Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
ALMICHU BIDASSOA
8 juillet 2014

almichu second

XIIIeme Siècle

Possession anglaise                                                 de 1152 à 1450
Philippe Auguste                                                      roi  en1180 

 Fueros de Hondarribia  1203
Louis VIII le Lion                                                      roi en 1226
Louis IX  dit Saint-Louis                                          roi de 1226 à 1270
Philippe III le Hardi     Né en 1245 - Mort en 1285   roi en 1270
Philippe IV le Bel  Né en 1268 - Mort en 1314         roi en 1285
                                                                                             
XIV ème Siècle
______________________________________
Louis X le Hutin  Né en 1289 - Mort en 1316        Roi en 1314
Philippe V le Long Né en 1293 - Mort en 1322       Roi en 1316
Charles IV le Bel Né en 1294 - Mort en 1328          Roi en 1322
Philippe VI  Né en 1293 - Mort en 1350                  Roi en 1328
Jean II le Bon Né en 1320 - Mort en 1364                Roi en 1350
Charles V                                            Roi de 1364 à 1380   
Charles VI                                           Roi de 1380 à 1422
Charles VII                                         Roi de  1422 à 1461
____________________________________________________

XV eme SIECLE
______________________________
Charles VII                                                       Roi  de 1422  à 1461

Fin de la possession anglaise                               1450
Louis XI                                                            Roi de 1461 à 1483
Charles VIII                                                       Roi de 1483 à 1498
Louis XII                                                            ROI de 1498 à 1515    

C'est ici que


DEBUTE  L'OUVRAGE DE THEODORIC LEGRAND SUR LES

image31

DIFFERENTS DE FONTARRABIE AVEC LE LABOURD

 

 

CHAPITRE     PREMIER
XV ème Siècle.

_________________________________

ESSAI  SUR
LES DIFFÉRENDS DE FONTARABIE
AVEC LE LABOURD


________________________________

DU XVme AU XVIII me     SIÈCLE
par
THÉODORIC     LEGRAND
_____________________________

INTRODUCTION

Nous n'avons nullement l'intention de présenter ce travail comme une étude complète et définitive des différends qu'eut jadis Fontarabie avec notre province française de Labourd.
Complète, — cette étude ne saurait l'être ; nous ne la commençons qu'avec le quinzième siècle, faute de documents suffisamment explicites, et cependant, bien avant cette époque, l'héroïque et valeureuse cité guipuzcoane se dressait déjà superbe sur les rives du large estuaire qu'elle domine encore de ses ruines majestueuses.
Définitive,.— elle l'est encore moins ; car si, non sans profit d'ailleurs, nous avons consulté d'autres dépôts d'archives, nous avons tiré la plus grande partie des éléments de cette étude des archives municipales — encore non classées — de la ville même de Fontarabie ; c'est dans un monceau de documents entassés dans une salle basse attenant à la sacristie de Santa Maria qu'il nous a fallu distinguer ceux qui pourraient nous fournir d'utiles renseignements ; c'est dire que de grandes difficultés matérielles sont venues paralyser notre travail et rendre nos recherches quelque peu hasardeuses. Bien que nous ayons fait tout notre possible pour que rien ne nous échappât qui fût important, nous n'affirmerions pas qu'un examen plus minutieux des documents n'eût pu — sur certains points — nous fournir de plus amples détails.
Nous dirons enfin qu'en faisant cette étude nous n'avons  pas tant eu le désir de raconter les différends de Fontarabie avec le Labourd que d'attirer l'attention des historiens sur une région dont l'histoire est encore trop imparfaitement connue. Chaque ville guipuzcoane de quelque importance possède des archives anciennes ; ces archives, la plupart du temps, ne sont pas encore classées, mais elles le seront bientôt ; il nous semble qu'il y a là matière à toute une série d'intéressants travaux sur les relations du Guipûzcoa avec le Pays Basque français, rentrant parfaitement, d'ailleurs, dans le cadre de la Revue du Béarn et du Pays Basque.
Nous terminerons cette brève introduction en remerciant toutes les personnes qui nous ont largement aidé dans nos travaux. Tout d'abord, nous adresserons l'expression de notre sincère et respectueuse reconnaissance à M. Morel-Fatio qui, dès le début, a bien voulu nous guider de ses savants conseils ; nous remercierons D. Juliân Paz, archiviste à l'Archivo General de Simancas, qui a eu l'obligeance de nous fournir par corres- pondance les quelques renseignements qui pouvaient nous être utiles ; D. Antonio de Cerrageria et D. Francisco Lupiani, atta- chés à la Bibliothèque nationale de Madrid qui, lors de notre séjour dans la capitale espagnole, nous ont si aimablement aidé dans des recherches d'ailleurs malheureusement restées infruc- tueuses ; D. Esteban Sors de Arzuaga, qui nous a si courtoisement reçu aux Archives Municipales de la ville d'Irun, confiées à sa garde. Nous adresserons enfin l'expression de notre affectueuse reconnaissance à l'affable et distingué inspecteur des archives municipales de Guipûzcoa, Sr. D. Serapio de Mugica, — de l'amitié duquel nous nous honorons, — qui, non content de nous ouvrir bien grandes les portes des Archives Municipales de Fontarabie, s'est encore fait un plaisir de nous aider maintes fois dans nos recherches. Grâce à lui, grâce aussi à bien d'autres sympathi- ques personnalités Ondarabiarres, dont nous ne citerons que l'excellent Sr. D. Olegario de Laborda, alors alcalde de la Cité, nous avons fait un délicieux et inoubliable séjour dans ce pays enchanteur dont la magnificence des sites n'a d'égale que l'exquise bonté de ses habitants.
3
CHAPITRE     PREMIER
XVme Siècle


Le XVe siècle a débuté le 1er janvier 1401et a pris fin le 31 Décembre 1500
C'est un siècle charnière entre le Moyen Âge et la Renaissance Les historiens situent sa fin en 1492 avec la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb
Nous ne pouvons guère parler d'une façon précise et détaillée des relations de Fontarabie avec le Labourd avant le quinzième siècle. Ce n'est pas qu'antérieurement à cette époque, des traités ne se soient pas conclus entre les provinces de Guipûzcoa et de Labourd, mais de ces documents plus anciens, le rôle de Fontarabie ne se dégage pas assez nettement pour que nous puissions l'exposer ici . A peine quelques maisons avaient-elles été bâties sur la rive française de la Bidassoa, que Fontarabie, jalouse de ses droits, fit sentir sa toute-puissance aux quelques pêcheurs labourdins qui se hasardèrent à naviguer dans la baie. Il dut y avoir, de la part des Hendayais, quelques vives protestations suivies très probablement d'un appel au roi de France, mais rien ne nous permet de préciser ces faits. Une tour dut être construite dès 1455 environ, soit sur l'emplacement actuel du port de Hendaye, soit sur celui du fort aujourd'hui en ruines qui fut construit en 1665 . Toujours est-il que, le 28 septembre 1458, Henri IV de Castille écrivait au corregidor de Guipûzcoa, D. Juan Furtado de Mendoza, que, malgré ses instances auprès du roi de France, la


1. — Consulter sur les traités conclus antérieurement entre le Guipûzcoa et le Labourd
l'ouvrage de D. Pablo de Gorosabel, Memoria sobre las guerras y tratados de Guipuzcoa
con Inglaterra en los siglos XIV° y XVe,Tolosa,     1865, in-8e.
2. — Sur la date de la fondation de Hendaye, voici ce que disent les commissaires
envoyés, en 1518 , par le Roi d'Espagne pour régler les différends de la Bidassoa : « . . . Item est praesupponendum quod non sunt elapsi septuaginta anni quod Galli in termino et
territorio suo ab illa parte fluminis de Vidassao juxta villam Fontîs Rabiae aeadificarunt
locum quem vulgariter nuncupatur de Hendaya. » — A r c h i v e s municipales de Fontarabie. Traslados de las Ynformaciones en derecho que por el derecho del Reyno de Castilla y
de la villa de Fuenterrabia se dieron â los comisarios de Francia... 1518 , fol. 5 r°.
3. — Le 10 janvier 1456, Henri IV de Castille chargea trois de ses conseillers, Ortun Velasquez
de Cuellar, D. juan Manuel et le docteur Alfonso Alvarez, de régler ces premiers différends. — Cf. G. DAUMET, Etude sur l'alliance de la France et de la Castille au X I V e et au XVe siècles, Paris, 1898, in-8°. p. 97.
____________________________________
4
tour de Hendaye allait être achevée et qu'en présence d'une telle provocation, il fallait, de la part de Fontarabie, une attitude plus qu'énergique. Tout Français devait, à son passage sur la rive espagnole, en faire la déclaration à l'alcalde du lieu où il débarquait, lequel transmettait à ses collègues des villes voisines la promesse faite sous serment par le Français de se bien conduire et de respecter les lois du pays. Si le Français causait quelque dommage, nul besoin n'était de le juger, il fallait le tuer sur le champ ; et non seulement le roi conseillait à ses sujets cette mesure violente, mais encore il la leur ordonnait
1. Le mandement royal fut lu sur la place publique de Fontarabie et les pêcheurs de Hendaye et des autres villages labourdins se rendirent compte ainsi que le séjour dans la ville guipuzcoane pouvait devenir dangereux.
Il dut y avoir — là encore, malheureusement, nous manquons de données certaines — une résistance assez vive de la part des habitants de Hendaye et d'Urrugne, d'ailleurs excités par le sire d'Urtubie, tout-puissant alors sur la rive française du fleuve. Le corregidor, effrayé de la révolte générale des Labourtins et des altercations sanglantes qui se produisirent sur la Bidassoa, fit poster aux environs d'Irun, dans la tour dite de Guardiagana, une troupe de mille fantassins
 2. Cet état de défiance et de perpétuelles menaces ne pouvait
durer longtemps. Au mois de novembre ou de décembre suivant, Charles VII et Henri IV, de commun accord, résolurent de régler les différends entre Labourdins et Guipuzcoans, au
4
1. — Archives de Fontarabie. Relacion de lo que al reverendissimo P. M. Juan de Mariana de la Compania de Jésus pone en consideracion el capitan Miguel Sanz de Venesa y Esquivel en nombre de la muy noble y leal villa de Fuenterrabia sobre la enmienda que piden al cap. V del libro XXIX de la segunda parte de la historia de Ëspana, quetratadel rio Vidasoa (26 de noviembre de 1621 ) , cap. 2. Ce curieux manuscrit se trouverait également, selon D. Angel Allende Salazar, à l'Académie d'Histoire de Madrid, dans le tome XLIV de, la Collection Vargas Ponce. Nous ne l'y avons point trouvé, non plus que notre excellent ami et confrère D. Antonio de Cerrageria qui, après nous, l'a vainement recherché tant à la Biblioteca National qu'à la Real Aèa- demia de la Historia. Bien .que nous ayons largement utilisé ce document qui nous paraît assez digne de foi, nous ferons remarquer que tout au moins son objet n'est point celui indiqué dans le titre ci-dessus, car il n'est nullement question de la Bidassoa au •chapitre V du livre XXIX de l'histoire de Mariana.
2. — Ibid.,     id., cap. 3.     <•
______________________________
5
moyen d'une commission mixte, inaugurant ainsi un système
qui sera fréquemment employé par la suite, avec plus ou moins d'efficacité d'ailleurs. La commission fut composée de délégués de Castille et de Guipuzcoa, d'une part — c'étaient le Docteur Fernan Gonzales. de Toledo, habitant de Valladolid, le Docteur Diego Garcia de Burgos, habitant de Salamanque, le Docteur Palos de Ondarroa délégués de France et de Guyenne, d'autre part, — c'étaient Me Martin, habitant et chanoine de Dax, et Me Nates, de Dax     éconservés
1. Les commissaires, assistés de deux notaires royaux, déclarèrent que toutes les terres recouvertes par le fleuve depuis Endarlaza
2  jusqu'au cap du Figuier appartenaient au roi de Castille et décidèrent qu'un mât de pin destiné à délimiter la frontière entre les deux royaumes serait placé à Ondaraltzu, sur la pointe actuelle d'Ondarraïtz, qui devait s'étendre alors moins loin vers la barre du Figuier
3. La sentence fut transcrite sur parchemin par les soins de Juanot de Vera, alcalde de Fontarabie, et placée dans les archives de la ville où elle fut brûlée lors du terrible incendie de 1498
4 En avril 1463 , la paix se fit sur la frontière. Pendant quelque temps, les habitants des deux villes oublièrent leurs querelles, occupés qu'ils étaient des préparatifs de la prochaine entrevue des deux rois de France et de Castille, entrevue qu'avait rendue nécessaire l'attitude prise récemment par Louis XI dans les affaires d'Aragon


