron los de Endaya en que no havian de exzeder un punto de lo que se havia pedido y propuesto por su parte en un papel que se havian dado a V. Sas los dichos comisarios de Francia (cuya copia para estar mas en el ya se nos havia entregado) y biendo que las pretenciones que en el se contenian heran muy fuera de lo acordado en el dicho capitulo reservado de las paces y que excedian sumamente de lo que los de Endaya antes havian pretendido y deducido en dos papeles de pretencio- nes que dieron en esta ciudad al seiïor Joseph Gonzalez, del Consejo y Camara de Su Magestad, al mismo tiempo del tratado de las paces generales, sobre que cayo y se hiço.

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précédemment demandés, tout en leur faisant remarquer que la lecture en serait une besogne très longue et que deux ou trois mois ne seraient que tout juste suffisants pour l'examen d'un aussi volumineux dossier1.

Le 6 février, les commissaires se réunirent de nouveau. D. Joseph Romeu de Ferrer et D. Francisco Henriquez de Ablitas arrivèrent porteurs de trois énormes registres. Aussitôt la lecture commença, faite par un notaire de Fontarabie, Miguel de Abadia, en présence du greffier des commissaires de France,

Me Jean de Cazabieille. Ils continuèrent ainsi le 7, le 8 et le 9

 2. Le 10 février, l'un des commissaires espagnols, que le grand froid avait indisposé, proposa d'abandonner la mauvaise baraque, d'ailleurs fort éloignée de Hendaye et de Fontarabie, dont la cloison très peu épaisse ne pouvait qu'imparfaitement garantir des intempéries de la saison, et de se réunir à Fontarabie. Naturellement, les commissaires français voulurent que les réunions se tinssent d'abord à Hendaye et déclarèrent qu'ils n'iraient à Fontarabie que les plénipotentiaires espagnols ne fussent d'abord venus à Hendaye

3 ; ces derniers cédèrent et, le 1 1 , Miguel de Abadia continua de lire à Hendaye

el dicho capitulo reservado, se disolvio la dicha junta por haver estado siempre los de Endaya en la resolucion referida mostrando poco animo y voluntad al dicho ajuste ; y porque siempre le havemos tenido y tenemos de procurarle de nuestra parte por el bien de la paz y quietud d'estas poblaciones, decimos de nuebo a V . Sas estamos prontos y dispuestos para que los dichos comisarios nombrados y otros, si combiniere nombrar, se junten otra vez y todas las neccessarias con los de Endaya a conferir en los medios de la composicion de las dichas diferencias y bénir por parte d'esta ciudad en todos los que fueren mas proporcionados para que ynbiolablemente se guarde la paz y concordia que deseamos entre nosotros, protestando que por nuestra parte se hara todo lo posible

para que se consiga este a j u s t e . . . , Arch. NatK     1670.

1. — Bibl. Nat.j Mél. Colbert, vol. 15, fol. 524 v°, fol. 525 et suivants.

2. — Bibl. 'Nat., Mél. Colbert, vol. .15, fol. 525 v° et fol. 526 r°.

3. — « . . . Auquel jour dixieme l'un desdits commissaires d'Espagne s'estant trouvé

fort indisposé par le grand froict qu'il avoit souffert allant a ladicte barraque esloignée d'environ demy lieue de Fuentarabie par un tempz de nege fort rigoureux, lesdits commissaires d'Espagne auroient proposé a choisir quelque autre lieu plus commode et auroient indiqué le lieu de Fuentarabie. A quoy nous commissaires susdits aurions respondu que, s'ils recevoient quelque incommodité de se rendre dans ladite barraque qui estoit le lieu commun que nous avions choisi pour noz conférences, nous leur offrions nostre maison en Hendaye et que, s'ils passoient en France les premiers, nous ne manquerions pas de leur faire toutte civilité, ensuite, ce que lesdits commissaires auroient accepté leur ayant absolument reffusé de passer à Fuentarabie qu'auparavant ils n'eussent passé en Hendaye.. . » Bibl. Nat., Mél. Colbert, vol. 15, fol. 526 v°.

4. — Ibid., id., vol. 1 5 , fol. 526 v°.

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Le lendemain, 12 février, les quatre commissaires se réunirent à Fontarabie. Leurs délibérations durèrent ainsi alternativement à Hendaye et à Fontarabie jusqu'au 23 février inclus, date à laquelle, contrairement aux prévisions intentionnellement exagérées des commissaires espagnols, l'examen des documents fut entièrement terminé. Les plénipotentiaires français n'en furent d'ailleurs pas plus convaincus qu' auparavant de l'évidence des droits de Fontarabie sur le fleuve

 1. Les délégués de Fontarabie avaient pu, lors de leur entrevue avec ceux de Hendaye, constater l'intransigeance des Hendayais et se rendre compte, dès ce jour, de l'impossibilité d'un accord durable, dans les conditions actuelles. Aussi, les Ondarabiarres pensèrent-ils pouvoir prévenir et réduire les exigences des Hendayais en modifiant d'eux-mêmes le mémoire que, de leur part, le 11 janvier, D. Joseph Romeu de Ferrer avait présenté aux commissaires du roi de France

2. De ce mémoire, le texte original nous manque et cette absence rend assez difficile l'appréciation des modifications qui y furent apportées. Toutefois, nous constatons que Fontarabie, qui maintenait pour les Hendayais l'interdiction de se servir de barques à quille, leur permettait de faire librement le commerce dans la baie du Figuier, de décharger et charger leurs marchandises dans le port de Hendaye sans rien payer désormais à la Casa Lonja

3.

1. — Bibl. Nat.j         Mél. Colbert, vol. 1 5 , fol. 526 v° et fol. 5 2 7 r°.

2. — Arch.     Nat.j    K 1670.

3 . — . . . . En el capitulo 4, se puede dar facultad â los de Hendaya para remolcar sus navios con sus chalupas.

En el capitulo 5 , se puede quitar la obligacion de pagar derechos â Fuenterravia, que dando la facultad de visitar Fuenterravia los vaseles y tambien se puede quitar la obli- gacion de descargar en la Lonja de Fuenterravia las mercaderias que vinieren en navios de Hendaya que no sean de vecinos de ella.

Del capitulo 6 se puede quitar la obligacion de no poder descargar y desembarcar sino solo en la Lonja de Fuenterravia las mercaderias que los de Hendaya entraren en Espana por el rio, y antes de resolverlo se informaran si Fuenterravia tiene privilegio de que no se pueda desembarcar y descargar en los demas lugares.

Del capitulo 7 de las mercaderias que se sacaren de Espana para Francia se puede quitar tambien la obligacion de llevarlas por Fuenterravia, como en el antecedente.

Del capitulo 8 se puede quitar la condicion de que los de Hendaya ayan de llevar la mitad de las sidras que los de Fuenterravia embarcaren para sus viages. . . . Arch. Nat.} K 1670.

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Concessions en vérité illusoires, puisque, sans barques à quille, les Hendayais ne pouvaient pas tenir la mer et, partant, faire le moindre commerce avec les villes côtières.

Le texte de ces modifications fut remis le 13 février aux commissaires de France qui l'envoyèrent à leur souverain, et le 25, à leur tour, présentèrent aux commissaires espagnols un nouveau  mémoire des habitants de Hendaye

1.  Cependant, la commission des quatre plénipotentiaires expirait à la fin du mois, sans que rien eût été décidé

2. Les délégués français reçurent, ainsi que leurs collègues espagnols, une nouvelle prorogation d'un mois

 3. Le 9 mars, l'abbé de Saint-Martin Barès écrivit aux délégués espagnols que.Monsieur d'Artagnan était de retour de Bayonne, où il avait été passer quelques jours et que tous deux se trouvaient prêts à conférer de nouveau dans la baraque de l'île des Faisans

 4. Le même jour, D. Joseph Romeu de Ferrer lui répondit, l'informant qu'il se trouvait actuellement au lit et que son collègue venait d'être également malade, ce qui remettait à quelques jours leur prochaine réunion

5. Le 20 mars, enfin, les quatre commissaires s'assemblèrent dans l'île des Faisans

6. L'accueil fait par l'abbé de Saint-Martin

ï . — Arch. Nat.j K 1670. Papel entregado por Don Joseph Romeu de Ferrer y Don Francisco Henrriquez de Ablitas, comissarios de Su Magestad Catholica, â los senores Dartaygnan y Abad de Saint Martin Bares, comissarios de Su Magestad Christia- nissima, en respuestas de sus replicas de 24 de febrero de 1665.

2. — Bibl. Nat.j Mél. Colbert, vol. 15, fol. 527 V0 et fol. 528 r°.

3 . — Ibid., id.; vol. 15, fol. 528 et suivants.

4- — Senores mios, el senor Dartaignan y yo besamos las manos de V . S a s y embia-

mos este expresso para saber si V. SSas quieren que nos juntemos hoy en la barraca, estando el dia famoso y la marea buena, y assi el dicho senor Dartaignan y yo estaremos esperando en este lugar de Hendaya la resoluzion de V. SSa" à quienes Dios guarde muchos anos. Hendaya, â 9 de marzo de 1665. B. 1. m. de V. SSas. L'abbé de St Martin Bares. — Arch. Nat.j K 1670.

5- — Senor mio, el papel de V. S. de hoy nos ha sido de mucho gusto por saber que

el senor Dartaignan ha buelto a esse lugar con salud y que V. S. la tiene. Y o me hallo sin ella y en la cama desde el martes passado que me comenzô una calentura continua, y aitnque ha aflojado el rigor, pero todavia queda algo que resolver ; el senor Don Francisco ha hecho cama tambien quatro dias por causa de un corrimiento que le ha maltratado mucho ; querra Dios mejoraros para que presto podamos vernos, que en estar para yr â la barraca se lo avisaremos â V. S, â quien y al senor Dartaignan guarde Dios muchos anos. Fuenterrabia, â 9 de marzo 1665. B. 1. m. de V. S. s. m, S. Don Joseph Romeu de Ferrer. Arch. Nat.j K 1670.

6. — Bibl. NatMél.    Colbert, vol. 15, fol. 528 v° et suivants.

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Barès et le gouverneur de Bayonne aux délégués espagnols dut être assez froid. La guérison de ces derniers leur avait paru longue ; ils leur déclarèrent dès le début que cinq mois venaient de s'écouler sans le moindre résultat et qu'il fallait rapidement conclure cette affaire. Des ordres avaient été donnés aux commissaires espagnols pour lasser les français par leur lenteur ; D. Francisco Henriquez de Ablitas et D. Joseph Romeu de Ferrer répliquèrent en déclarant, au grand étonnement et scandale des commissaires français, que la commission du roi de France, expédiée le 21 février, n'était pas suffisamment explicite et que, dans ces conditions, ils se refusaient à rien faire, à moins que les dits commissaires français leur présentassent de nouveaux pouvoirs. Non sans protester contre un tel acte de mauvaise foi, ceux-ci promirent de se plier à cette incompréhensible exigence

1. Le 11 avril, les délégués du roi de France reçurent de Paris leur nouvelle commission

2 et le 21 — cette fois les commissaires français ne s'étaient pas pressés non plus d'aller trouver leurs collègues espagnols — une nouvelle réunion eut lieu dans l'île des Faisans. Les commissaires du roi d'Espagne se déclarèrent satisfaits des nouveaux pouvoirs accordés par le roi de France, mais ils ajoutèrent — fort courtoisement — qu'ils se seraient bien gardés d'exiger de leurs collègues français une formalité qu'eux-mêmes n'auraient pas eu à remplir, et qu'ils avaient

1. — « . . . . A quoy nous respondismes qu'ils agissoient de mauvaise foy de dire que noz commissions n'estoient pas suffisentes après les avoir approuvées et s'en estre con- tentés par deux diverses fois, sçavoir le 4° janvier et le premier de février audit an 1663, et après avoir mesme commencé de procéder avec nous en vertu d'icelles, que néant- moins, bien que nous reconnoissions qu'ils ne vouloient que nous lasser par leurs lon- gueurs et nous obliger de nous retirer sans rien c o n c l u r r e . . . . nous offrions de supplier Sa Majesté de nous faire envoyer une seconde commission plus ample et toutte telle

qu'ils nous la demandoient. » Bibl. NatMél.        Colbert, vol. 15, fol. 529 r°.

2. — Cette commission leur donnait pouvoir de « continuer a traicter tant sur la propriété, seigneurie et jurisdiction de la dite riviere Bidassoa depuis le lieu de cette frontiere où la dite riviere commence a arrouser les terres de nostre obeissance jusques a la grand mer et de son emboucheure, conche et rade qui sont en la mer entre les Tombes et Ondaralçeu du costé de France et le cap Figuier du costé d'Espagne que sur les differentz qui sont entre les habitans dudit lieu de Hendaye et autres nos subjets et ceux de Fuentarabie que autres subjets de nostre dit frère, oncle et beau pere le roi Catholique pour raison tant de l'uzage.de la dite riviere, conche et rade que de la pro- priété, seigneurie et jurisdiction d'icelle. . . » Bibl. Nat., Mél. Colbert, vol. 1 5 , fol 530 v° et fol. 5 3 1 r°.

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également demandé du roi d'Espagne, leur maître, une nouvelle commission qu'ils n'avaient pas encore reçue. Les commissaires français se retirèrent impatientés. Le 27, ils demandèrent aux envoyés espagnols des nouvelles de leur commission ; elle ne leur était pas encore parvenue, et ce fut ainsi durant tout le mois de mai

1. Cependant, les commissaires français étaient sans argent. Le roi de France n'avait jamais fait qu'augmenter jusque là le délai de leur commission ; ils n'avaient encore reçu d'autres subsides que ceux qui, le 24 septembre 1662, leur avaient été accordés pour un délai de trois mois. D'autre part, les habitants de Hendaye supportaient non sans se plaindre l'entretien des commissaires et de leurs équipages

2. Le 4 juin, l'abbé de Saint-Martin Barès n'eut pas crainte d'avertir Colbert de leur misérable situation

3. Les commissaires français avaient donc des raisons particulièrement sérieuses pour souhaiter la prompte solution des différends de la Bidassoa. Ils réitérèrent, au mois de juin, leurs instances auprès des commissaires espagnols qui n'avaient toujours pas reçu la nouvelle commission et sans laquelle, malgré l'autorisation du contraire que leur avaient, dès le début, donnée les  délégués français, ils ne voulaient aucunement délibérer

4. Le 17, enfin, une réunion eut lieu dans l'île des Faisans. Les commissaires espagnols avaient leurs nouveaux pouvoirs, mais, désireux de prolonger l'affaire par un autre détour, ils revinrent

1. — Bibl. NatMél.    Colbert, vol. 15, fol. 552 v°.

2. — Cf. Lettre originale d'un des alcaldes ordinaires de Fontarabie, D. Martin de Ambu-

lodi, aux commissaires espagnols, 30 mars 1663 : « . . . . Y le dixo el dicho jacobe (il s'agit d'un habitant de Hendaye précédemment cité) con mucho sentimiento que estavan destruydos é inquietos aludiendo â lo mucho que les costeavan los commissarios de Francia y Io oprimidos que los tenian. . . » Arch. Nat., K l6jO.

3 . — Cf. Lettre de l'abbé de Saint-Martin à Colbert : « . . . Nous attendons tous les

jours qu'il plaise à Sa Majesté nous faire envoyer de l'argent comme elle a eu la bonté de nous escrire qu'elle feroit afin de pouvoir subsister et faire subsister nos équipages, ayant desja fait de grandes avances, nostre commission estant du vingt quatrième septembre de l'année derniere, qui sont près de dix mois, ce qui nous oblige présentement de supplier votre Excellence d'avoir la bonté d'y donner ordre, vous asseurant que toutes choses sont extraordinairement cheres en ce p a y s . . . » Bibl. Nat., Mél. Colbert, vol. 1 1 6 , fol. 52 r°,

3.   — Bibl. Nat., Mél. Colbert, vol. 1 5 , fol. 532 v°.

4.  

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à cette idée qu'il serait préférable que les habitants des deux villes s'entendissent, avant qu'eux-mêmes prissent aucune décision

1. Les commissaires français, dociles, acceptèrent et le 18 réunirent la communauté de Hendaye pour la faire procéder à l'élection de cinq délégués qui, le lendemain, se réuniraient avec ceux de Fontarabie dans l'île des Faisans

 2. La conférence eut lieu, dans un coin de l'île, tandis que les commissaires attendaient le résultat des pourparlers à l'intérieur de la baraque

 3. Deux heures durant, les délégués des deux villes discutèrent. A la fin, ceux de Hendaye déclarèrent être si sûrs de leurs droits qu'ils s'en remettaient sans crainte au jugement des commissaires espagnols ; à leur tour, ceux de Fontarabie affirmèrent qu'ils jugeaient les représentants du roi de France assez justes et assez équitables pour reconnaître et confirmer leurs droits. Les Hendayais s'écrièrent alors : « Et bien, Messieurs, nous voilà d'accord ; laissons donc prononcer la sentence à Messieurs les quatre commissaires

4 ! » Sur ce, les délégués se séparèrent, non sans avoir prévenu les commissaires royaux du résultat de leur conférence. Ceux-ci discutèrent quelques instants encore dans la baraque ; les commissaires français mon- trèrent la prorogation que leur envoyait Louis XIV pour tout le mois de juillet

5, en souhaitant que, passé ce délai, l'affaire fut définitivement conclue. Les commissaires français comptaient sans la ruse des espagnols qui, ne pouvant plus alléguer l'absence de commissions suffisamment explicites et la nécessité qu'il y aurait de faire conférer les délégués des deux villes, déclarèrent, dès le 5 juillet, qu'ils étaient malades et, pour cette cause, jusqu'à la fin de

1 . — Bibl. Nat.j Mél. Colbert, vol. 15, fol. 534 v°.

2. — Ibià., fol. 533 r° et v°. *

3 . — « . . . Nous serions entrés dans la chambre de la conférence et les députtés de

Hendaye et de Fuentarabie se seroient assemblez en un coing de la dite isle où ils auroient conféré pendant environ deux heures et après diverses propositions, responces et contestacions desdits députtés de part et d'autre, ils se seroient enfin séparés sans rien conclure. . . » Bibl. Nat., Mél. Colbert, vol. 15, fol. 5 3 3 v° et fol. 534 r°.

4. — Bibl. Ncii.j Mél. Colbert, vol. 15, fol. 534 v°.

5 . — IbicL, fol. 535 r° et suivants.

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juillet, époque à laquelle cessait la commission des délégués français, se refusèrent à toute entrevue

1. Cependant le 31 août, sans en avoir nullement prévenu les commissaires du roi de France, D. Joseph Romeu de Ferrer et D. Francisco Henriquez de Ablitas prononcèrent une sentence dans laquelle ils déclarèrent ne reconnaître à Hendaye que les droits accordés à ce bourg par les commissaires de 1510 

  2 Le mois de septembre et celui d'octobre se passèrent sans qu'aucune conférence eût lieu dans l'île des Faisans. Forts de la sentence du 31 août, les gens de Fontarabie recommencèrent même à tourmenter les pauvres pêcheurs de Hendaye. Le 25 novembre, ils capturèrent plusieurs gabarres chargée de filets qui partaient à la pêche

 3. Les commissaires français se plaignirent de ce nouvel attentat

estoit malade de la 1, — « . . . Et nous ayant respondu le troisîesme dudit mois de cheutte d'une meule, ils nous respondirent le quatorziesme qu'ils juillet que l'un d'eux estoient indisposés tous d e u x . . .

» Bibl. NaiMél.          Colbert, vol. 15, fol. 536 v° et fol. 537 r°.

2. — Voici les passages essentiels de cette sentence :

« Declaramos y mandamos que ambas las dichas partes y cada una de ellas tenga los

usos del dicho rio en la conformidad que los han tenido sin hacer novedad alguna en esta manera que los vecinos y havitantes de Fuenterrabia han de poder usar y gozar en el dicho rio Vidasoa de navios, pinazas, chalupas, gavarras, tirolas y de todo genero de navios y barcas con quilla y sin quilla para pescar, navegar, llebar, portear, pasar, salir al mar y para todos y qualesquier usos a que puedan servir y de haver de hacer en dicha ciudad la carga y descarga todas las embarcaciones que entraren y navegaren en el dicho rio, de qualquier parte que vengan, y pagar en ella todos los derechos, como hasta aora se ha acostumbrado y gozar tambien de las yslas y nasas o pesqueras, paso de Beovia y de todos los otros qualesquier usos que hasta aora han tenido y gozado y les pueden competir y gozar de qualquier manera que sea en el dicho Rio Vidasoa a toda su voluntad, sin limitacion alguna y sin que los de Endaya ni otros les puedan poner impedimentto ni embarazo alguno en ello y que los vecinos y havitantes de Endaya solo usen y tengan y han de poder tener y gozar de las nasas o pesqueras que oy tienen en el dicho rio y de las yslas de que han usado para labrarlas y cu.ltibarlas a su voluntad, el paso de Beovia, el Molino del Hospital para moler y el poder pasar, navegar y llebar por el dicho rio y a Endaya con gavarras y tirolas y otras barcas sin quilla y con ellas pescar asi en el dicho rio Vidasoa, como en el mar asi como hasta oy han acostumbrado, sin que por los de Fuenterravia se les pueda poner ni ponga impedimento 111 embarazo alguno y no haver lugar en quanto a los demas usos preten- tidos por los de Endaya en el dicho rio ni deberseles permitir, y mandamos que ambas partes vivan en toda buena paz, union y sosiego y en la misma manera que anttes so pena de confiscacion de todos los vienes y de destierro perpetuo, y lo fîrmamos de nuestros nombres. Don Joseph Romeu de Ferrer. Don Francisco Henrriquez de Ablitas. — Arch. de Fontarabie.

3 . — Affaires            étrangères.     Correspondance politique, Espagne,      tome 48, fol. 1 5 1    et

suivants.