1. — Arcb. de Fontarabie, Reiaciôn de Sanz de Venesa, cap. 3 .

2. — Endroit où la Bidassoa entre actuellement en France, à 13 kilom. de Fontarabie ;
frontière de Navarre et de Guipuzcoa.

3 . — « . . . declararon que todo quanto el rio y brazo del mar alcanzavan a cubrir

desde Endaralatza al Higuer era del Rey de Castilla que a la sazon se hallaba en Segovia pasando el verano. Pusieron de conformidad a la orilla de Ondarralzu a la parte de Francia, ribera de mar, un mastil de pino que sirviese de mojon y limite entre los dos reinos y que del asta Endaralatsa por toda la margen del rio, orilla de Endaia, Zubernoa y Biriatu se entendiese lo mismo ; duro muchos dias asta que el tiempo lo consumio. » Arcb. de Fontarabie
. Reiaciôn de Sanz de Venesa, cap. 3 . 4. — Ibid.,     id., id.


**********************************************


1463   
, eut lieu à Hendaye une entrevue entre Louis XI et le roi de Castille en vue de tenter de mettre un terme — on a vu qu'ils n'y parvinrent pas — au différend franco-espagnol relatif à la possession des eaux de la Bidassoa.
 Le 4 mai, le roi de Castille traversa la rivière, venant de Fontarabie, avec une suite nombreuse, Louis XI, arrivé de Saint-Jean-de-Luz, l'attendait sur la rive hendayaise.
 Les Français se moquèrent de l'aspect du roi de Castille, très laid, mais vêtu avec beaucoup de recherche, tandis que les Espagnols tournaient en dérision la ladrerie de Louis XI, couvert de vêtements trop courts et coiffé d'un vieux chapeau garni de médailles de plomb.
 De son embarcation, Henri IV de Castille échangea avec le roi de France de grands saluts. Puis les deux monarques s'embrassèrent, et la main dans la main se dirigèrent vers une roche basse qui se trouvait à la limite des hautes marées ; le roi de Castille s'y appuya, tenant sa baguette, voulant sans doute ainsi marquer sa souveraineté sur l'endroit.
 On convint que le roi de Castille abandonnerait la Catalogne moyennant indemnité.
 De la Bidassoa, il ne fut plus question. Philippe de Commines, à qui nous empruntons, en le résumant, le récit de cette entrevue, ajoute que les deux rois se séparèrent peu satisfaits l'un de l'autre, et conclut mélancoliquement que les souverains ne devraient jamais se rencontrer en personne, lorsqu'ils veulent se mettre d'accord.
Ce voyage de Louis XI ne fut pourtant pas entièrement perdu pour les Hendayais. Le roi, ayant conservé un bon souvenir de son séjour à Saint-Jean-de-Luz, accorda à ses habitants l'exemption de la moitié des droits d'assise que la Couronne se réservait sur les marchandises vendues à Bayonne et à Saint-Jean-de-Luz. Cette franchise devait être étendue en 1565 à Urrugne et à Hendaye         O.G                                         

1. Le 8 mai, les rois accompagnés d'une suite nombreuse d'illustres personnages se virent sur les bords du fleuve, à Hendaye. L'accueil, de part et d'autre, fut fort courtois. Entre autres choses, Henri IV de Castille prit soin de faire remarquer à Louis XI que le royaume de France commençait seulement à la  rive de Hendaye et que la Bidassoa dans toute sa largeur appartenait à la Couronne de Castille.
 Le roi de France, d'ailleurs fort malencontreusement préoccupé par de plus graves questions, y consentit
 2 ; cet aveu peu réfléchi fut pour les Espagnols comme un nouveau gage de leurs droits.
Treize ans plus tard, la guerre éclata dans le pays basque. Alphonse V, roi de Portugal, avait su persuader le roi de France d'envahir le Guipuzcoa tandis que lui-même et les partisans de la Beltraneja s'occuperaient d'attaquer la Castille.
Le 14 février 1476, quarante mille hommes, sous la conduite d'Alain, sire d'Albret, traversèrent le pas de Béhobie et se dirigèrent sur Irun qu'ils pillèrent et incendièrent. Durant plus de deux mois, ce furent de sanglantes escarmouches entre les bandes guipuzcoanes et les détachements français postés dans la campagne environnante. C'est seulement le 8 avril que le siège fut mis devant Fontarabie. Les assiégés se défendirent valeureusement, tant et si bien d'ailleurs que l'ennemi partit, le troisième jour, ravager les bourgs laissés sans défense d'Oyarzun et de Renteria. Cependant, le 11 mai, Fontarabie, de nouveau, fut attaquée. La place, merveilleusement défendue par D. Juan de Gamboa, était ravitaillée par mer ; elle aurait pu soutenir ainsi longtemps le choc de l'ennemi, quand le 15 du même mois, les Français, désespérant de jamais s'en emparer, repassèrent la frontière.


1. — Cf. G. DAUMET, op. cit., pp. 1 0 7 - 1 0 8 , et J . CALMETTE, Louis XI, Jean II et la Révolution catalane. Toulouse, 1 9 0 2 , in-8°, pp. 1 7 0 et suiv.
2. — ZURITA, Anales de Aragon, Zaragoza, 1 6 1 0 , in-fol. t. IV, p. 1 2 4 , et MARIANA,
Historia général de Espaiia (Bibl. de Autores Espanoles), Madrid, 1854, in-8°. t. II, cap. V , p. 156.
3. — GARIBAY, Compendio historical     de la...     historia de... Espana, Amberes, 1 5 7 1 ,
in-4°, lib. XVIII, cap. VI.

_________________________________________________________________

 

CHAPITRE DEUXIEME

XVI ème Siècle.

François 1 er   Roi de 1515 -à 1547  
Henri II   Roi de 1547  à 1559  -
François II Roi de 1559 à1560 
Charles IX   Roi de 1560 à 1574
 Henri III   Roi de157à 1589
 Henri IV Roi de 1589 à 1610
 Louis XIII  1610--1643
 Louis XIV  1643--1715

Régence 1715-1723
Louis XV 1715--1774
 Louis XVI  1754 1793

Trente années se passèrent, sinon de paix absolue, tout au moins de querelles moins vives et moins bruyantes. Au mois de juillet 1509 , des marchands navarrais venant de Vera, montés sur des gabarres chargées de sacs de laine qu'ils transportaient à Fontarabie, descendaient la vallée de la Bidassoa, quand, arrivés vers les hauteurs d'Aritz-Makur
1. Ils furent attaqués par une bande de Labourdins armés, habitants de Hendaye, d'Urrugne et de Biriatou. Les pillards, supérieurs en nombre, maltraitèrent fort les marchands et se sauvèrent sur la rive française en emportant la cargaison
2.
Ce fut un cri d'indignation quand les bateliers navarrais détroussés et blessés vinrent amarrer leurs gabarres vides au port de Fontarabie. On parla aussitôt de brûler Hendaye et d'en massacrer les habitants ; un avis plus sage prévalut cependant qui fut, puisque la ville avait été atteinte dans ses droits officiellement reconnus, d'avertir le chef civil de la Province, D. Francisco Tellez de Ontiberos, corregidor de Guipuzcoa.
Le corregidor se rendit à Fontarabie ; à peine arrivait-il sur le port qu'on lui vint annoncer un nouvel attentat de la part des Labourdins : une gabarre d'Irûn venait d'être saisie par les gens de Hendaye ; toutefois, désireux de ne pas aggraver le conflit, le corregidor résolut de ne pas saisir le Régent d'une question qu'il pensait pouvoir régler lui-même. Il s'efforça de calmer les esprits et, de retour à St-Sébastien, se contenta de faire procéder à une enquête par les soins de Martinez de Ayerdi, habitant de Hernani, assisté de Domingo de Alcega, notaire royal en cette même ville3. Des témoins français furent entendus, qui déclarè-


1. — Aritç, chêne, Makur, tordu. Ce lieu devait être l'endroit appelé aujourd'hui Puntia, à près d'un kilomètre du Pont International de Béhobie.