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-6 3   -

et profitèrent de cette occasion pour réitérer auprès des commissaires espagnols leur désir de conclure le plus tôt possible ces interminables différends. Le 13 décembre, les envoyés du roi d'Espagne leur firent répondre qu'ils voulaient bien recommencer à délibérer, mais qu'ils n'entendaient le faire que sur l'usage et non sur la propriété du fleuve

1. C'était un moyen de décourager par avance les commissaires français qu'ils savaient absolument intransigeants sur ce point. D'ailleurs, leur commission expirait au 31 décembre. L'année 1663 devait donc se terminer sans que rien eût été décidé.

Le 23 décembre, Louis XIV, pour dédommager ses malheureux sujets de Hendaye, leur envoyait l'autorisation d'avoir deux foires dans l'année et un marché par semaine, dans les conditions qu'ils indiqueraient et que lui-même ratifierait. Cette mesure fit quelque effet de l'autre côté du fleuve ; on crut y reconnaître le désir du roi de France de relever Hendaye et d'en faire une ville commerçante, capable de rivaliser heureusement avec Fontarabie

2. La réplique, d'ailleurs, ne se fit guère attendre. Sous prétexte que, quelques jours auparavant, des habitants de Hendaye étaient montés sur un vaisseau hollandais contaminé, le 11 janvier 1664, les alcaldes de Fontarabie écrivirent aux jurats de Hendaye qu'ils défendaient, jusqu'à nouvel ordre, toute communication entre Hendaye et Fontarabie

3. Le lendemain, la communauté de Hendaye se réunit et décida d'avertir M. d'Artagnan. Le gouverneur de Bayonne leur conseilla d'agir de même à l'égard des habitants de Fontarabie, ajoutant qu'il allait avertir le roi de cette attitude nouvelle des Espagnols. Cette mesure inattendue gêna si fort les Guipuzcoans que, le 19, les alcaldes de Fontarabie permirent de reprendre le commerce avec Hendaye

4. Cependant, les commissaires espagnols se trouvaient toujours

Affaires étrangères. — Ibià.y id., fol. 6 r°

— Affaires étrangères.

— Arch. de Fontarabie. 23 janvier1664,

 Correspondance politique. Espagne, tome 48, fol. 7 r°. et v°.

Correspondance politique. Espagne, tome 48, fol. 12 et suiv.

Lettre originale des jurats de Hendaye à Fontarabie, 25 jan- 1664

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à Fontarabie, sans prorogation nouvelle

 1, et dans la baie, sur la côte cantabrique, les Espagnols continuaient à poursuivre les   gabarres labourdines

2. Le 15 avril, enfin, D. Joseph Romeu de Ferrer et D. Francisco Henriquez de Ablitas reçurent de Madrid de nouvelles commissions pour tout le mois de mai

3 ; mais les termes en parurent si obscurs et le délai accordé si court a

-ux commissaires français que ceux-ci refusèrent, à leur tour, de délibérer tant que le roi d'Espagne n'expédierait pas une commission plus explicite, donnant plein pouvoir à ses commissaires pour décider, de la propriété du fleuve

5.   Le 19 avril, les architectes nommés par le roi pour diriger les travaux de construction du nouveau fort arrivèrent à Hendaye ; c'était, de l'avis même des commissaires français, un remède plus efficace aux malheurs des sujets du roi de France que toutes les conférences qu'ils pourraient avoir avec les envoyés du roi d'Espagne

6.   , Ces derniers, d'ailleurs, ne recevaient toujours pas les nouvelles commissions qu'avaient exigées d'eux les commissaires français.

Cependant la tour s'élevait rapidement, face à Fontarabie, et le 13 juin, date à laquelle les commissaires français étaient toujours sans nouvelles de ceux d'Espagne, l'abbé de Saint-Martin Barès affirmait à Colbert qu'elle serait prête à recevoir la garnison vers la fin du mois de juillet suivant

6. Le 26 juillet, le roi envoyait des lettres à ses sujets de Hendaye dans lesquelles il

1 . — Cf. lettre des commissaires français à Hugues de Lionne, 15 mars 1664 : « . . . Nous attendons en ce lieu de pied ferme avec autant de phlegme que sy nous estions deux vrays Espagnols descendus de la race de Guzman ou de l'entiene maison de Don Pedro Ponce de Minerva et nous esperons d'avoir cette consolation que, sy l'on trouve des manquemens et des fautes dans nostre négociation, pour le moins ne pourra- t-on pas nous accuser d'avoir agy avec trop de précipitation dans les affaires, puisqu'il y a tantost un an et demy que nous sommes en cette frontière. »Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne, tome 48, fol. 40 r°.

2. — Arch. de Fontarabie. Lettre originale des jurats de Ciboure à Fontarabie,

24 février 1664.

5.         — Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne, tome 48, fol. 48 r°.

4.         — Ibid.j id., fol. 49 ru et suiv.

5.         — Ibid., id., fol. 58' v°.

6.         —- Ibid., id., fol. 80 r° et v°.

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-        65     -

leur annonçait son intention de fortifier la tour, comme ils en avaient exprimé le désir dans leur requête du 23 mars 1663, et sa volonté de les voir librement pêcher, commercer et naviguer sur la Bidassoa

1. Le 20 août on annonça l'arrivée prochaine du commandant de la nouvelle place, le capitaine Michel de Lisle, qui se. trouvait alors à Saint-Jean-de-Luz

2 ; le 30, il fit son entrée dans la ville, escorté de trente fantassins, au milieu des acclamations des Hendayais enthousiasmés

3. La fortification de Hendaye eut pour résultat immédiat que, dès le lendemain, les habitants de ce bourg purent se servir de barques à quilles, sans que les gens de Fontarabie osassent protester. Les commissaires français constatèrent le fait, tout en feignant de n'en rien savoir, se félicitant de ce résultat qu'eux- mêmes n'avaient pu obtenir depuis leur arrivée sur cette frontière

4. Le 4 septembre, Don Bernardo de Puxol, secrétaire, des commissaires d'Espagne, vint à Hendaye présenter aux commissaires français les prorogations nouvelles, expédiées de Madrid le 26 août et leur donnant pouvoir de délibérer jusqu'au 12 septembre

5. Les commissaires français protestèrent, trouvant par trop exigu le délai fixé et réitérèrent leur intention de ne point conférer tant que les commissions du roi d'Espagne n'indiqueraient pas que ses commissaires devaient s'occuper tant de l'usage que de la propriété du fleuve : ce que ne disait pas la présente commission

 6.

1 . — Affaires            étrangères.     Correspondance politique. Espagne,      tome 48, fol. 105 r°.

2. :— Ibid., id.3 fol. 1 1 8 r°.

3 . — « . . . L e S r De Lisle que Sa Majesté a nommé pour commander dans la tour

de Hendaye y est entré le 50e du mois passé un jour de' sabmedi avec trente soldatz de sa compagnie, un sergent et un tambour et six pieces de canon qu'il faisoit marcher a la teste de ses gens. Ce qui a fort surpris les habitans de Fuentarabie et ils ont de la peine a s'accoustumer (a ce que l'on nous a dit) a entendre battre du costé de France la dianne et la retraitte, le soir et le m a t i n . . . » Affaires    étrangères.             Correspondance

politique. Espagne, tome 48, fol. 1 2 6 v°.

4. — Affaires             étrangères.     Correspondance politique. Espagne, tome 48, fol. 1 3 3 et suivants,

5 . :— Affaires           étrangères.     Correspondance politique. Espagne,      tome 48, fol. 1 2 1 r°.

6. — Ibid.,      i d v tome 48, fol. 126          r\

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66 --

Le 7 octobre, les commissaires espagnols avertirent leurs collègues français qu'ils se rendraient le 11 dans la baraque et qu'ils seraient particulièrement heureux de les y rencontrer. Les commissaires français impatientés ne se donnèrent pas la peine de leur répondre et, le 11 , Don Francisco Henriquez de Ablitas et Don Joseph Romeu de Ferrer attendirent en vain les envoyés du roi de France

1  Le 19, cependant, les quatre commissaires se réunirent dans l'île des Faisans

2 ; les représentants espagnols commencèrent par déclarer que, voyant l'inutilité de leurs efforts à ramener la paix en ce pays, ils allaient, sous peu, quitter la frontière ; vraisemblablement, ils n'.en avaient pas l'intention. Les commissaires français, cependant, se laissèrent prendre à cette ruse et désireux de ne point les laisser partir sans que le moindre accord eût été conclu, leur proposèrent une dernière solution, celle de reconnaître aux habitants de Fontarabie et de Hendaye des droits égaux sur la Bidassoa et de faire de ce fleuve une propriété indivise, quant à l'usage. Les commissaires espagnols promirent de réfléchir à cette affaire; le 27, ils répondirent qu'il leur faudrait de nouveaux pouvoirs du roi d'Espagne, qu'il leur semblait inutile et inopportun de les demander, après tous ceux qu'ils avaient déjà obtenus, et que dans ces conditions, ils ne pouvaient encore rien décider

3. Les Hendayais, pendant ce temps, continuaient de naviguer

librement sur le fleuve avec des barques à quille, sans qu'aucune réclamation eût été faite de la part des Espagnols.

Toutefois, le 29 novembre, l'abbé de Saint-Martin Barès et le gouverneur de Bayonne se rendirent dans l'île des Faisans, à la requête des commissaires espagnols qui leur exposèrent que le roi d'Espagne avait appris avec stupéfaction que depuis quelque temps les Hendayais se servaient de barques à quille et qu'il n'entendait pas tolérer plus longtemps cette nouveauté, ajoutant

1 . — Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne, tome 48, fol. 1 5 8 v°. 2. — Ibid.j icL, tome 48, fol. 158 v°, fol. 159 r° et v°.

3 . — Ibid,, id., tome 48, fol. 165 r° et v°.

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 67

qu'en vérité, Fontarabie consentirait peut-être à accorder à Hendaye quelques droits que ce bourg n'avait pas jusque là, mais qu'à ce sujet les commissaires français feraient bien de S'entendre directement avec les délégués de Fontarabie

1. Ce fut la dernière conférence de l'année. Le 19 janvier 1665, les quatre commissaires se réunirent encore, sans rien décider ni rien faire qui pût légalement terminer des différends que l'apparition de quelques canons sur la rive d'Hendaye avait d'ailleurs fait complètement cesser depuis plus de cinq mois

2. Depuis janvier, les commissaires espagnols laissaient sans nouvelles les commissaires français, ne voulant toujours pas consentir à ce que la Bidassoa fût non pas partagée entre les deux royaumes, mais seulement reconnue appartenir indifféremment, quant à l'usage, aux habitants de ses deux rives

3 quand, le 27 juin, ils se décidèrent à prévenir leurs collègues français que des gabarres et des filets pris aux Hendayais le 25 novembre 1663 étaient à leur disposition à la douane de Fontarabie ; ils prenaient soin d'ajouter que le roi d'Espagne ne leur avait nullement donné l'ordre d'agir ainsi et que cette décision, due à leur seule initiative, prouvait suffisamment que leur désir était de voir régner la paix sur cette frontière. La vérité, c'est que, depuis la victoire de Schomberg à Villaviciosa, l'ordre était venu — de Madrid — de ne point davantage irriter le roi de France dont on  pouvait tout craindre

4.

1. _ Affaires             étrangères. Correspondance politique, Espagne,         tome 48, fol. 185 et suivants.

2. — Ibid., ïd., tome 50, fol. 332 r°.

— ibid., id., tome 5 1 , fol. 75 r°.

retz et gavarres, avec quoy il s'entretenoit luy et sa famille, et l'autre réduit a aller demander l'aumosne, que néanmoins nous nous resjouissions chrestienement de ce bon mouvement de charité, de quelque 4. — « . . . A quoy nous luy respondismes que nous avions assés recognu dans toutte la suitte de cette commission le zele de Messieurs les commissaires d'Espagne pour l'entretien de la bonne correspondance entre ces deux peuples, mais qu'en cette rencontre nous ne pouvions pas nous empescher de luy dire que lesdits seigneurs commissaires avoient esté un peu tardifs a produire ce dernier acte de charité envers les propriétaires de ces retz et gavarres, puisqu'elles avaient esté enlevées des le 25e novembre 1663 , depuis lequel temps l'un estoit mort de faim pour n'avoir peu ravoir ses endroit qu'il peut venir a Messieurs les Commissaires, quand mesmes il viendroit du costé de P o r t u g a l . , . »

Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne, tome        fol. 102 v \

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68 --

Le lendemain, les habitants de Hendaye se rendirent à Fontarabie; mais les épaves qu'ils y trouvèrent étaient en si piteux état qu'ils n'en voulurent point

1. Les commissaires espagnols déclarèrent qu'ils n'avaient pas cru les gabarres et les filets si endommagés et promirent de les faire réparer.

L'inquiétude était évidemment grande à Fontarabie ; l'on y craignait quelque invasion venant de France. L'un des représentants espagnols, D. Francisco Henriquez de Ablitas se rendit à Pampelune pour conférer à ce sujet avec le vice-roi

2. A son retour, deux pièces de canon furent conduites du château du Figuier à l'intérieur des remparts de la Cité ; le 10 juillet, une petite troupe armée entra dans la ville ; enfin, un navire chargé de blé fut acheté au port de Saint-Sébastien et conduit au port de la Madeleine

3. A la fin du mois de juillet, les commissaires espagnols prièrent leurs collègues français de se rendre à la baraque. Le 11 août, l'abbé de Saint-Martin Barès et M. d'Artagnan y allèrent. L'entrevue fut, d'ailleurs, comme les précédentes, parfaitement inutile ; les commissaires espagnols exprimèrent le vœu qu'avant toute chose, Hendaye réparât les dommages qu'elle avait commis à l'égard de Fontarabie, ce à quoi les commissaires français répliquèrent, comme ils l'avaient déjà fait tant de fois, qu'ils ne reconnaîtraient les droits de Fontarabie qu'on ne les leur montrât indubitablement établis par des documents authentiques

4. Le 17 septembre, Philippe IV mourut. Cet événement fit grand bruit sur la frontière

5 et dans la crainte plus forte que jamais d'une prochaine invasion française, les habitants de Fontarabie  continuèrent à fortifier leur ville

 

 1 . — Affaires           étrangères. Correspondance politique. Espagne, t. 5 1 , fol. 103 r°.

2. — Ibid., id., fol. 103 v°.

3 . — Ibid., id., tome 5 1 , fol. 1 1 8 r° et v°.

4. — Ibid., id., fol. 1 5 8 et suivants.

5. — Cf. Lettre de l'abbé de Saint-Martin Barès à Hugues de Lionne, 23 sept. 1665 :

« . . . Comme aussi il vous plairra me faire connoistre de quelle maniéré il faudra agir doresnavant avec Messieurs les Commissaires d'Espagne, veu la mort de Sa Majesté Catholique qui faira sans doutte changer de face a toutes les affaires d'Espagne, et je vous dois dire en passant que la personne que j'avois envoyé ce soir a Fuenterabie pour veriffier cette nouvelle m'a rapporté que les premieres paroles que l'alcalde de Fuenterabie avoit dict après avoir entendu la nouvelle de la mort du roy Catholique avoient esté

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69

1. Toutefois, contrairement à ce que paraissaient supposer les commissaires français, les délégués espagnols demeurèrent à la frontière ; ils se réunirent même le 14 octobre dans l'île des Faisans avec leurs collègues français, à propos d'un vol commis par des Guipuzcoans sur la rive française de la Bidassoa

2. Le 29 eut lieu une seconde réunion

3. Les commissaires espagnols n'avaient pas encore reçu les nouvelles commissions que le roi de France exigeait d'eux. Les commissaires français s'impatientèrent et déclarèrent comprendre d'autant moins ce mauvais vouloir et cette lenteur calculée à produire les pouvoirs demandés qu'eux-mêmes avaient toujours présenté leurs commissions dans le plus bref délai possible

4. Sur ce, les commissaires se séparèrent. Le jour même, dans l'après-midi, le vice-roi de Navarre, duc de San German, arriva à Fontarabie dont il visita minutieusement les remparts

5 Cependant — et c'était là un résultat fort appréciable — les Hendayais continuaient de naviguer et de pêcher librement sur celles-ci

 : « Senores, en poco tiempo saremos en Francia, sin salir de nuestras casas », voulant dire par là que, Fuenterabie estant a la dépendance de la haute Navarre et la haute Navarre appartenant a la Couronne de France, Sa Majesté ne laisseroit pas eschapper une si belle conjoncture sans en demander la restitution et de s'en mettre en possession... » Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne, tome 5 1 , fol. 272 v° et 275 r°, et cette autre lettre également adressée par l'abbé au même Hugues de Lionne, le 26 septembre 1665 : « . . . Toutte la ville de Fuentarabie est en grand deuil de la mort du Roy d'Espagne. Nous ne sçavons pas si cela les fera venir plus équitables pour le fait de nostre négociation et si ce nouvel exemple les faisant resouvenir qu'il faut qu'ilz meurent comme leur Roy et qu'il n'y a point de salut sans restitution du bien mal acquis ou uzurpé, ilz ne se résoudront point a rendre de bonne foy a Sa Majesté ce qu'ilz lui détiennent si injustement et qu'ilz lui refusent depuis tant d'années... » îbid.. id., tome 5 1 , fol. 297 v° et 298 r°.

1. — Affaires             étrangères. Correspondance politique. Espagne, fol. 3 1 0

2. — Ibid.j id., fol. 3 3 5 v°. •

3 « . . . Jeudy dernier 29e, nous eusmes conférence avec Messieurs les Commissaires d'Espagne dans la Barraque ordinaire de l'isle des Faisans où les dits commissaires compareurent en habit de dueil et avec des visages fort contritz et affligés ; ce qui nous donna occasion de leur faire le compliment de condoléance sur la mort du Roy Catholique, leur maistre, que nous avions différé jusques a ce qu'ilz eussent pris le dueil. Auquel ils nous respondirent fort succintement et passèrent d'abord a « las alabanças de Carlos 2° », leur jeune Roy... » Ibid., id., fol. 363 r°.

4. —- Ibid., id., fol. 363 r° et v°.

5 . — Ibid., id., fol. 364 rb.

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7O --

le fleuve, sans être nullement inquiétés. Le 3 novembre, ils capturèrent une baleine dans la rade du Figuier et, contrairement à ce qui s'était toujours passé jusqu'alors, la ramenèrent au port de Hendaye. Ils en furent si joyeux que, grimpés sur le dos du monstre, ils burent en chœur à la santé du roi de France

 1. Pour le moment, les habitants de Fontarabie ne songeaient qu'à prévenir les dangers d'un prochain siège

2 ; ils préparèrent même une flotille vraisemblablement destinée à repousser le premier choc des galères françaises ; ils recrutèrent dans ce but des pilotes, dans toute la région avoisinante; chose curieuse, ils enrôlèrent des Labourdins et l'on vit même des Hendayais, des jurats de la ville, se faire inscrire, ignorants peut-être, il est vrai, de la besogne à laquelle on les destinait

3. Néanmoins, les commissaires français, agacés par ces préparatifs et surtout indignés de voir les Hendayais oublier si rapidement leurs anciennes inimitiés, — inimitiés pour lesquelles eux, commissaires, se morfondaient depuis plus de deux années en ces parages, — avisèrent le ministre De Lionne de ce singulier état de choses et demandèrent qu'une ordonnance prescrivît désormais aux jurats de ne point quitter leur paroisse tant qu'ils seraient en charge

 4.

1. — Affaires             étrangères.     Correspondance politique, Espagne, foi, 381 r° et v°.

2. -— « . . . Les habitans de Fuenterabie sont tellement éspouvantés, à ce qu'on nous vient de dire, qu'ils ont tenu cinq assemblées généralles en moins de 48 heures, ausquelles Messieurs les Commissaires d'Espagne ont assisté. Et après touttes ces assemblées, ils ont despeché un correo volante a Madrid pour représenter au Roy d'Espagne le mauvais estât de la place et demander 1500 hommes pour y mettre dedans et du bled pour six mois, attendu qu'il n'y en a pas une seule fanegue (c'est ainsi qu'ils nomment leur mesure) dans tous les magasins, et comme nous avons voulu sçavoir le sujet pour lequel ils estoîent si alarmés, il nous a esté respondu que c'estoit sur l'advis des levées de cinquante mille hommes qu'on faisoit dans la Guyenne destinés pour venir recouvrer la Navarre et qui doivent commenter par la prise de Fuentarabie. Pour moy, j'ay dit a ceux qui m'ont parlé de cela que je croyois que le plus grand ennemi que les soldats de Fuentarabie eussent à craindre estoit la fain et qu'asseurement le gouverneur de la place avoit faict courir tous ces faux bruictz et despecher un courrier a la cour de Madrid pour leur mettre le feu soubz le ventre, afin qu'ils lui envoyassent du pain et de l'argent pour sa garnison et pour lui mesm e  . . »

 Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne, tome 5 1 , fol. 450 r° et v°.

3 . — Bibl. NatMél.   Colbert, vol. 1 3 4 b i s , fol. 5 0 6 v°, et Affaires étrangères.    Correspondance politique. Espagne, tome 5 1 , fol. 449 v°.