2. — Arch. de Fontarabie. Testimonio dado por Domingo de Aramburu sobre las
diferencias del rio Vidasoa [XVII*     sïecle].
3 . — Arcbivo     général de Simancas. Patronato Real, alacena I, legajo I y 2, fol.
______________________________________
⦁    8.-

rent que nul d'entre eux n'avait la prétention de discuter les droits de l'Espagne sur la Bidassoa et qu'il s'agissait selon eux d'une simple vengeance personnelle que le chef de l'expédition, Esteban de Echeverri, habitant de Hendaye, voulait exercer contre les gens de Navarre qui, récemment, lui avaient dérobé un cheval
1. Dans ces conditions, le différend semblait devoir se régler facilement. Martinez de Ayerdi se rendit à Urrugne pour y demander publiquement au sire d'Urtubie
2 et aux habitants assemblés la restitution des sacs de laine volés aux marchands de Vera. Le sire d'Urtubie refusa net, déclarant qu'à partir de ce jour, il niait absolument les droits de Fontarabie et revendiquait pour le. royaume de France la propriété de la moitié du fleuve
3. Forts de l'appui de ce puissant seigneur, les habitants de Hendaye et d'Urrugne redoublèrent d'audace. En septembre, un convoi de marchands navarrais fut de nouveau attaqué dans la vallée de la Bidassoa ; trois pièces d'artillerie furent logées dans la tour qui faisait face à Fontarabie et ce fut, dès lors, un bombardement continuel ; une barque d'Irun fut coulée, l'équipage périt. Le corregidor résolut, cette fois, d'avertir officiellement les autorités françaises qui, jusqu'alors, semblaient ignorer ces incidents. Il envoya des messagers au sénéchal des Lannes, Guillaume de Laduchs, au maire de Bayonne, au maire d'Urrugne et à Jean de Montréal, seigneur d'Urtubie
4. Le 20 octobre, le roi de France enjoignit au sénéchal des Lannes de se rendre à Hendaye, pour conférer avec les délégués que, de son côté, Ferdinand le Catholique devait y envoyer


1. — Arch. de Fontarabie. Testimonio dado por Domingo de Aramburu. — Cet Etcheverri, prêtre à Hendaye, avait emmené de Castille un cheval de prix. En passant à la frontière de Navarre, il se refusa à payer les droits de passeport ; les gardes lui confisquèrent son cheval. Cf. Arch. de Fontarabie. —Relacion de Sanz de Venesa, cap. 5.
2. — Sur la Maison d'Urtubie, cf. J. DEJAURGAIN, Châteaux basques : château d'Urtubie
dans Bulletin de la Société des Sciences et Arts de Bayonne, 1 8 9 6 , Ier trim., p. 1 2 9 - 1 4 9 .
3 . — Arch. de Fontarabie.     Testimonio dado por Domingo de Aramburu. . .
4. — îbid.j id.
5 . — îbid., Traslados de las Ynformaciones en d e r e c h o . . f o l . 1 0 8 r°.

_________________________________________
⦁    9 -
L'affaire fit, d'ailleurs, quelque bruit à la Cour de France et de longs pourparlers eurent lieu, à ce sujet, entre le Chancelier Robertet et les deux ambassadeurs castillans, D. Jaime de Albion et D. Geronimo Cabanillas
1.Néanmoins, le sénéchal des Lannes ne se hâta point d'aller sur les rives de la Bidassoa à la rencontre des commissaires que, malgré les instances de D. Francisco Tellez de Ontiberos et de la commune de Fontarabie, le régent du royaume de Castille hésitait à nommer.
2. Cependant, les conflits éclataient sanglants et continuels, menaçant de rendre encore plus mauvaises les relations pourtant déjà bien tendues qui existaient alors entre les deux pays. Le 15 novembre, enfin, Ferdinand le Catholique se décida à faire enquêter le Conseil de Castille sur les différends survenus entre Hendaye et Fontarabie
3. Son intention était de nommer par la suite deux commissaires qui, conjointement avec ceux du roi Très Chrétien, prendraient les décisions nécessaires pour éviter le retour de si regrettables querelles. En même temps, il dépêchait à Fontarabie l'ordre de cesser toute hostilité avec les Français
4 et donnait plein pouvoir au corregidor de Guipuzcoa pour conférer dès ce moment avec le sénéchal des Lannes
 5. A ce dernier, le corregidor fit demander, à plusieurs reprises, de lui fixer le lieu et la date de leur première réunion
6. N'obtenant pas de réponse précise, le 13 décembre, D. Francisco Tellez de Ontiberos se rendit à Fontarabie, puis, portant la baguette haute
7, se fit transporter sur la rive française de Hendaye
 8. Le sénéchal des Lannes qui, par ordre du roi, s'y trouvait déjà, fut averti ; il se rendit au port, accompagné


1. — Arch.     de Fontarabie. Traslados de las Ynformaciones en derecho.,. fol. 1 3 9 r°.
2. — Ibidid.,     fol. 1 3 7 , 1 3 9 et 1 4 1 .
3 . — Ibid., id., fol. 1 3 4 r°.
4. — Ibid. Relaciôn de los papeles que esta M. N. y L. Villa... embia à S. M. 1 6 1 9 . 5 . — Mandement royal signé de Jeanne la Folle, à Saldana, le 22 novembre 1509 .
Arch. de Fontarabie. Testimonio dado por Domingo de A r a m b u r u , . .
6. — Arch. de Fontarabie. Traslados de las Ynformaciones en derecho... fol. 165 r°.
7. — 11 s'agit de la bara, insigne que portaient le corregidor, les alcaldes ordinaires
de Guipuzcoa et leurs représentants.
8. — . . . diciendo era de su jurisdiccion toda la agua y que salto en tierra con la
dicha su vara alta. —
Arch. de Fontarabie. Testimonio de Lazaro de Oronoz, 1 6 6 3
.
________________________________
⦁    IO
du sire d'Urtubie et de quelques officiers municipaux de Bayonne. Le corregidor se montra arrogant ; il demanda d'abord au magistrat français s'il possédait une commission écrite de son souverain et, si oui, de la lui communiquer. Le sénéchal se soumit, mais, quand, d'un ton impérieux, le corregidor voulut fixer le lieu de leur prochaine conférence, Guillaume de Laduchs répondit sèchement que chacun d'eux saurait faire isolément son enquête et qu'il n'avait, pour sa part, nul besoin des conseils de personne. Le corregidor se retira ; une entente à l'amiable était absolument impossible ; il fallait attendre la décision du Conseil de Castille et remettre le règlement des différends à des commissaires spécialement nommés par les deux rois.
La mauvaise volonté du sénéchal des Lannes s'explique par ce fait que le roi de France, depuis le mois d'octobre, avait complètement changé d'avis. Il est probable que, tout d'abord, Louis XII avait ignoré l'importance des querelles survenues entre les pêcheurs de Hendaye et de Fontarabie et qu'il n'avait pas supposé qu'elles pussent dégénérer un jour en un véritable conflit international.
Quand il vit cependant les ambassadeurs castillans lui faire à ce sujet, de la part de leur souverain, des représentations officielles, il voulut qu'on procédât à une enquête plus approfondie que celle qu'il avait ordonné de faire à son sénéchal des Lannes et manda à ce dernier de se refuser à toute entrevue avec le corregidor de Guipuzcoa. D'autre part, Gratien d'Urtubie, qui travaillait plus encore pour la défense de ses propres droits que pour ceux du roi de France, et qui désirait voir anéantir la richesse et la prospérité d'une ville rivale, vint, le 11 décembre, trouver le roi a Paris et lui porter contre les Espagnols des griefs dont la fausseté fut d'ailleurs reconnue plus tard
 1. Dès les premiers jours de janvier 1510 , les commissaires des deux royaumes furent nommés ; c'étaient, pour la France, Me Mondot de la Martonie, président du Parlement de Bordeaux,


1.-Arch. de Fontarabie. Traslados de las Ynformaciones en derecho... fol, 142 r°.
____________________________________
11 -
et Me Guillaume de Laduchs, sénéchal des Lannes ; c'étaient, pour
la Castille, D. Cristôbal Vasquez de Acuna, membre du Conseil Royal, et D. Francisco Tellez de Ontiberos, corregidor de Guipuzcoa
1. Cependant les querelles continuèrent sur la Bidassoa ; les Labourdins, non contents d'avoir fortifié la tour qui, menaçante, s'élevait face à Fontarabie, munirent également d'artillerie le pas de Béhobie : ce qui était rendre impossible le passage par la Bidassoa, à cet endroit très étroite
 2. Le 15 février, arriva à Fontarabie, un jeune seigneur français, Domerion de Lurbida
3,  roi d'armes de Louis XII, qui demanda à voir le corregidor. Il venait, de la part des commissaires français, demander au magistrat espagnol de bien vouloir lui fixer le jour et la date qui, à lui et à son collègue le licencié Acuna, leur conviendraient le mieux pour la tenue d'une première conférence. Tellez de Ontiberos répondit qu'il attendait des ordres du Conseil, et que, dans quelques jours, il avertirait le Président du Parlement de Bordeaux de sa décision. On en vint à parler de l'attitude nouvelle des belligérants, de la fortification entreprise récemment au pas de Béhobie, contre laquelle le corregidor protesta. Domerion de Lurbida, qui arrivait directement de Paris et n'avait fait que traverser rapidement Hendaye, riposta, répétant ce qui avait été dit au roi par le sire d'Urtubie, à savoir que les gens de Fontarabie avaient brûlé l'hôpital de Santiago et détruit des moulins français bâtis sur la Bidassoa. Le corre-


1. — Nous n'avons pu trouver les lettres nommant les commissaires français ; les
commissaires de Castille furent nommés le 8 janvier et reçurent une confirmation e t prolongation de leur commission, le 3 février. Cf. Arch. de Fontarabie. Testimonio de Lazaro de Oronoz.
2. — Le 1 5 février 1 5 1 0 , les deux alcaldes ordinaires, Juan Perez de Unza et Pero Sanchez de Gamboa, reçurent la déposition de Bernard de St-Martin, habitant du bourg d'Hasparren, et de Pedro de Lundais, sujet castillan, qui déclarèrent être passés la veille au pas. de Béhobie et avoir demandé à des ouvriers qui travaillaient sur la rive française ce qu'ils construisaient. Ceux-ci répondirent : « Ce que nous installons là sonnera quelque prochain jour. » . — Arch. de Fontarabie. Traslados de las Ynformaciones en derecho, fol. 125 et suivants.
3
. — Ce nom est évidemment défiguré dans le document espagnol que nous suivons
ici ; il s'agit peut-être du héraut d'armes Lorrière, dont parle Jean d'Auton dans ses Mémoires (édit. de Maulde, pour la Soc. de l'histoire de France), t. IIÏ, p. 264.
_________________________
12 -
 
gidor s'indigna et, désireux de démontrer au gentilhomme qu'il ne s'agissait là que d'une méchante invention d'un ennemi héréditaire de Fontarabie, lui offrit de venir constater de visu la fausseté de pareilles allégations. Tous deux descendirent sur le port ; la foule des pêcheurs les entourait, eux et leur suite, et, quand le corregidor voulut monter dans la barque, ce fut un cri de protestation. Tous lui déclarèrent qu'il ne fallait pas quitter en ce moment le sol espagnol et qu'on pouvait tout attendre d'ennemis déloyaux et surexcités. Le corregidor délégua à sa place le merino mayor qui, la baguette haute, partit avec le roi d'armes vers la rive française. La marée basse les obligea, au milieu du fleuve, à continuer leur route à pied sur le sable ; on les aperçut de Hendaye et, du port, accourut aussitôt une bande d'hommes armés, criant et gesticulan
1. Le roi d'armes eut de la peine à se faire reconnaître et put constater ainsi que les esprits étaient bien échauffés de part et d'autre de la Bidassoa. A Hendaye, assisté du merino mayor, il interrogea quelques habitants qui déclarèrent que l'hôpital de Santiago n'avait souffert aucun dommage et quand il les pressa de lui dire les motifs de leur animosité contre Fontarabie, ils ne surent quoi répondre
2. Ce qui semblerait prouver une fois de plus que les gens de Hendaye agissaient plus pour complaire aux ordres d'un suzerain autoritaire et puissant que pour se venger d'injures personnelles. Il est vrai que la relation ci-dessus rédigée par ordre des. commissaires espagnols est fort susceptible de partialité.
C'est seulement à la fin de mars, selon toute vraisemblance, que les commissaires français et espagnols commencèrent à délibérer. De ces délibérations, les procès-verbaux ont disparu et il ne nous est resté qu'un seul document, — le plus impor--
1• — • . . Llegando en tierra de Francia, salto el merino con su bara en la mano y andobo en lo que inundaba la agua, a quien salieron doce hombres armados de Endaya y Iuego el dicho Rey de armas prendio al que venia delantero deciendoles : « Agora conozco que sois ladrones. —- Arcb. de Fontarabie. Testimonio dado por Domingo de Aramburu....
2. — lbid<, Traslados de las Ynformaciones en derecho... fol. 127 et suivants.
__________________________________
— 13 —
tant, il est vrai — la sentence provisionnelle
1 prononcée à Saint-Jean-de-Luz le 10 avril 1502 .
Il y était décidé que l'état de choses serait ramené à ce qu'il était dix ans auparavant et que, comme alors, les habitants de Fontarabie et de Hendaye devraient vivre en paix, respectueux de leurs droits réciproques. C'eût été évidemment un excellent conseil, plus encore toutefois qu'une décision durable, si les droits de chacune des deux villes avaient été définis avec précision et si les commissaires français, dans l'ignorance où ils étaient des questions qu'ils étudiaient, n'avaient pas, tout en ramenant les choses à dix années en arrière, reconnu et donné à Hendaye des droits qu'elle ne possédait pas alors et que, par cela même, Fontarabie ne pouvait naturellement pas admettre.
La sentence reconnaissait notamment à Hendaye le droit d'avoir un port, alors que, depuis fort longtemps, Fontarabie avait le monopole du commerce sur la Bidassoa. Le fleuve, sans être partagé par moitié entre les deux royaumes, comme le
1. — « Donec aliter et alias per predictos Reges et Reginam fuerit ordinatum. »
2. — Cum per antea mota et orta fuisset controversia inter manentes et habitantes
ville Fontisrabidi subditos Catholicorum Régis et Regine Castelle et alios eorum consortes provincie de Ypuscoe, ex una parte, et manentes et habitantes loci et parrochie de Handaye subditos Christianissimi Francorum Régis, ex altéra, ad causam fluminis nuncupati de Bidassoe, pretendentes et dicentes predicti habitantes Fontis Rabidi et alii eorum consortes quod totum dictum flumen ab eius exitu regni Navarre usque ad introitum magni maris erat et intégré pertinebat dicto regno Castelle et quod non erat licitum nec permissum predictis habitantibus dictorum loci et parrochie de Handaye nec quibuscumque aliis posse nec debere in predicto flumine nec in aliqua sui parte, tani ex parte regni Francie quam Castelle, facere portum pro anchorando aliquam magnam navem nec parvam portantem quillam nec eas onerare nec exonerare absque licencia et permissione predictorum habitantium Fontis Rabidi nec pariter habere naves vocatas pinasses aut alias habentes quillam pro eorum piscatura nec alios quoscumque usus nec debere piscari in dicto flumine nec in loco vocato Le Figuier cum retibus, et illud erat solum dictis habitantibus Fontis Rabidi fîeri licitum et permissum et de hoc erat in possessione et saysina per tempus inmemoriale, dictis vero habitantibus de Handaye contrarium dicentibus et asserentibus, scilicet quod ipsi habebant jus et erant in bona possessione et saisina saltem de medietate tocius predicti fluminis ab ejus exitu Navarre usque ad eius introitum magni maris inclusive tam navigandi, piscandi quam alios jus faciendi, de et super quibus premissis fuissent inqueste facte hinc inde, omnibus visis et aliis titulis et peciis per quamlibet dictarum partium respective exhibitis pluribusque aliis magnis causis et rationibus, tam in jure quam in facto, consideratis per nos commissarios subscriptos ad hoc per predictos Christianissimum et Catholicos Reges et Reginam deputatos pro evitandis litibus, debatis et scandalis que ex inde possent mover et pro conservatione pacis et concordie longe diu inter ipsos observate et hoc per modum provisionis et donec aliter et alias per predictos Reges et Reginam fuerit ordi-
_______________________________
—    14 —
demandaient les Français, fut déclaré — quant à l'usage — appartenir indifféremment aux habitants de Hendaye et de Fontarabie qui pouvaient y poser des nasses, y pêcher avec toutes sortes d'engins et cultiver les îles avoisinant le pas de Béhobie. Cependant— clause bien préjudiciable aux Hendayais, à laquelle les habitants de Fontarabie tenaient beaucoup, — il fut interdit aux pêcheurs labourdins de se servir de barques à quille ; c'était, surtout par les gros temps, assez fréquents en ces parages, leur rendre très dangereuse sinon impossible la sortie en pleine mer.
La sentence trop courte, trop peu explicite, empreinte d'ailleurs de mauvaise foi, ne devait guère contribuer à rendre plus amicales les relations entre riverains de la Bidassoa.
Le 11 avril, les commissaires espagnols se rendirent à Fontarabie pour notifier leurs décisions aux habitants assemblés en conseil général, en présence des deux alcaldes Juan Perez de Unza et Pero Sanchezde Gamboa,du prévôt Martin Sanchez de Venesa
natum, fuit dictum, concordatum et appuntatum quod predicti habitantes hinc inde vivent inter se quo modo in antea in bona unione et transquilitate, insequendo voluntates et beneplacita predictorum Regum Christianissimi et Catholici modo et forma ante suscitationem et exordium presentis controversie assueta, et insuper quathinus tangit usum et possessionem predicti fluminis ipsi habitantes hinc inde gaudebunt et utentur in ipso flumine modo et forma quibus uti et gaudere consueverunt a decem annis ultime preteritis citra scilicet predicti habitantes de Handaye et alii subditi predicti Régis Christianissimi tenebunt et possidebunt nassas seu piscarias, insulas, passacgium de Vehobie, moiendinum de l'ospital, molendo et terras dictarum insularum et alias ipsis contiguas pro laborando et cultivando et nichilominus portum ad passandum et vehendum cum gabarris, tilholis et aliis navibus sine quilla in dicto loco de Hendaye et utentur omni piscatura retum et alia cum navibus predictis, tam in predicto flumine quam alibi ubi ipsis bonum videbitur faciendum ac aliis secundum quod consueverunt, etiam in mari ; et predicti habitantes Fontis Rabidi et eorum consortes similiter poterunt uti et gaudere in predicto flumine navibus ad passandum et vehendum atque etiam cum gabarris, tilholis et aliis quibuscumque navibus necnon insulis atque nassis sive piscariis ac passadgio de Vehobie ac aliis, prout consueverunt a decem annis citra et hoc, absque prejudicio possessions antique jurisque predictorum regum et partium hinc inde aliorumque jurium per ipsos in predicto flumine et mari pretensorum, reser- vata eis facultate lacius probandi tam per testes quam per instrumenta jus possessions, proprietatis et dominii omnium premissorum et posse facere jus predictis partibus hinc inde super excessibus, dampnis et interesse per quamlibet dictarum partium passis et pretensis, inhibendo subditos utriusque regni, sub pena confiscations omnium bonorum ac banni perpetui, de non contraveniendo huic nostre ordinationi de jure nec de facto quovis pacto. Actum in loco Sancti johannis de Luz, die Xa mensis aprilis, anno domini millesimo quingentesimo decimo. Sic signatum : M. de la Martonie} G. de la Duchs, El Licenciado Alcuna, El Licenciado Telles. (Arch. Nat., j . 867, n° 7. — Une traduction
espagnole de ce document se trouve aux Arch. des Affaires Étrangères,     Mémoires et
documents, Espagne, tome 2 1 7 , foL 5 7 , r° et v°.)
________________________________________
—    15 —
et des autres magistrats municipaux. Le corregidor traduisit la sentence en langue castillane ; quelques protestations s'élevèrent dès ce moment, notamment quand il s'agit du droit accordé à Hendaye de pêcher au filet dans la Bidassoa. Les deux jours suivants, la sentence fut lue publiquement, à son de trompe, dans les rues de la ville. Le 13 avril, Vasquez de Acuna retourna à Madrid et le corregidor regagna Tolosa, siège de sa résidence
1  Le mécontentement fut grand sur la rive française et, dès la fin d'avril, le sire d'Urtubie, se faisant l'interprète intéressé des habitants d'Urrugne et de Hendaye, écrivit au roi de France pour protester contre la défense faite aux Labourdins de posséder des barques munies de quilles. Louis XII  pria D. Geronimo Cabanillas, ambassadeur d'Espagne, de transmettre ces plaintes à son souverain. Ferdinand répondit que non seulement il n'était nullement disposé à accorder aux Labourdins un droit qui serait la décadence, sinon la ruine complète de Fontarabie, mais qu'encore il regrettait beaucoup que ses commissaires eussent consenti à ce ne leur appartenait point
Louis XII ne fit que transmettre cette réponse intransigeante aux habitants des communautés d'Urrugne et d'Hendaye. Ceux- ci, espérant que d'autres commissaires sauraient mieux faire valoir leurs droits méconnus, décidèrent d'appeler l'attention des souverains par un nouveau coup de main. Le Ier juillet, une bande armée, commandée par un hobereau des environs, Pierre de Buniort, se posta dans la vallée haute du fleuve et détroussa une caravane de marchands aragonais et navarrais qui se rendaient à Fontarabie.
Naturellement, les gens de Fontarabie portèrent plainte au Régent de Castille et l'ambassadeur espagnol fit transmettre ces plaintes au roi de France. Le 23 juillet, Louis XII manda au bailli de Labourd de faire restituer les marchandises dérobées et de réprimander les délinquants. Triomphant, Ferdinand envoya,
1. — Arch. de Fontarabie.     Relation de Sanz de Venesa, cap. 6.
2. — Ibid.j id.? cap. 7,
____________________________________
16

le 6 août, à Fontarabie, le texte traduit de ces lettres royales qui devaient constituer désormais une preuve irréfutable des droits de la vieille cité sur toute l'étendue du fleuve
1. Louis XII avait eu soin de recommander à son bailli de régler lui-même ce différend, si toutefois l'affaire ne lui semblait pas devoir nécessiter une enquête plus approfondie
2. Les Labourdins, saisis de cette clause du mandement royal, en profitèrent pour faire entendre leurs doléances et protester contre le jugement inique de 1510