4- — « . . . en sorte qu'il me semble, sauf le meilleur advis de Votre Excellence, qu'il

seroit bon qu'il pleut a sa Majesté nous envoyer un ordre portant que Sa Majesté veut et entend que les juratz resident actuelement pendant l'année de leur charge dans les

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7I

L'année 1665 finissait et rien n'avait encore été décidé ; bien mieux, les commissaires d'Espagne faisaient courir le bruit, sur la frontière, de leur prochain départ. Le 5 janvier 1666, les commissaires français les sommèrent une première fois d'avoir à leur répondre, si, oui ou non, il existait encore des commissaires du roi d'Espagne et si, comme ils l'avaient fait entendre à plusieurs personnes, le corregidor de Guipuzcoa, D. Martin Joseph Badaran de Osinalde, viendrait bientôt remplacer D. Francisco qui devait se retirer en Navarre

 1. Le 12, D. Joseph Romeu de Ferrer et D. Francisco Henriquez de Ablitas vinrent à Hendaye pour prendre congé des commissaires du roi de France      leur attitude parut peu franche et les commissaires français crurent voir dans ce prétendu départ un habile moyen de précipiter, en faveur de Fontarabie, la solution des différends. Cependant, le même jour, D. Francisco partit pour Pampelune avec toute sa famille

3. Dès le lendemain, 13 janvier, les commissaires français réitérèrent leurs sommations

 4 ; un de leurs secrétaires se rendit à Fontarabie, à qui D. Joseph Romeu déclara qu'il n'y avait plus de commissaires du côté d'Espagne et que, s'il était lui-même encore en ce pays, c'est qu'il attendait le carrosse qui bientôt le reconduirait à Madrid. Le secrétaire se rendit ensuite à la demeure de D. Francisco Henriquez de Ablitas

 5 ; il y fut reçu par le propriétaire de la maison, brutalement, avec menace d'être poignardé s'il ne quittait pas immédiatement les lieux

 6. paroisses dont ils sont juratz, comme estant les chefz du peuple et estant nommés pour les gouverner et y maintenir le bon ordre avec inhibitions et deffences de s'en absenter que'pour les affaires du Roy ou ceux desdites parroisses dont ils sont juratz , . . » Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne, tome 5 1 , fol. 449 v°.

1 . — Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne, tome 52, fol. 19 et suivants.

2. — Ibid.j id., tome 52, fol. 68 v°.

3 . — Ibid.j id.; fol. 97 v°.

4. — Ibid.j id., fol. 13 r°.

5 . — Ibid., id., fol. 1 5 et 16.

6. — « ... lequel Joseph de Soubiabre, propriataire de ladite maison, après m'avoif

pris rudement ladite coppie des mains, conimença a jeurer et blasphemer le saint nom de Dieu, menassant tant moy notaire que Me Pierre de Berrogain, pretre et aumosnier de la tour de Hendaye, et M0 Arnaud Birac, secretaire de Monsieur l'abbé de St Martin

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72

Cependant, le jeudi 4. février, D.Joseph Romeu de Ferrer et toute sa suite quittèrent Fontarabie, se rendant à Madrid. Restés seuls sur les bords du fleuve, les commissaires français et notamment l'abbé de Saint-Martin Barès, jeune prélat désireux de revoir la cour et de s'y faire donner l'un des plus beaux évêchés de France, n'eurent plus qu'un désir, quitter ces parages maudits et de leur vie n'entendre jamais plus parler de la Bidassoa. Le roi, toutefois, ne semblait pas être de cet avis et continuait de mander à ses malheureux commissaires de signer quelque accommodement avec ceux du roi Catholique qui, selon lui, regagneraient bientôt Fontarabie. Le 21 février, l'ordre fut donné aux commissaires français de faire une dernière sommation aux comissaires d'Espagne ; l'intention du roi était alors de retirer l'abbé de Saint-Martin Barès et de nommer à sa place un officier du gouvernement de Bayonne

1. Le 11 mars, en effet, Louis XIV écrivait à Henri d'Artagnan qu'il allait nommer à la place de l'abbé M. d'Echeverr

2,  officier sur lequel nous n'avons d'ailleurs aucun renseignement. Toutefois, le 24 mars, l'abbé de Saint-Martin était toujours à Hendaye, criblé de dettes et sans argent, désespérant de jamais revoir Paris

3. Cependant, les habitants de Hendaye continuaient à user librement de la Bidassoa, d'y pêcher et d'y naviguer sur toutes sortes d'embarcation, sans que ceux de Fontarabie fissent aucune réclamation

 

Bares, qui estoient venus avec moy pour servir de tesmoins, de nous mal traicter si nous retournions une autre fois dans sa maison, de laquelle il nous chassa disant plusieurs et diverses injures attroces en langue espagnole, et pour ce que ledit Berrogain lui avoit respondu qu'il auroit tort de nous mal traicter de la sorte, icelui Joseph de Soubiabre auroit tiré a demi son espée du fourreau et dit audit Berrogain qu'il avoit envye de la lui passer au travers du corpz et que nous méritions d'estre pendus et tous les autres françois aussi qui estoient de « picaros et lutheranos », et non content de ce, ledit Don Joseph nous auroit suivis jusques au bort de la Riviere Bidassoa... » Ibidid.,       fol. 11 6 r°.

1. — Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne, tome 5 2 , fol. 1 1 8 r°.

2. — Ibid., id., fol. 2C6 r°.

5- — Cf. cette lettre de l'abbé à un de ses amis : « . . . J'attens response a toutes

mes precedentes et surtout des nouvelles de Monsieur de Fussember pour sçavoir si mon argent est a Bourdeaux, vous suppliant de solliciter le dit Sr, car je suis miserable et je dois a Dieu et au diable, et comme je me préparé pour partir par la grâce de Dieu de ce pays et vous aller voir, jugez si j'ay besoin de l'argent. Je vous prie, ne perdes point de temps afin qu'avant partir d'icy j e reçoive la lettre de change de 3000 livres ou pour le moins que je la trouve a Bourdeaux s'il vous plaist. Mais pressés de la bonne façon, je vous en prie. Je suis si aise de sortir de ce diable de cul de sac que vous ne le sçauriés croire . . , » Ibid., id., fol. 207.

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1. Tout au contraire, les Hendayais, à leur tour, se montrèrent agressifs et le 1er avril saisirent l'alcalde Martin de Ambulodi qui, soi-disant par mégarde, avait dépassé le milieu du fleuve, tenant à la main sa baguette haute

2. Les Hendayais étaient, d'ailleurs, dans une telle joie que, le 26 avril, ils députèrent au roi un de leurs jurats,

73

Joannisco de Galbarette, chargé de transmettre au souverain leurs très humbles remercîments  3 L'abbé de Saint-Martin Barès, de son côté, ne dissimulait pas le plaisir que lui procurait l'idée de quitter ces parages et de revoir bientôt Paris où, selon toute vraisemblance, il arriverait vers le milieu du mois de mai. Il lui fallait auparavant rédiger conjointement avec M. d'Artagnan le procès-verbal de tout ce qu'ils avaient fait pour la conclusion des fameux différends, pour le moment terminés, sans que rien eût été d'ailleurs officiellement décidé  

4  M. d'Echeverri, le nouveau commissaire, arriva à la fin du mois à Hendaye ; il fut froidement accueilli par la population qui le détestait depuis 1659, époque à laquelle, lors du traité, il avait maladroitement, au nom du comte de Gramont, fait de trop avantageuses propositions aux habitants de Fontarabie

5. En réalité, toute commission avait cessé de part et d'autre du fleuve et le rôle de M. d'Echeverri semblait devoir être surtout celui de juge et d'arbitre des différends qui pourraient encore survenir entre les habitants des deux villes rivales.

Le départ de l'abbé de Saint-Martin Barès fut regretté des Hendayais qui se reprirent à désespérer de jamais pouvoir être sérieusement protégés contre les vexations des Espagnols. Le seul avantage qu'ils avaient retiré des récentes commissions était

1.         — Ajjaires étrangères. Correspondance politique. Espagne, fol. 238 r° et v°. 2.     — [bid., ici., fol. 237 r° et 239 r°.

3.         — Ibid., id., fol. 283 r°.

4.         — Ibid., id., tome 52, fol. 4 1 4 et suivants. Arcb. NatK 1670, et Bibl.            Nat

Mél.     Colbert, vol. 15, fol. 5 1 4 et suivants.

5.         — Ibid., id., tome 52, fol. 4 1 7 r°.

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que, déjà pauvres et malheureux sans cette nouvelle charge, ils devaient désormais entretenir une garnison bien plutôt destinée à leur enlever toute liberté qu'à réprimer les attaques des Espagnols

1. Ces plaintes, empreintes d'un mauvais esprit assez dangereux de la part d'une population frontière, firent quelque effet à la cour de France ; l'abbé de Saint-Martin Barès se dévoua ; il repartit pour Hendaye, en vertu de nouvelles commissions que, le 6 août 1666, Louis XIV lui accorda, ainsi qu'à M, d'Artagnan, gouverneur de Bayonne

2. Le 16 septembre, une tartane venant de Marseille entrait à la nuit dans la baie du Figuier, faisant voile directement sur Hendaye, quand, de Fontarabie, des embarcations garnies d'hommes armés, vinrent l'accoster. L'équipage, inférieur en nombre, fut fait prisonnier et la tartane, remorquée par les barques espagnoles, amenée à la Lonja

3. Les matelots marseillais, bientôt relâchés par la justice de Fontarabie, résolurent de se venger et, dans la nuit du 12 au 13 octobre, sous la conduite d'un jurat de Hendaye, capturèrent en vue de St-Jean-de-Luz une barque de Fontarabie venant d'Angleterre 

4. Les commissaires français, qui déjà s'étaient plaints à D. José  Badaran de Osinalde, corregidor de Guipuzcoa et commissaire du roi d'Espagne

5, espéraient que cette saisie activerait, par voie d'échange, la délivrance de la tartane marseillaise6. Il n'en fut  rien

1 . — Cf. lettre orig, des jurats hendayais, Joannis de la Parque, Pétri de Bergara, Pétri de Macondo, à Hugues de Lionne : « . . . . et malheureux que nous sommes, nous restons avecq ce diable de tour et de garnisson sur les bras qu'il nous caussera la ruine et de tout le pays de Labourt quy nous veut ung grand mal de mort a causse de la ditte tour, dissant que c'est pour hostter toutte liberté au pays et que nous pouvons bien juger que la ditte tour n'a pas esté faitte pour la Riviere de Bidasoa puisqu'on ne s'et pas souscié de la conserver du costé de France. . . » Ibid., id., fol. 4 1 8 r°.

2. — Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne, t. 48, fol. 223 r° et v°.

3 . — Arch. de Fontarabie.             Lettre de D. José Badaran de Osinalde aux alcaldes, •2.6 septembre 1666.

4. — Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne} tome 53, fol. 221 r°.

5. — Arch. de Fontarabie. Lettre originale de D. José Badaran de Osinalde aux alcaldes, 3 0 septembre 1666.

6. — Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne, tome 53, fol. 221 __________________________________

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. D. José Badaran de Osinalde écrivit à Madrid pour demander quelle devait être la solution de ce nouveau différend

1 ; mais avant qu'il eût pu obtenir une réponse, les habitants de Fontarabie mettaient en vente les marchandises dérobées .