1 . La réunion d'une nouvelle commission fut décidée ; malheureusement, les documents nous manquent pour être, sur ce point, quelque peu précis. Ce dut être au début de l'an 1511 que le roi de France nomma commissaires de la Bidassoa  Me Compaignet d'Armendaritz et Me Jean d'Ibarrole, et que le Régent de Castille délégua à nouveau D.Cristobal Vasquez de Acuna et D. Francisco Tellez de Ontiberos. Les commissaires français durent recevoir, cette fois, l'ordre de se montrer plus exigeants dans leurs désirs et de faire prononcer une sentence qui exprimât d'une façon plus précise et plus étendue les droits du royaume de France, tant sur la Bidassoa que sur la rade du Figuier. Les délégués espagnols protestèrent, alléguant qu'ils n'avaient à s'occuper que de la navigation sur le fleuve. Le 16 avril 1511 , les quatre commissaires se réunirent à Hendaye
 3 en présence de Juan de Casadevante, syndic de Fontarabie et procureur du Régent de Castille et de deux envoyés spéciaux du roi de France, Mes Charles de la Barrière et Pierre de Brus, qui vinrent au nom de leur souverain demander aux dits commissaires de procéder immédiatement à l'examen des questions soumises à leur jugement. Le licencié Acuna, au nom des commissaires de Castille, allégua qu'ils avaient envoyé à la Reine un messager chargé de
1. — Arcb. de Fontarabie. Relacion de Sanz de Venesa, cap. 8.
2. — . . . Vos mandamos y encargamos e injungimos que si vos constare sumaria-
mente e de piano e sin figura de processo de la dicha presa por nuestros subditos contra aquella dîcha sentencia, vos en eî dicho caso fagais rendir e restituir las dichas lanas, mercaderias e otras cosas qualesquier, constreniendo a facer e sufrir esto a todos
aquellos a quien pertenece por todas las vias en tal caso requeridas,
3 . — Arcb. Nat.} j . 867 et suiv., Bibl. Nat.} Coll. Dupuy, vol. 42, fol. 15 et suiv.
et Coll. Brienne, vol. 55, fol. 1 2 4 .
____________________________________________________________________

 