2. Le lendemain même de l'attentat de St-Jean-de-Luz, une nouvelle occasion fut providentiellement offerte aux Espagnols de nuire aux malheureux Hendayais. Un navire anglais contaminé traversa la barre ; chassé pour ce motif du port guipuzcoan, il fit voile vers Hendaye. Les alcaldes, aussitôt, décidèrent qu'à partir de ce moment toute relation devait cesser avec Hendaye et, non contents de défendre l'accès de leur ville aux Labourdins, prièrent leurs collègues de Lezo et de Pasajes d'agir de même en prévenant la province qu'il serait peut-être bon d'étendre cette mesure à tous les ports dépendants de sa juridiction

4. Les commissaires français ripostèrent fort habilement en décidant que, dans ces conditions, l'accès de Hendaye, de Béhobie et de Biriatou, c'est-à-dire de toutes les communes riveraines de la Bidassoa, serait interdit jusqu'à nouvel ordre aux habitants de Fontarabie

5. Or, il ne se passait pas de jour que ces derniers n'eussent besoin de venir au bourg de Hendaye s'approvisionner de denrées qu'ils ne pouvaient se procurer que difficilement sur la rive espagnole. Depuis plus de deux mois, toute relation avait cessé entre les deux villes voisines quand, le 8 janvier 1667, ne pouvant supporter plus longtemps un état de choses aussi préjudiciable à leurs intérêts, les habitants de Fontarabie envoyèrent dire à Hendaye que, de nouveau, leur ville était ouverte aux Labourdins et qu'ils regrettaient sincèrement cette mesure prise sur l'initiative malencontreuse de quelques conseillers communaux,

1. — Arch.     de Fontarabie. Lettre orig. de D. José Badaran aux alcaldes, 26 sep. 1666.

2. — Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne} tome 53, fol.       221 r°.

3. — Cf. lettre des alcaldes de Fontarabie à ceux de Lezo et de Pasajes, 15 octo-

bre 1666. Arch. de Fontarabie.

4. — Cf. lettres des alcaldes à la Députation Provinciale, 16 octobre 1666.            Arch.   de

Fontarabie.

5. — Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne, tome 53, fol.          258 v \

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particulièrement mal intentionnés à l'égard des Français

 1. De nouveau, Espagnols et Français purent librement traverser la frontière. Le Ier février, les commissaires français envoyèrent à Fontarabie un messager chargé de prier les commissaires d'Espagne de vouloir bien se rendre quelque prochain jour à la baraque pour y terminer ces interminables différends. Le messager revint ; les commissaires espagnols avaient quitté la frontière et déclaré à qui voulait bien les entendre que jamais plus ils n'y reviendraient, préférant que les commissaires français établissent seuls une sentence à laquelle, eux-mêmes n'y ayant point participé, les habitants de Fontarabie ne seraient nullement tenus de se conformer

 2. En vérité, les querelles entre Ondarabiarres et Hendayais avaient singulièrement diminué d'intensité; évidemment, au large de la côte basque, du Boucau à Saint Sébastien, les corsaires de Fontarabie ne se gênaient pas pour arrêter les galères françaises allant en Portugal, mais ce n'était plus dans la baie cette vie infernale et ces rixes interminables et sanglantes qui jadis désolaient la frontière. Néanmoins, le 26 février, les commissaires français publièrent une sentence, dans laquelle ils attribuaient au roi de France la propriété de la moitié du fleuve, d'Endarlatza à son embouchure, entre les dunes sablonneuses d'Ondarraïtz et la pointe rocheuse du Figuier. En outre, les habitants de Hendaye et des communes adjacentes avaient le droit de naviguer dans toute l'étendue du fleuve avec toutes sortes d'embarcations à quille et sans quille ; ils pouvaient librement pêcher avec toutes sortes d'engins, commercer non moins librement sur toute la rive française, charger et débarquer des marchandises au port de Hendaye, y piloter et ancrer des navires étrangers. De plus, les sujets Labourdins de Sa Majesté Très Chrétienne pouvaient cultiver à leur guise les îles du fleuve détachées de la rive française

3 et jouir librement des nasses et des moulins établis tant au Pas de  Santiago qu'à Béhobie et Biriatou

Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne, tome 55, fol. 34 r°.

ïbidid.,            foi. 88 r°.

Les Juncaux actuels.librement des nasses et des moulins établis tant au Pas de  Santiago qu'à Béhobie et Biriatou

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1. La sentence fut à peine connue à Fontarabie que les habitants de cette ville, en manière de protestation, attaquèrent de nouveau les Labourdins ; chose curieuse, ils persécutèrent surtout, le long de la côte basque, les marins bayonnais qui, cependant, n'étaient

I. — Des copies de cette sentence, dont nous ne possédons point le texte original, se trouvent aux Archives communales de Hendaye, DD i , aux Affaires étrangères. Correspondance politique.

 Espagne, tome 48, fol. 226 et suiv., et tome 55, fol. 125 et suiv., et à la Bibl. Nat., Mél. Colbert, vol. 15, fol. 506 et suiv.

 C'est de cette dernière copie que nous extrayons les passages suivants : « Dans la possession de la moytié de laquelle riviere, le grand canal d'icelle, en quel lieu qu'il puisse estre et se changer a l'advenir, depuis ledit lieu d'Andarlatz, où elle commence d'arrouser les terres de France, jusques dans la mer inclusivement, ensemble de la moytié des dites conche, rade et nasse de Biriatu et de la totalité desdits isles et jouncaux qui sont au deçà le milieu de ladite riviere et des dits passages de Biriatu, de Behobie, de l'Hospital Saint Jacques et de Hendaye, nous avons maintenu et maintenons lesdits habitans de Hendaye et autres subjetz de Sa dite Majesté très chrestienne, et en conséquence avons ordonné et ordonnons qu'ils continueront d'en jouir plainement et paisiblement et qu'ils auront le droict et faculté de naviguer avec toute sorte de vaisseaux à quille et sans quille et de pescher avec toutte sorte de retz et en tout temps aux saumons, sardines et a toutte autre sorte de poisson dans toutte laditte rivière Bidassoa, conche et rade, et d'entrer et sortir a la mer par la barre et emboucheure commune, rader et anchrer dans ladite conche, charger et descharger dans les vaisseaux qui seront dans leurs portz et dans ladite conche toutte sorte de denrées et marchandises qui entreront ou sortiront par la dite rivière et qui viendront tant par icelle que. par mer ou par terre au dit port de Hendaye et autres lieux desdites frontières de France et d'Espagne, et de passer et repasser de France en Espagne et d'Espagne en France, soit au devant de Fuentarabie ou par les autres endroicts de la dite riviere, a touttes heures du jour et de la nuict, toutte sorte de bestail et de marchandises avec leurs dits bastimens à quille et sans quille de la mesme manière que ceux de la dite ville de Fontarabie et autres subjetz de Sa dite Majesté Catholique font et en uzent, et d'ayder à faire entrer et sortir de ladite riviere leurs navires et ceux des estrangers, avec leurs chaloupes et pinasses, iceux rader et anchrer dans la dite conche, si besoing est, et de tenir en leur port de Hendaye et autres toutte sorte de navires, barques, chaloupes et pinasses a I'anchre pour les charger et descharger, y vendre en destail, hiverner ou autrement, a la charge touttes fois de payer à la Tour de Hendaye l'antien droit d'anchrage et hivernage desdits vaisseaux : sçavoir, pour chaque navire, la somipe de trois livres, pour chaque patache ou barque quarante sols, pour chaque pinasse vingt sols, pour chaque chaloupe, gavarre ou autre petit bastiment un carolus valant dix deniers, et de faire generallement toutte sorte de navigation et de pesches sur ladite riviere, conche et rade, sans aucune restriction, comme aussy de labourer et cultiver lesdites isles et jouncaux, et particulièrement la grande isle appellée Insura, avec faculté de faire bastir et construire des moulins sur ladite riviere, et qu'ils jouiront plainement et paisiblement des passages de Biriatu, de Behobie, de l'Hospital et de Hendaye, ensemble des moulins, isles, nasses et pescheries qui sont sur ladite riviere du costé de France, avec les mesmes privilèges, franchises et advantages que lesdits habitans de Fontarabie et autres subjetz de sa dite Majesté Catholique jouissent de leur costé sans exception quelconque et sans que ceux de Fontarabie ny autres puissent exiger des habitans de Hendaye et autres subgetz de sadite Majesté très chrestienne aucun droit ny reconnoissance ; sçavoir les habitans du quartier de Biriatu jouiront et posséderont le passage dudit lieu de Biriatu et la moytié de ladite nasse appelée Martias Corenea ;

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jamais intervenus dans les différends de la Bidassoa

1. Le 15 mars, cependant, ce furent des Hendayais que les Ondarabiarres attaquèrent ; un habitant de Hendaye, Joannisco de Galbarette, premier jurat de la ville, entre temps corsaire, avait capturé dans les parages une galère anglaise qu'il ramenait à Hendaye quand, à la barre, son équipage dut subir une canonnade effrénée de la part des soldats espagnols postés dans le fort du Figuier

2. Les réclamations des commissaires français contre cet attentat, qui pouvait, à lui seul, constituer une véritable déclaration de guerre, furent vaines et, par la suite, les querelles reprirent incessantes, comme aux plus mauvais jours des années 1617 et 1618, entre Labourdins et Guipuzcoans.

Cependant, l'abbé de Saint-Martin Barès et M. d'Artagnan, en attendant la confirmation de leur sentence, s'occupaient du recrutement des matelots basques destinés à la flotte qui devait investir les ports flamands.

Le bruit de cette levée de marins Labourdins effraya quelque peu les populations guipuzcoanes, et vers la fin du mois de juillet le bruit se répandit à Fontarabie, à Irun et à Saint-Sébastien que les troupes du roi de France allaient bientôt traverser la frontière3. Le capitaine De Lisle demanda du renfort àColbert, car l'intention des Espagnols était, paraît-il, de ne pas attendre l'arrivée des Français et d'attaquer le plus tôt possible la tour de Hendaye, d'ailleurs mal défendue4.

Le 28 août, les deux ambassadeurs espagnol et français, le Marquis de la Fuente et l'Archevêque d'Embrun, tous deux

les habitans de la paroisse d'Urrugne jouyront et posséderont le passage de Behobie ; les habitans de Hendaye, le passage de l'Ospital Saint Jacques avec celuy de Hendaye, vis a vis de Fuentarabie, comme aussy jouiront et posséderont lesdits habitans de Hendaye toutte la grande isle appellée communément Insura et autres terres appelées jouncaux . . . » (fol. 5 1 0 et suiv.). Un exemplaire de cette sentence rédigée en castillan à l'usage des commissaires d'Espagne est conservé aux Archives municipales de Fonta- rabie.

1 . — Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne, tome 55, fol. 177 r° et v°.

2. — Ibid., id., fol. 178, r° et Arcb. de Fontarabie. Lettre du corregidor aux alcaïdes

de la Cité, 16 mars 1667.

3. — Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne, tome 55, fol. 525 r°.

4. — Bibl. Nat.y Mél. Colbert, vol. 144, fol. 549 et 550.

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rappelés par leurs souverains, se rencontrèrent à la frontière ; ils eurent une courte entrevue, sur la Bidassoa, dans une barque ancrée au milieu du fleuve

1. L'archevêque resta .quelques jours à Hendaye, auprès de l'abbé de Saint-Martin Barès, désormais seul commissaire; car, quelques jours auparavant, M. d'Artagnan était mort à Bayonne

2.

L'année 1667 s'acheva sans que l'abbé de Saint-Martin Barès, malgré ses demandes maintes fois réitérées, eût reçu de la Cour la confirmation de la sentence prononcée le 26 février. Elle fut enfin confirmée le 25 janvier 1668, à Saint-Germain-en-Lay

3, au moment même où les querelles reprenaient, plus fréquentes que jamais, entre Basques espagnols et français.

Mais alors — chose curieuse — ce fut surtout une commune française, voisine d'Hendaye, celle d'Urrugne, qui, non pour complaire aux Espagnols, mais pour nuire aux Hendayais contre lesquels le vicomte d'Urtubie devait l'exciter pour des raisons personnelles, refusa d'observer la sentence et fit mine de reconnaître aux habitants de Fontarabie des droits contre lesquels elle- même avait jadis violemment protesté

4. Louis XIV, averti, manda à tous ses officiers de Labourd de faire strictement observer la sentence par tous les habitants

1 . — Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne, tome 56, fol. 47 r°.

2. — Cf. la note ajoutée par l'abbé de Saint-Martin Barès à la lettre qu'il écrivait de

Bayonne, le 31 août 1667, à Hugues de Lionne : « j e ne doutte pas que Votre Excellence n'ayt sçeu la mort de M. d'Artagnan, lieutenant de Roy de Bayonne, qui feut enseveli lundy dernier 29e du courant ; j'estime que, si nostre commission n'eust prins fin, il auroit vesçu plus long temps ; le Roy a gaigné par sa mort dix mille livres qui lui estoient dheu de ses appointemens. » Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne, tome 56, fol. 47 r°.

3 . — Bïbl. Nat.j Mél. Colbert, vol. 146, fol. 4 1 6 r° et v° et vol. 147., fol. 349 r° et v°.

4: — Cf. lettre orig. du jurât hendayais, Mounjouny de Gource, au ministre Hugues de Lionne, juillet 1668 : « . . . La communauté d'Urrugne s'oppose a ladite sentence et fait beaucoup de violançe, et l'ayant informé contre eux et presanté requete a Monsieur l'intendant Pellot lequel auroit remis a Monsieur le Lieutenant General de Bayone avec ordre de nous faire droit et justiçe, çe quy n'a pas volu faire et j e n'ose pas le dire le sujet pour quoy, cet pourquoy sy Votre Excellence nous puise obtenir du Roy d'ordonner audit sieur Intendant Pellot de faire executer la dite sentence et de nous endomager de tout depens, domage, interet que la dite comunauté d'Urrugne nous ont caussé ; vous voyès, Monseigneur, que je suis âgée et que je né point d'anfent et que tout çe que je fait, cet pour l'amour de ma patrie, car a mon particullier je suis très content du bien que Votre Excellence me fait jouir pour passer honnetement notre vieillesse. , , » Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne, tome 57, fol. 145 r°.

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de cette province

1. Les esprits se calmèrent enfin; le bon accord revint entre Urrugne et Hendaye. L'abbé de Saint- Martin Barès partit à son abbaye de la Chaise-Dieu

 2 et la vie sur les rives du fleuve redevint ce qu'elle était jadis, avant l'arrivée des commissaires : les querelles continuèrent, avec captures et échanges mutuels de prisonniers ; les plaintes qui, le plus souvent, devaient rester sans réponse précise, affluèrent à Bayonne, à Pampelune, à Saint-Sébastien, à Madrid, à Paris

3, mais était-il désormais bien nécessaire de faire revenir à la frontière de nouveaux commissaires ?

Cependant, dès janvier 1669, le roi de France fit savoir officiellement à ses sujets de Hendaye et autres communes adjacentes qu'il prétendait les maintenir dans leurs droits et saurait répondre aux provocations des Espagnols

4. De leur côté, les alcaldes de Fontarabie écrivaient à la Reine Régente d'Espagne demandant instamment la nomination de nouveaux commis- saires

 5. Le 8 janvier, la nouvelle parvint sur les bords du fleuve que le nouveau corregidor de Guipuzcoa, Don Manuel Bernardo

1. — « De par le Roy. Sa Majesté désirant que la sentence donnée le 25e febvrier de l'année derniere par le feu Sr d'Artagnan, lieutenant pour Sa Majesté dans le gouvernement de Bayonne et le Sr Abbé de Saint-Martin Barès, conseiller en son Conseil d'Estat, commandeur de son Ordre de Saint Michel, commissaires par elle nommés pour le règlement des limites du royaume le long de la riviere Bidassoa au pays de Labourt et qu'elle a confirmée par la ratification expresse du 25e janvier dernier, soit exécutée en tous ses pointz, sadite Majesté a ordonné au Sr. de S1 Pée, son lieutenant dans ledit gouvernement de Bayonne et pays adjacens, de tenir la main à l'execution de ladicte sentence et de se transporter pour cet effect, conjointement et ave.cq ledit S r abbé de Saint-Martin Barès, en tous les lieux de ladite frontiere que besoing sera pour restablir et mettre en possession et jouissance des isles, nasses et passages men- tionnés dans ladite sentence tant les habitants de Hendaye, Urrugne et Biriatu que autres sujetz de sa dite Majesté habitans de ladite frontiere, enjoignant très expressement sa dite Majesté ausdits bailly, scindig, bailles, abbés, juratz et autres dudit pays de Labourt qu'il appartiendra de prester toute ayde et assistance lorsqu'ils en seront requis, soubz peyne de désobéissance. »

 Affaires étrangères. Correspondance politique, Espagne, tome 57, fol. 63 r°.

2. — Bibl. Nat,          Mél. Colbert, vol. 149, fol. 138 et suiv.

3- — Cf. entre autres documents intéressants : lettre originale des jurats de Saint-Jean-

de-Luz aux alcaldes de Fontarabie (28 septembre 1668). — Lettre du Capitaine général à la Cité (28 septembre 1668). — Lettre de la Cité à la Province (3 octobre 1668). — Lettre du Capitaine général à la Cité (18 octobre 1668) Arch. de Fontarabie ; — et lettre originale des jurats hendayais à Hugues de Lionne ( 1 4 décembre 166S). —

Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne, tome 57, fol. 1 5 1 et 1 5 2 .

4. — Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne, tome 5 7 , fol. 167 et 168. 5 . — Arch. de Fontarabie. Lettre des alcaldes à Marie-Anne d'Autriche, 5 janvier 1669.

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de Quiros, devait remplacer D. Martin José Badaran.de Osinalde

 1 et que bientôt il viendrait, ainsi que D. Francisco Henriquez de Ablitas, s'entendre avec les commissaires du roi de France sur la solution à donner aux incidents récemment survenus

2. Toutefois, sans nouvelle de leurs collègues français dont ils ignoraient même les noms

3, les commissaires espagnols ne purent qu'écouter d'une oreille plus ou moins attentive les réclamations de plus en plus pressantes des habitants de Fontarabie. Le 8 mai, un bruit courut, qu'avait intentionnellement propagé le gouverneur de Hendaye : le roi de France avait enfin nommé deux commissaires, M. d'Espelette et le fameux abbé de Saint-Martin Barès

4 ; ils seraient bientôt à la frontière. En vérité, aucun commissaire ne vint ; le roi de France semblait avoir définitivement renoncé à protéger ses malheureux sujets Labourdins contre les attaques chaque jour plus hardies des Espagnols

5. Ces attaques devinrent si fréquentes et si violentes que les plaintes affluèrent de plus en plus nombreuses à la Cour de France et que, tout commerce devenant impossible pour les Français dans cette région, Louis XIV, de nouveau, s'émut de l'intolérable situation faite à ses sujets Labourdins. En mai 1680, le marquis de Lambert

6, commandant des troupes royales postées

1. — Ibid. Lettre de D. Bernardo de Pantosa, capitaine général de Guipûzcoa, aux alcaldes de Fontarabie, 8 janvier 1669.

2. — Dans la nuit du Ier au 2 janvier 1669, pour se venger de la prise de Tune de

leurs barques, les Hendayais enlèvent sept chaloupes amarrées dans le port de Fontarabie. Cf. Arch. de Fontarabie. Borrador de carta para el général Pantosa que llevaron el Senor alcalde Zuzuarregui y Thomas de Arsu ; — et Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne, tome 57, fol. 155 1° Le 20 décembre 1 6 6 8 , des pêcheurs de Fontarabie avaient saisi une pinasse de Saint-jean-de-Luz ; les alcaldes la firent restituer. Cf. Arch. de Fontarabie. Lettre des alcaldes à la ville de Saint-Jean-de-Luz, 3 janvier 1669, et réponse des jurats de cette ville aux alcaldes, 8 janvier 1669.

3 . — Arch. de Fontarabie. Lettre du corregidor aux alcaldes, 17 janvier 1 6 6 9 et

réponse des alcaldes, 24 janvier 1669.

4. — Arch. de Fontarabie. — Lettre originale du Capitaine général aux alcaldes

8 mai 1669 ; et lettre des alcaldes à D. Pedro de Zuloaga, notable de la Province, en résidence à Tolosa, 20 mai 1669.

5. — Cf. notamment Arch. de Fontarabie. Lettre originale des jurats de Ciboure et

de Saint-Jean-de-Luz, demandant la restitution d'une barque marchande de Ciboure, prise au large de Socoa par les corsaires de Fontarabie, alors qu'elle revenait de Bordeaux, 1e1 mai 1676.

7.   — Henri de Lambert, marquis de Saint-Bris, mort en 1686,

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sur la frontière basque et prêtes à envahir le Guipuzcoa, somma le gouverneur de Fontarabie, D. Alonso Jordan de Fuenmayor, de faire cesser les agressions journalières des Ondarabiarres contre les Hendayais et autres sujets du roi de France. Le gouverneur répondit que ces différends étaient de bourgeois à bourgeois et non entre soldats des deux royaumes et qu'il ne pouvait en aucune façon intervenir dans cette affaire ; il serait d'ailleurs préférable, ajoutait-il, d'en aviser D. Diego de Portugal, capitaine  général de Guipuzcoa, en résidence à Saint-Sébastien

La Province s'alarma cependant des préparatifs de guerre que faisait le roi de France dans tout le pays de Labourd ; elle écrivit à Madrid pour protester contre cette attitude belliqueuse que rien, disait-elle, ne pouvait justifier, et, en même temps, recommanda aux habitants de Fontarabie de cesser toute attaque contre les Labourdins. La frayeur fut d'autant plus grande dans tout le Guipuzcoa que les places de Fontarabie et de Saint-Sébastien n'étaient guère en mesure de supporter le choc des cinq ou six mille hommes de troupes que le marquis de Lambert commandait à Bayonne. La Junte provinciale, réunie à Saint-Sébastien, demanda que cinq cents hommes fussent envoyés à Fontarabie et que cinq cents autres fussent établis en quelque lieu sûr, entre Irun et Béhobie ; trois cents seulement purent être immédiatement recrutés, qui vinrent loger au Château de Charles-Quint

2. Le 6 mai, un envoyé du Marquis de Lambert, le capitaine Beaullier, se présenta à Fontarabie ; il notifia aux alcaldes que désormais toute embarcation ondarabiarre rencontrée par les galères royales françaises serait impitoyablement capturée, et cela jusqu'à ce que les habitants de la cité guipuzcoane eussent restitué aux Labourdins toutes les gabarres qu'ils leur avaient dérobées

3.

ï . — Arch. de Fontarabie, Registro de juntas, mayo 1680. 2. — Ibid.} Id.