—    17 —
leur faire donner plein pouvoir pour délibérer tant sur l'usage du
fleuve que sur celui de la rade, mais que, jusqu'à son retour, il leur était formellement interdit de s'étendre sur toutes questions autres que celles comprises dans leur commission.
Les commissaires français acceptèrent d'attendre le retour du messager, fixant cependant comme dernier délai le lundi 28 avril, auquel jour, à neuf heures du matin, ils se trouveraient de nouveau au lieu de Hendaye pour y prendre les mesures qu'ils jugeraient alors nécessaires.
Le 22 avril, les commissaires et les procureurs spéciaux de France et de Castille se réunirent à Fontarabie, en présence de Ochoa de Haramburu, prêtre, et de Thomas Betcoq, sujet anglais, habitants de Fontarabie, de Jean Lopez de Sabando, de Martinon de Hunburu et de Saucin de Hiriburu, habitants de Saint-Jean-de-Luz ; Charles de la Barrière et Pierre de Brus déclarèrent avoir ouï dire que les commissaires espagnols avaient reçu la réponse qu'ils attendaient de la reine de Castille et leur demandèrent de bien vouloir, dans ce cas, commencer leurs délibérations avec les commissaires français.
Les commissaires espagnols avaient, en effet, reçu la réponse expédiée de Séville, le 25 mars précédent
1, mais Ferdinand le Catholique s'y refusait absolument à étendre le pouvoir des commissaires sur des questions où, selon lui, il n'y avait pas matière à discussion
2. Il pensait d'ailleurs que Vasquez de Acuna et Tellez de Ontiberos sauraient facilement persuader leurs collègues français qu'il y avait là abus de leur part et que le plus sage était de délibérer seulement sur les questions reconnues litigieuses. Le mandement royal fut lu aux commissaires de France et, en conséquence, le procureur, Juan de Casadevante, les pria de
1. — Bibl. Nat., Coll. Dupuy, vol. 42, fol. 15 v° et 16 r°.
2. — . . . estoy maravillado desta ynovation porque, como vedeys, si sobre semejantes
Cosas en que nunca obo dubda del drecho et antigua possession de la Corona Real destos reynos, agora se dyesse lugar que la obiesse, séria poner mala voz en todo, quanto mas seyendo este juyzio por consentimiento de las partes. Por ende yo vos mando que ableys a los dichos comissarios y les mustreys la justicia et razon que ay para que assi se hagua y sobre todo deys orden como solamente se entende en aquellos casos e cosas sobre que al principio obo la differentia et no en otros ningunos y, conforme a esto, continuad vuestro processo. — lbid.} id., fol. 15 v° et fol. 16 r°.
____________________________________
—    18     —
vouloir bien commencer à délibérer immédiatement sur la seule et unique question de l'usage de la Bidassoa. Ceux-ci, naturellement, protestèrent ; une nouvelle réunion fut fixée au lendemain, 23 avril
1, dans laquelle les commissaires espagnols émirent le vœu de ne rien faire que les deux rois de France et de Castille ne se fussent, de nouveau, entendus à ce sujet. En outre, ils demandèrent à leurs collègues français d'assurer, en attendant, de la part des Labourdins, l'observation de la sentence provisionnelle de 1510
2   et de ne procéder à aucune enquête, sans leur consentement, les commissaires français déclarèrent qu'obéissant aux ordres de leur souverain, ils feraient eux-mêmes une enquête isolée, en conseillant toutefois aux gens de Hendaye et d'Urrugne d'observer la sentence d'avril 1510 et de ne rien faire qui pût troubler la paix entre les deux nations
3. Les Espagnols acceptèrent cette conclusion et promirent d'agir pareillement de leur côté. Ainsi se termina sans presque avoir commencé la commission royale de 1511 .
1 . — Bibl. Nat., Coll. Dupuy, vol. 42, fol. 17 r° et v°.
2. — . . . lesdicts licenciez de Accuna et Francisco Tellez dirent qu'ilz demandoient
et requeroient ausdicts Docteurs Mes Compaignet d'Armendaritz et Jehan d'Ibarrole, commissaires dudict Roy treschrestien et aussi ausdicts advocat et procureur, qu'ilz laissassent en suspens jusques a tant que lesdicts Roys se escrivissent et confermassent pour ce qu'ilz cognoissent, comme dit on, que les royaulx vouluntez des Catholiques Roy et Royne estoient qu'ilz procureroient la dicte conformité par le service de Dieu nostre seigneur et par la conservation de la amitié qu'ilz avoient avec lediçt treschrestien Roy de France et qu'ë pendant le temps de ladicte suspension, ilz demandoient et requeroient qu'ilz fissent garder aux subjectz dudict Roy treschrestien l'appoinctement et accord qui fut donné par les commissaires desdicts Roys a dix d'avril l'an 1510 , lequel commence en ceste maniéré : Cum per antea. . . e t c . . . duquel, si estoit nécessaire, ledict Jehan de Casedavant, scindic de Fontarrebie, faisoit présentation et lequel estoit mandé estre gardé par les deux Roys et que ilz demandoient et requeroient que, en ensuivant ledict commandement ne consentissent aux subjectz du dict treschrestien Roy toucher en port ne mer ne droictz d'iceulx sinon tant seulement en ce que ledict accord et appoinctement les donnoit en ladicte riviere de Bidassoua ou fleuve jusques a tant que se fisse la finale expédition, protestant ainsi qu'ilz protestoient que si pour toucher ou ancrer en lesdicts port et droictz et mer survenoient aucuns murtres, insulz ou escan- dalles, que ce soit a coulpe et charge desdicts docteurs en nom dudict seigneur Roy Treschrestien, Roy de France et non desdicts licenciez de Acuna et Tellez, en nom de
ladicte Serenessime Royne et dudict Roy Catholique son p è r e . . . — Bibl.     NatColl.
Dupuy, vol. 42, fol. 20 r° et \v°.
3. — . . . les commissaires du Roy Treschrestien respondirent persévérant en leur
premier dire et délibération qu'ilz procéderont ainsi que dict est, attendu les longs delays et subterfuges prins par lesdicts commissaires et sindic de ladicte Royne de Castille et que de leur cousté avoient desja adverti leur Roy et eu les provisions sur ce requises ensuivant lesquelles procéderont- comme dict a esté sans toucher par le present la sentence de laquelle dessus a esté faicte mention, protestant que si aucun escandale
___________________
 19
Néanmoins, comme il avait été précédemment décidé, une enquête continua à laquelle procédèrent séparément de chaque côté du fleuve les commissaires français et espagnols, en attendant que les deux rois eussent déterminé d'une façon plus précise les questions sur lesquelles il y avait lieu de délibérer. D'extraordinaire, la commission devint, en quelque sorte, permanente. Malheureusement, les documents nous manquent pour pouvoir dire ce que firent alors les délégués
1 ; il est à supposer, cependant, qu'ils travaillèrent avec lenteur ; car rien d'important ne paraît avoir été résolu avant septembre 1517 , date à laquelle une lettre adressée par les commissaires français au chancelier Duprat nous apprend que Me François de Belcier remplaçait Compaignet d'Armendaritz, décédé, et que les commissaires espagnols et français n'avaient encore pu se mettre d'accord sur l'étendue même de leur commission
 2. Cependant, les Labourdins, du haut de la tour fortifiée de Munjunito, située sur la rive de Hendaye
3, continuèrent de
ou dommage y survient ne soit a leur coulpe, ains desdicts commissaires et syndic la diçte dame qui ne veullent procéder avec eulx sur lesdicts ports, mer, havre et port  du Figuier, disans en outre qu'ilz feront inhibitions et deffences aux subgects dudi seigneur habitans de Labourt qu'ilz ne provoquent de parolle ne de faict a l'encont des subjeçts de ladicte dame ne usent aussi encontre eulx par aucune voye de faiç requérant que lesdicts commissaires de la dicte dame fassent le pareil de leur cous et sur le demourant, disent qu'ils se garderont de mesprendre ; desquelles choses l dictes parties en requisdrent acte et instrument...
—Ibididvol. 42, fol. 21 v° et 22 r°
1. — Nous savons toutefois que la sentence provisionnelle de 1510 était toujours en vigueur. Le 13 mars 1517 , le sénéchal des Lannes manda à Bartholomé de Fagoaga et Adam de Buniort, habitants de Biriatou, qui avaient établi une forge sur territoire français, pour laquelle ils utilisaient l'eau du fleuve, d'avoir à cesser leur industrie. Cf. 'Arch. de Fontarabie.
 Relaciôn de los papeles que esta M. N. y L. Villa embia â S. M . 1 6 1 9 et Ibid., Compulsas que dimos los très escribanos para el Consejo en la causa sobre las nasas de esta ciudad en pleito con Irun. 1683.
2. —• Cf. lettre originale des officiers du Roi à Hendaye ; les commissaires terminent en'demandant de nouveaux subsides : « . . . Monseigneur, comme sçavez, sommes ici en pays limitrophe, a grans frais et mises et avons avec nous l'advocat et procureur dudict seigneur, ung notaire, ung interprete et ung sergent et plusieurs tesmoings sans lesquelz personnages ne pouvons procéder, a quoy les pouvres subjectz dudict seigneur ne peuvent frayer, car ilz sont pouvres, bruslez et destruictz pour la guerre. A ceste cause, vous prions, Monseigneur, que y vueillez avoir esgard et nous faire délivrer par le comptable de Bourdeaux ou autre qu'il vous plairra, de l'argent. » — Bibl. NatColl    Dupuy,
vol. 42, fol. 39 et suiv.
3 . — . . . et prope juxta inferiorem ipsius loci partem per negligentiam vel inadver-
tentiam nostrorum construxerunt, non sunt elapsi 40 anni, praefactam Domum de Munjunito in solo et littore nostro. — Arch. de Fontarabie. Traslados de las Ynforma- ciones en derecho,... folio 5 r°. — C e t t e tour était donc, semble-t-il, sur le lit du fleuve, c'est-à-dire sur territoire espagnol, d'après les sentences de 1458 et de 1510 .
____________________________________
— 20
bombarder impitoyablement toutes les barques espagnoles qui pénétraient dans la baie. Ce fut, d'ailleurs, de part et d'autre, un échange d'excellents procédés. Le 17 avril 1518 , le duc de Nâjera, vice-roi de Navarre, alla même jusqu'à mander au majordome de l'artillerie, en résidence à Fontarabie, de prêter à cette ville toutes les munitions dont elle pourrait avoir besoin pour se défendre contre les attaques des Français
 1 . C'était la guerre ouvertement déclarée sur la frontière basque, guerre que rendait, d'ailleurs, plus naturelle l'inimitié chaque jour grandissante des deux souverains. Toutefois, le 15 août 1518
2 , Charles Quint dépêcha de nouveau à son corregidor de Guipuzcoa D. Pedro de Nava et au licencié Vasquez de Acuna l'ordre de délibérer conjointement avec les commissaires du Roi de France sur les différends de la Bidassoa
 3. Sept années de délibérations, fort espacées les unes des autres, tenues d'ailleurs sans méthode et sans que le sujet en fût, une fois pour toutes, définitivement établi et accepté par les commissaires des deux royaumes, avaient singulièrement fait dévier les questions à étudier. En 1511 , les délégués français avaient voulu étendre leur commission sur la question de la propriété du fleuve et de la rade et sur la permission qui pouvait être accordée à Hendaye de posséder un port. Les Espagnols avaient refusé, ne voulant délibérer que sur la question de l'usage des barques à quille, interdit aux riverains français en avril
 1 1510 . En 1518 , il ne s'agit plus que d'amener Hendayais et Ondarabiarres à cesser
1. — Arch. de Fontarabie. Relaciôn de los papeles que esta M.N. y L. Villa... embia â S . M. 1 6 1 9 .
2. — Bibl. Nat. Coll. Dupuy, vol. 42, fol. 23 et suiv. et Coll. Brienne, vol. 5 5 ,
fol 1 3 4 et suiv.
3 . — . . . sur certains ediffices que l'on dict que lesdicts françois voloient faire et reediffier de l'autre costé de la riviere de Bidassoua et sur aucun bras d'icelle et sur autres choses que lesdicts françois pretendoient qu'ilz pouvoient faire et que sur ce, a cause de ce, et de l'une part a l'autre, et de l'autre a l'autre, se sont tirez de traictz d'artillerie et faict aucuns dommages et maulx et pour ce que nous avions commandé a nosdicts subjectz qu'ilz ne facent nouveauté aucune et que toutes les choses de voye de faict cessent et facent bon accord et voisinage ausdicts françois et semblablement entre nous et ledict Roy de France est accordé que nommons juges et qu'ilz entendent ausdicts debatz et qu'ils se informent commant et en quelle maniéré  a esté faict et passé tout ce que clict est et qu'ilz pourvoyent en façon que entre lesdïctes parties cessent lesdictes d i f f e r a n c e s . - — Bibl. Nat. Coll. Dupuy, vol. 42, fol. 23 v° et 24 r°.
____________________________________
 —    21 _
leurs feux croisés, et de la propriété du fleuve, de la délimitation de la frontière entre les deux royaumes il ne saurait plus être question. François Ier, de son côté, confirma ses commissaires dans leurs pouvoirs, sans qu'il nous soit possible de dire exactement à quel moment ce fut de l'année 1518. Un jour d'octobre, en l'église Santa Maria de Fontarabie
1, le licencié Vasquez de Acuna et Me François de Belcier se réunirent et, après audition de témoins, décidèrent d'envoyer un rapport détaillé des faits à leurs souverains qui prendraient alors les mesures nécessaires. Ils établirent, en outre, que jusqu'à ce moment toute hostilité devait cesser entre Basques espagnols et français
2. Néanmoins, les querelles continuèrent sur la Bidassoa, mais, cette fois, ce fut dans la vallée intérieure du fleuve, entre Irun et Béhobie, que les différends éclatèrent. En janvier 151 9
3 , l'alcaide du château de Béhobie, accompagné d'hommes armés, vint procéder à la plantation de petits chênes dans l'île dite Insura propriété jusqu'alors non contestée, paraît-il, du royaume de France ; puis les Espagnols y firent paître leurs troupeaux. Pierre et Adam d'Urtubie vinrent porter plainte au capitaine qui, pour toute réponse, quelques jours plus tard, fit tirer sur eux, alors qu'ils se trouvaient sur la rive du fleuve, en territoire français. Sur la plainte du syndic de la communauté d'Urrugne, riveraine du fleuve à cet endroit, le lieutenant du bailli, Jean de Saint Pé
1 . — Arch.     de Fontarabie. Traslados de las Ynformaciones en derecho,... fol. 2 r°.
2. — « . . . y no se labre ni edifique ni se haga en ella (il s'agit de la tour de
Munjunito) cosa alguna, mas antes el dicho edificio e todas las otras cosas esten suspensas y en el punto, lugar y estado en que estavan antes y al tiempo destas dichas différencias, hasta que lo suso dicfro se determine y que todos esten y vivan en p a z . . . » Arch. de Fontarabie. Traslados de las Ynformaciones en derecho..., fol. 2 v°. —
 Il nous a été imposssible de retrouver les procès-verbaux des délibérations successives qui durent avoir lieu a ce moment. Un inventaire sommaire des archives de Fontarabie de 1683 (Compulsas que dimos los très escribanos... ) les mentionne ainsi : Ano 1518 . Testimonio de los autos hechos en dicho ano por los comisarios de Espana y Francia sobre el derrocamiento de una casa que los de Endaya intentaron fabricar 0 redificar en la margen del rio Vidasoa. De las comisiones que los respectibos soberanos, de la demanda y querella puesta por los de Endaya y el Procurador de el Sr. Christianissimo Rey de Francia con Fuenterrabia, respuesta de esta ciudad y de las sentencias que dieron los comisarios en discordia ; se han omitido las informaciones por ser muy largas, e t c . . .
3 . — Articles présentés par le syndic au lieutenant du b a i l l i . — A r c h . Nat., ) 867? n° 10.
4. — Cf. La Isla de los Faisanes, VI, par D. SERAPIO DE MLJGICA dans La Frontera
d'Irun, n° du IER septembre 1 9 0 1 .
____________________________________
—    22  -
, se rendit en cette paroisse, le 7 mars 1519
1   accompagné de son greffier, Me Pierre d'Echegoyen, notaire royal, pour y entendre lire le rapport détaillé des faits incriminés aux sujets du roi Catholique. Le 8, il se transporta sur les bords de la Bidassoa, à la dite île Insura, pour y constater de visu les délits commis et procéder à l'audition d'habitants de Hendaye, cités comme témoins par Michelco d'Arregaray, procureur ou merin d'Urrugne. Puis, l'enquête terminée, le procès-verbal détaillé en fut envoyé au roi. La question de la Bidassoa fut examinée dans la Conférence interrompue d'ailleurs brusquement par le décès du ministre français — qui eut lieu, à la fin de 1519 , à Montpellier, au sujet du royaume de Navarre
2. La réunion d'une nouvelle commission dut y être décidée, car le 14 juin 1520

3, en vertu, semble-t-il, d'un accord antérieur avec le roi de Castille, François Ier nomma commissaires Jean de Calvimont et François Cadenet, tous deux conseillers au Parlement de Bordeaux, leur enjoignant de se trouver le 15 juillet suivant à la frontière où, par ordre des souverains, les hostilités avaient dû cesser dès le 15 mai précédent. De son côté, l'Empereur nommait deux commissaires, le corregidor de Guipuzcoa et D. Cristôbal Vasquez de Acuna. Les quatre commissaires devaient, à leur choix, se rendre d'abord, pendant deux mois, dans l'une des deux villes de Bayonne ou de Fontarabie pour y enquêter et délibérer et séjourner ensuite dans la seconde deux autres mois. Le 15 juillet, les deux conseillers au Parlement de Bordeaux se trouvaient à Bayonne, prêts à commencer leur enquête ; mais, suivant un système adopté dès 1510 par les autorités espagnoles, les commissaires de Charles Quint ne se présentèrent pas. Le Ier octobre, Me Martin de Naguile, notaire royal en la ville de Bayonne, vint, de la part des commissaires français, trouver à Fontarabie le licencié Vasquez de
1 . — Arch. Nat., J 867, ti° 10, et Bibl. NatColl.     Dupuy, vol. 42, fol. 27 et suiv.
2. — Bibl. Nat., Mél. Mezerai, ms. fr. 2 0 7 7 1 , fol. 223 r° ; Coll. Dupuy, vol. 42,
fol. 43 v°, et Coll. Brienne, vol. 55, fol. 153 v°. Les deux délégués étaient, pour l'Espagne, le sire de Chievres et, pour la France, le sire de Boisy ; ce dernier mourut au cours de la Conférence. Cf. FAVYN, Histoire de Navarre, Paris, 1 6 1 2 , in-fol., p. 704.
3 . — Arch. Nat., j 9 1 6 , nos 24 et 25.
____________________________________
—    23     —
Acuna
1 et lui représenter que ces derniers étant las d'attendre et considérant d'autre part que le délai de leur commission allait expirer, Jean de Calvimont s'était, ce jour même, rendu à Hendaye, désireux de l'entretenir immédiatement de cette affaire
2. D. Cristôbal Vasquez de Acuna refusa de traverser le fleuve et le procureur de Naguile, après avoir énergiquement protesté contre la conduite des délégués espagnols, retourna à Hendaye où l'attendait Jean de Calvimont
3. Ainsi échoua cette nouvelle commission que, comme les précédentes, le mauvais vouloir des Espagnols avait rendue impossible.
L'année suivante, la guerre éclata sur la frontière. Vers la fin de septembre 1521 , François 1er, désireux de venger la défaite
4 des troupes qu'une première fois il avait envoyées au secours d'Henri d'Albret, dirigea sur Saint-Jean-de-Luz une armée
1. — Arch.     NatJ     9 1 6 , n° 26.
2 — . . . a cause de quoy mesdicts seigneurs de Calvimont et Kadenet considérant
qu'ilz avoient asses longuement actendu lesdicts commissaires dudict Roy Catholicque et aussi que le temps presigné pour vacquer audict affaire estoit presque expiré et dedans le temps restant oii ne pourroit metre fin audict affaire, si ç'estoit mondict seigneur de Calvimont transpourté ce jour d'uy au lieu de Handaye viz a viz la ville de Fontarrabie, la riviere de Bidassoe entre deux, où il estoit encores de present et envoyé lettre missive audict Basques pour lui faire savoir sa venue et par icelle lui prioit qu'il passast ladicte
riviere aux fins qu'il luy demonstrat ce que d e s s u s . . .
— Arch, Nat., J 9 1 6 , n° 26.
3 . — . . . Et le mesme jour, environ une heure après que ledict de Naguille et moy
notaire ensemble lesdicts tesmoings avons eu passé ladicte riviere de Bidassoa et retournez audict bourg et lieu de Handaye où mondict seigneur de Calvimont nous actendoit, acompaigné de monseigneur maistre Jehan de Segure, lieutenant général du Senneschal des Lannes au siege de Bayonne, et de Messire Jehan de le Lande, liccencié fez droictz, chanoyne de l'eglise cathedrale de Bayonne, ou estoient aussi Raymond Duhalde, sergent royal, ensemble Choane Delissalde, johannes de Soppite, Estienne de Lecunboro, Jehannot de Lecunboro et Miguel Darroppe, habitans dudict Handaye, ainpres que ledict de Naguille a relaté audict de Calvimont les remonstrances et protestations par lui faictes audict Basques, icelluy, tant par luy que pour ledict seigneur de Kadenet absent a ratiffiées et eues pour agréables et a d'abundans faict telles et semblables protestations et remonstrances que dessus ez presences des dessusdicts et qu'il n'avoit tenu a luy qu'il ne les fist a la personne dudit Basques, car ç'estoit illec transporter expressement pour ce faire, mais ledict Basques n'avoit jamais voulu passer ladicte riviere, jaçoit que par cidevant tous les commissaires depputez par le Roy Catholicque ou ses predecesseurs eussent acoustumé passer icelle riviere pour venir parlamenter la premiere foys aux commissaires depputez par le Roy nostre souverain seigneur, comme de ce il estoit devenu informé et adverty et desdictes protestations, ensemble des autres choses dessusdictes, ledict seigneur de Calvimont requist acte et instrument a moy susdict et audict de Naguille, comme notaire et personne publique, ce par nous leur fut octroyé les an, moys, jour et es presences que dessus. Boyresse, notaire royal ; Denaguile, notaire royal. — lbid.} id.
4- — Bataille de Noain, 30 juin 1521
2 1 . Cf. BOISSONNADE, Histoire de la réunion de la
Navarre à la Castille, Paris, 1.893, in-8% pages 544 et suiv,
____________________________________

_    24 —
commandée par Guillaume Gouffier, sire de Bonnivet, amiral de France et gouverneur de Guyenne. Après avoir feint de se diriger sur Pampelune, Bonnivet, d'Ascain, dont il avait fait son quartier général, partit vers les premiers jours d'octobre au pas de Béhobie. Il s'y empara sans grand effort du château de Gazteluzar, dont il confia la garde au capitaine Beaufils ; et, le dimanche 6 octobre, vint mettre le siège devant Fontarabie
1. Le gouverneur de la place était D. Diego de Vera, capitaine qui s'était particulièrement distingué lors des dernières guerres de Navarre. La ville n'était pas prête à soutenir le siège des Français. Les vivres manquaient. Dès le troisième jour, la famine se déclara. Dans ces conditions, la résistance devenait inutile. Déjà, D. Diego parlait de reddition ; mais ce fut une protestation indignée de la part des habitants qui, cependant, après dix jours d'une héroïque défense, vaincus seulement par la famine, durent se rendre à l'ennemi. Le vendredi, 18 octobre, les portes de la ville s'ouvrirent et, devant le front des troupes françaises, les vaillants assiégés défilèrent, tambours battants et drapeaux déployés.
Fontarabie était française. Bonnivet se retira, laissant comme gouverneur Jacques de Daillon, baron du Lude, avec trois mille Gascons.
Les Espagnols, retranchés dans Irun, que commandait un gentilhomme des environs, D. Pedro de Urdanivia, sire d'Aranzate, entreprirent contre les Français une guerre meurtrière d'embuscades et d'escarmouches. La garnison de Fontarabie devint insuffisante. En janvier 1 5 2 2 , quinze cents soldats y arrivèrent, sous la conduite d'un transfuge espagnol — d'origine française, il est vrai, — Juan de Aeza, sire d'Ibarrola.
L'entretien d'un détachement dans le fort de Béhobie, que commandait toujours le capitaine Beaufils, dispersait inutilement les troupes françaises, qu'il devenait plus que jamais nécessaire de concentrer dans Fontarabie que les Espagnols continuaient d'assiéger.
1 . — Cf. BORDENAVE, Histoire de Béarn et de Navarre,     édit. P. Raymond, Paris, 1873i n - 8 ° , . P . 1 7 e t s u i v . ; G A R I B A Y , op.     cit.,     lib. X X X ,     cap.     V I I , e t M O R E T , Anales     del     reino de     Navarra,     Pamplona,     1684-1715,     5 vol. in-40, lib.     XXXVI,     cap.     IV.
____________________________________
—    25  -
Le démantèlement et l'abandon du château de Gazteluzar fut donc décidé ; par prudence, on décida de ne rien laisser soupçonner de cette entreprise aux Espagnols. Un traître s'en fut malheureusement avertir D. Beltrân de la Cueva, capitaine général de la Province, qui, un jour d'avril, à l'improviste, put facilement s'emparer du fort dont l'artillerie avait déjà été retirée.
Un nouvel alcaide, Ochoa de Asua, y fut laissé avec une petite garnison destinée à repousser le premier choc de l'ennemi qui, certainement, essaierait de reprendre la forteresse.
___________________________


En effet, le samedi 28 juin 1522, l'avant-garde française, composée des vaillantes milices labourdines et de troupes mercenaires allemandes, apparut au pas de Béhobie, décidée à passer à gué le fleuve que la marée basse rendait alors moins profond. Mais ce fut aussitôt du haut du château de Gazteluzar une telle canonnade que, devant cette résistance inattendue des Espagnols, les Français se retirèrent sur Biriatou, où jusqu'au soir ils restèrent cantonnés
1 Vers minuit, un fort détachement, emportant avec lui des pièces d'artillerie traversa le fleuve au lieu dit de Aritz-Makur et put, sans être vu de l'ennemi, à travers des sentiers touffus, bordés de haies sauvages, grimper aux rochers escarpés d'Aldabe   ( San Martial )
 2 qui dominaient d'environ cent cinquante mètres le château de Gazteluzar.
Le matin du dimanche 29, les mercenaires allemands s'approchèrent du château en longeant la rive espagnole, tandis que l'artillerie française tonnait des hauteurs d'Aldabe, et tentèrent un premier assaut. La résistance des Espagnols que commandait l'alcaide Ochoa de Asua fut grande et ce premier jour s'acheva sans qu'un seul ennemi eût pu pénétrer dans la place.
Cependant, deux capitaines des milices guipuzcoanes, Juan Perez de Azkue, naturel de Fontarabie, et Miguel de Ambulodi,
1.     —    G À R I B A Y , op.     cit.,     lib. X X X ,     cap.     X.
2. — Depuis lors Mont St-Martial, en commémoration de cette victoire qui eut lieu le jour de la saint Martial, 30 juin 1522 . Chaque année, depuis 1522 , le 30 juin, les habitants d'irun et de Fontarabie, groupés par compagnies et en armes, y vont en pèlerinage
 Sur cette curieuse fête, cf. l'intéressante brochure de D. SERAPIO DE MÛGICA, Alarde de San Martial en Irûn, Origen y detalles. San Sébastian, 1901 , in-8°.