3 . — « Yo vengo â deciros de la parte de mi Commandante que el Rey nuestro Senor

nos ha ordenado de tomar todas las embarcaciones que entraren y salieren de Fuenter- rabia entretanto que los Espanoles les hayan vuelto lo que les han tomado â los Franceses y dar satisfaccion al mal trato que han hecho â los habitantes de Hendaya, » Arch. de Fontarabie, Registro de juntas, mayo 1680.

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La Junte Provinciale, de plus en plus effrayée/résolut de faire une enquête sur les faits incriminés aux habitants de Fontarabie et, par quelque décision bienveillante à l'égard des Français, d'éviter l'invasion du Guipuzcoa qui serait pour l'Espagne un véritable désastre.

Le 8 mai 1680, les enquêteurs, D. Martin Antonio de Barrutia y Salinas et le licencié D. Francisco de Eguzquiza y Sagardi, partirent de Saint-Sébastien, assistés d'un greffier, pour se rendre à Fontarabie. Ils arrivaient au couvent des Capucins, situé à peu de distance des remparts de la ville, quand le prieur, Frère D. Francisco de Irun, vint à leur rencontre pour leur dire, sachant le but de leur voyage, que, vu l'état des esprits dans la cité, il serait plus prudent qu'ils renonçassent à leur enquête

1. Le frère prêcheur fut donc chargé d'aller notifier aux alcaldes la présence au couvent des délégués de la Junte Provinciale, chargés d'enquêter sur les incidents survenus entre Hendaye et Fontarabie ; son caractère sacré devait, semble-t-il, le rendre inviolable. Il arrivait cependant aux portes de la cité quand des prêtres de la paroisse lui déclarèrent qu'il risquait sa vie et qu'il ferait bien de s'éloigner. Le capucin, effrayé, revint à la hâte porter cette nouvelle aux envoyés, qui, le soir même, regagnèrent Saint-Sébastien

2. Le lendemain, une lettre parvint à la Junte : Fontarabie s'y excusait de ne point envoyer de procureurs ; ceux qu'elle avait élus étaient subitement tombés malades. Elle aurait pu en nommer de nouveaux, mais son mauvais vouloir était évident. La Junte répondit aussitôt que cette absence était d'autant plus fâcheuse que l'assemblée devait spécialement s'occuper d'affaires concernant Fontarabie ; mais le messager porteur de cette réponse

1. — « . . . El dicho Padre guardian representô â Sus Mercedes de como en la dicha ciudad ténia entendido con cierta y évidente noticia habian estado y estaran los vecinos con determinada resolucion de no permitîr procedimiento alguno de los que Su Merced del dicho Senor Don Martin habia de ejecutar en virtud de su comision. . . y que solo querian que estos procedimientos naciesen unicamente de mandato real y por orden del Rey (Nuestro Senor Dios le guarde), y no por otro alguno y que si Sus Mercedes entrasen en la dicha Ciudad de Fuenterrabia, tenian firme resolucion de matarlos. . . » Arch. de Fontarabie. Registro de Juntas, mayo 1680.

2. — Arch. de Fontarabie. Registre de Juntas, mayo 1680.

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- 84 -

ne put pénétrer dans la ville

 1. L'hostilité de Fontarabie contre la Province était évidente.

Cependant le bruit courait que trente vaisseaux de guerre français allaient bientôt traverser la barre du Figuier et bloquer le port de Fontarabie. Voulant éviter la guerre à tout prix, la Junte Provinciale envoya au Marquis de Lambert des excuses officielles en même temps qu'elle blâmait énergiquement Fonta- rabie de sa conduite à l'égard des Labourdins

2.

La Cité indignée protesta ; elle dépêcha à Madrid l'un de ses notables, D. Martin de Miranda. Charles II, qui, tout en ne voulant point mécontenter une ville sur la vaillance et l'héroïsme de laquelle la Couronne d'Espagne pouvait tant compter, hésitait cependant à s'aliéner davantage l'irascible roi de France, promit de nommer un commissaire enquêteur et de tout faire pour que les droits de la Cité fussent respectés de tous, tant Français qu'Espagnols

 3.

I. — Cf. le curieux interrogatoire du messager, Martin Lorenzo de Bengoechea, habitant de Saint-Sébastien : « , . . dijo : que, el dia 9 de este présenté mes, â las 10 horas de la mariana, salio el testigo de esta ciudad para Fuenterrabia con un pliego de la Provincia, y habiendo llegado a hora de las dos de la tarde â la ermita que llaman de Santa Engracia, que esta poco antes de llegar â la misma ciudad, le salieron al encuentro dos de siete u ocho clérigos que habia en la dicha ermita y le dijeron se detuviese y les dijese â donde y â que efecto iba, y, aunque al principio el testigo res- pondiô le dejasen proseguir su viaje, por no haberlo permitido dichos clérigos, se detuvo y le quitaron el pliego que llevaba, y habiendo leido el sobre escrito y reconocido las armas y sello de la nema, le arrojaron diciendo al testigo que se volviese de alli, que ya no habia Fuenterrabia, y el testigo volviô a decirles que tambien llevaba otro papel que es el parte y que le reconociesen y mirasen lo que hacian, y habiendolo leido hicieron lo mismo que con el pliego, diciendole que se volviesse luego y que por haber replicado el testigo que habia de llegar.à la ciudad para hacer su diligencia, llego otro clerigo a donde el testigo estaba con los otros dos referidos, y habiendo sacado delà cinta y debajo de la loba un punal de sara que ténia la baina atada con una abugeta roja, quisô con él dar algun golpe al testigo, y le detuvieron los demas clérigos sus companeros; con que el testigo dijo habia de entrar en la ciudad y pedir en ella testimonio y por esta razôn volvio segunda vez el dicho clerigo â sacar el dicho punal de sara con ânimo al parecer de herir al testigo, y haviendole agarrado el dicho clerigo le llevaba â la dicha ermita de Santa Engracia, diciendo que le habian de desnudar totalmente, lo cual séria el mejor testimonio que podria traer el testigo, y los demas clérigos sus companeros se lo emba- razaron y uno de dichos clérigos dijo al testigo que dijese a D. Sébastian Manuel de Arriola, â D. Martin de Valencegui y à los de Arbelaiz y â D. Léon de Aguirre que fuesen alla y que los acomodarian, y lo mismo afirmaron los demas clérigos sus companeros, todos los cuales asi mismo dijeron al testigo que deseaban que, como el testigo habia llegado alla, hubiese llegado algun juntero por que lo hubieran acomodado ; y v i o e l testigo que tenian dentro de la misma ermita arrimadas â la pared algunas escopetas, con lo cual volvio el testigo a esta ciudad, con su pliego y parte... » Arch. de Fontarabie. Registro de juntas, mayo 1680.

2. — Arch. de Fontarabie. Registro de Juntas, mayo 1680.

3 . — Lettre du Roi à la Cité de Fontarabie : « E l Rey, Muy noble, muy leal y muy

valerosa ciudad de Fuenterrabia, He visto vuestra carta que mè ha entregado Don

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 1680  Pour venger des pêcheurs Hendaiars, qui avaient été massacrés par leurs concurrents de Fontarabie, Louis XIV fit tirer par la tour  1000 coups de canon sur cette ville et ordonna la construction immédiate d'une redoute mieux équipée. Vauban vint en inspecter les travaux

85

Pendant ce temps, en vertu des ordonnances forales, la Junte Provinciale, irritée de l'attitude de Fontarabie,. l'avait, le 21 mai 1680, exclue de la Hermandad de Guipuzcoa

1. Le 7 juin 1680, le commissaire royal, D. Fernando Ramirez de Alcantarâ, arriva à Fontarabies. Il y demeura seulement quelques jours, interrogeant les habitants et prenant conseil de divers grands personnages, dont le duc d'Albuquerque, D. Pedro, évêque de Pampelune et le Comte de Fuenzalida, vice-roi de Navarre. A son retour a Madrid, il remit le dossier de son enquête au Roi qui en confia l'examen au Conseil d'État

 3. De son côté, le roi de France avait chargé l'un de ses officiers de Bayonne, Lespès de Hureaux, d'examiner les requêtes des Hendayais et de lui en adresser un rapport succinct ; mais sur les détails de cette dernière commission nous manquons absolu- ment de détails4.

Cependant les troupes françaises avaient  quitté la frontière et, moins craintive, la Province regrettait alors la mesure rigoureuse et sévère qu'elle avait prise à l'égard de Fontarabie, protégée par le Roi. L'enquête du Conseil ne fit d'ailleurs qu'affirmer les droits et privilèges de l'antique cité. Le 3 octobre, enfin, Charles II, de sa propre autorité, manda qu'elle fût immédiatement réintégrée dans la Hermandad et, le 12 mai 1681

1 ,

Martin de Miranda, vuestro diputado, su fecha de diez de este, en que me représentais el desconsuelo en que os hallabais de la resolucion que la Provincia de Guipuzcoa habia tomado de enviar â ofrecer al Mariscal de I^ambert satisfaccion de las quejas que suponen Franceses contra los vecinos de esa ciudad, y en inteligencia de su contenido ha parecido deciros (como lo hago) que con la resolucion que he tomado de que vaya Don Fernando de Alcantara,'como se os participé en despacho de primero de este, à la averiguacion d'estas diferencias, se ocurreal reparo de los inconvenientes que pondérais, siendo mi animo el de la mayor satisfaccion de la justicia que asiste a cada uno y ,deseando que de cada vez se atajen los prejuicios que pudieran resultar de no fenecerse la mala inteligencia con que se ha obrado hasta aqui de una â otra frontera, lo cual he mandado se advierta a la Provincia y â Don Diego de Portugal, hordenando â cada uno que de su parte contribuya lo mismo, esperando que atendereis â que sin dar nuevo motivo â Franceses, se facilite la composicion d'estas controversias, y de lo que fuere resultando me ireis dando cuenta para tenerlo entendido. De Madrid a 22 de Mayo de 1680. Yo el Rey. Don Pedro Coloma. » Archives de Fontarabie. Libro de actas. Copie insérée dans le procès verbal de la séance du 30 mai 1680.

1. — Arch. de Fontarabie. Papeles sueltos (Rio Vidasoa).

2. — Ibid., id.

3 . — Ibid. Registro de Juntas. Mayo 1 6 8 1 .

4. — Affaires étrangères. Correspondance politique. Espagne} tome 442, fol. 24 r°.

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_ 86

aux juntes de Hernani, le corregidor, D. Manuel de Arce y

Astete, lut le mandement royal aux procureurs des villes gui puzcoanes qui promirent de s'y conformer

1.

Le siècle s'acheva sans nouvel incident grave et même les différends sur la Bidassoa se firent de moins en moins fréquents par suite du traité provisionnel que conclurent à Madrid, le 19 octobre 1685 , le marquis de Feuquières, ambassadeur de France et le marquis de Los Balbases, conseiller d'État et com- missaire de l'ambassadeur de France. Nous n'avons d'ailleurs pas pu retrouver le texte de cette convention qui — selon toute vraisemblance — devait, tout en reconnaissant au roi d'Espagne la propriété exclusive du fleuve, en permettre le libre usage aux  sujets du roi de France

2.

 

 

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ALMICHU BIDASSOA
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