___________________________________

26
habitant de Irûn, résolurent de surprendre le gros de l'armée française posté sur la montagne d'Aldabe. Partis dans la nuit du petit bourg d'Oyarzun, où le capitaine général, D. Beltrân de la Cueva, attendait inquiet le résultat de cette téméraire entreprise, ils arrivèrent deux heures avant le lever du jour dans le vallon encaissé appelé Saroya de Aguinaga.
D'un autre côté, sur la route royale d'Irun, le long, du fleuve, un prêtre de Renteria, Mosen Pedro de Irizar, avait été chargé par les deux intrépides soldats de simuler, toute la nuit, l'armée espagnole, en se promenant çà et là, accompagné d'enfants et de femmes portant des torches enflammées.
La marche continua à pas de loup, silencieuse et lente, à travers les bruyères et les rocs. Au petit jour, enfin, la troupe, forte de huit cents à mille hommes, arriva devant Aldabe ; l'haleine et le piaffement des chevaux signalèrent sa présence à l'ennemi et l'alerte retentit dans le camp labourdin. Mais, les soldats endormis, surpris de cette attaque soudaine, n'eurent que le temps de fuir devant les fantassins espagnols qui, de tous côtés, surgirent des broussailles.
Le capitaine général, averti du succès de ses troupes, succès sur lequel il était cependant bien loin de compter, — s'avança à son tour jusqu'aux hauteurs d'Aldabe où il tint conseil avec les chefs de l'armée pour décider ce qu'il conviendrait de faire à l'égard des Allemands qui, massés dans le château qu'ils avaient, entre temps, pris d'assaut, ignoraient encore la défaite des milices labourdines. Le capitaine Miguel de Ambulodi résolut de les en faire sortir et, en simulant une retraite, de les attirer à sa suite dans la montagne où les troupes fraîches de D. Beltrân de la Cueva les mettraient aisément en déroute. Les Allemands furent entraînés par leur bravoure même dans le piège que leur tendait l'ennemi et quand, après avoir vaillamment poursuivi les fuyards espagnols, ils parvinrent au sommet de la montagne, ce fut pour y être traîtreusement massacrés par le gros de l'armée espagnole, jusque là dissimulé sur l'autre versant.
Cependant le siège de Fontarabie continuait et le baron de
— 27     —
Lude se déclarait impuissant à supporter plus longtemps les attaques des bandes espagnoles. Le maréchal de Châtillon, Gaspard de Coligny, fut envoyé pour ravitailler la place ; il mourut, en route, à Dax, et fut aussitôt remplacé par Jacques de Ghabannes, seigneur de la Palice, qui prit le commandement de la nouvelle armée et se dirigea sur Hendaye, tandis que les vivres arrivaient par mer à Fontarabie. A l'approche des troupes françaises, les pillards espagnols s'éloignèrent et la nouvelle garnison put facilement pénétrer dans la place. Un nouveau gouverneur y fut nommé, le capitaine Franget. Au début de décembre, une armée espagnole traversa le pas de Béhobie, sous la conduite de D. Inigo Fernandez de Velasco, connétable de Castille, et du prince d'Orange, se dirigeant sur Sauveterre-de-Béarn, qui se rendit seulement après plus de deux mois de siège. Puis les troupes espagnoles ravagèrent les campagnes du Labourd, aux alentours de Bayonne, que le connétable n'osa pas attaquer, et vinrent enfin mettre le siège devant Fontarabie. La place, mal défendue par Franget et trahie par l'un des capitaines navarrais, D. Pedro Navarra, dut se rendre à l'ennemi. Le 24 mars 1524 , Fontarabie, depuis plus de deux ans française, redevint espagnole .
__________________________


Episode de la guerre qui vit la fin de la Royauté de Navarre et son attachement à la Castille.


1. La guerre cessa ainsi sur la frontière, mais, de nouveau, les querelles n'en éclatèrent que plus violentes entre les habitants de Hendaye et de Fontarabie.
Le 11 avril 1527 , Charles Quint dépêcha de Valladolid à ses sujets de Fontarabie l'ordre de continuer à exécuter la sentence provisionnelle d'avril 1510

2 . C'était, en se refusant ainsi définitivement à toute transaction, à toute modification d'un jugement qui blessait les Français dans leurs droits intentionnellement méconnus, provoquer de nouvelles et cruelles représailles sur la Bidassoa. Nous passerons sous silence ces querelles parfois sanglantes, tristement renouvelées de celles dont nous avons parlé antérieurement. Leur énumération, d'ailleurs inutile, ne saurait être que fastidieuse.


1. — GARIBAY, Op. cit., lib. XXX, cap. XI, et DE SAYAS, Anales de Aragon, Madrid, [1665], in-fol., cap. 45.
2. •— Arcb. de Foniarabie. Relacion de los papeles que esta M. N. y L. v i l l a . . . çmbia a S. M... 1619 .
_________________________________
 —    28 -
Le fleuve était alors — comme encore aujourd'hui — fort poissonneux. Les poissons de toutes sortes y abondaient et, tout particulièrement, le saumon. La pêche, autant que le commerce, assurait la grande prospérité de Fontarabie, qui, dans la vallée, au pas de Santiago, possédait une nasse en travers du fleuve. A cet endroit, sur l'extrême rive française, se dressait un petit couvent, très ancien ermitage transformé dans la suite en établissement hospitalier — à quelle époque, il serait difficile de le dire, à la fin du XVIe siècle très vraisemblablement — et qui, de bonne heure, servit de refuge aux pèlerins alors nombreux qui passaient de France en Espagne pour se rendre à Saint-Jacques de Compostelle
  (  Prieuré Hôpital de Zubernoa  )


1. Le prieur possédait une nasse. Plus loin, vers le pas de Béhobie, se trouvait celle des seigneurs d'Urtubie. Il n'y avait rien là qui fût contraire à la sentence de 1510 .
Cependant, indépendamment des rixes, des bagarres et des abordages qui, chaque jour, se produisaient dans la baie entre bateliers, les différends éclatèrent bientôt de ce côté-là du fleuve, entre Santiago, Irun et Béhobie. La nasse de Fontarabie, placée en aval des deux autres, empêchait de rien prendre dans ces dernières, le poisson allant fatalement s'engager dans les premiers filets qu'il rencontrait en remontant le fleuve. En 1531
 2 , les gens de Hendaye, las de réclamer vainement que Fontarabie voulût bien, au moins, ne pas étendre sa nasse dans toute la largeur du fleuve, la déplacèrent une nuit par surprise et la mirent derrière celle du prieur. Ce fut, d'ailleurs, une manœuvre inutile ; quelques coups furent échangés, mais la nasse n'en fut pas moins replacée quelques jours plus tard en son premier endroit.
 L'année suivante  
 3, le sire d'Urtubie, alors bailli de Labourd, en fit établir une autre, en aval de celle de Fontarabie ; des rixes éclatèrent et, finalement, Fontarabie détruisit les filets, de son perpétuel ennemi. En 1538, autre attaque, plus sérieuse
-----------------
1 . — Cf. C. DAUX, Le Pèlerinage à Compostellej Paris, 1898, ÏN-8°, p. 1 7 3 . L'hôpital, contrairement à ce que dit l'auteur, dut être construit bien avant 1623 .
2. — Archives municipales d'Irun, Secciôn C, negociado 5, serie 1 , libro 28, expediente 1 .
3- —     Ibidid.
__________________________________
 —    29 --
cette fois. Par ordre du roi, le capitaine général de Guipuzcoa vint bombarder un moulin que le sire d'Urtubie avait établi sur le fleuve, ne faisant ainsi qu'user du droit que la sentence de 1510 reconnaissait également aux Français et aux Espagnols
1. Et ce fut ainsi durant trente ans ; ce fut, sans que ni l'un ni l'autre des pouvoirs royaux s'émût autrement de luttes le plus souvent sanglantes, de perpétuelles querelles, de continuelles violations des règlements de1510 , bien faits,d'ailleurs, pour faciliter la mauvaise foi, de la part d'ennemis acharnés et déloyaux
2. En 1567 , le premier jour d'octobre, Philippe II manda à D. Juan de Acuna, capitaine général de Guipuzcoa, de réprimer sévèrement toute nouvelle entreprise des Français contre les droits de sa couronne
3. Cette attitude énergique dut quelque peu effrayer les habitants de Hendaye qui, le 2 janvier 1568 , s'excusèrent par lettres officielles, d'un ton très humble, de ce que certains de leurs compatriotes avaient tiré des coups d'arquebuse sur le lonjero   4     de Fontarabie
   5. Puis, la paix se fit, quelque temps, sur les rives de la Bidassoa.
L'absence de documents nous le laisse fortement supposer, encore qu'il soit assez singulier que, sans l'intervention d'aucun pouvoir supérieur, sans la promulgation d'aucune nouvelle sentence, une trêve se soit ainsi conclue entre d'aussi implacables ennemis. Peut-être ces luttes continuelles avaient-elles à ce point affaibli


1 . — Archives municipales d'irùn, Seccion C, negociado 5 , serie 1, libro 28, expe- diente 1 .
2. — Nous passons intentionnellement sous silence l'attaque du Labourd et la prise de S t  j e a n - d e - L u z à la fin de juillet 1 5 6 8 par D. Diego de Carvajal, capitaine général de Fontarabie. De même nous ne parlons pas de l'échec d'Antoine de Bourbon dans son entreprise contre Fontarabie, l'année suivante. Ce serait nous écarter de notre sujet.. Cf. d'ailleurs DE RUBLE, Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albrei,     Paris, 1 8 8 1 - 1 8 8 6 ,
4voI.in-8° t . 1 , cap. V , pp. 267 et suiv., et j . PANDIN DE LUSSAUDIÈRE, Charles de Concis, seigneur de Burie... (1491-1565),     dans Positions des Thèses de l'Ecole des Chartes, Mâcon,
1904, in-8°, page 1 1 4 . Notons enfin qu'en 1565 , lors du voyage à la frontière du roi de France Charles IX, des délégués de Hendaye vinrent lui présenter une requête contre les gens de Fontarabie. Cf. Mémoire de 1 5 8 1 , Bibl. NatColl.     Dupuy, vol. 42, fol. 43 v°.
3. —     Arch. de Fontarabie. — Relaciôn de los papeles que esta M. N. y L. villa embia à     S . M... 1 6 1 9 .
4. —     Officier de la douane ou lonja de Fontarabie.
5. —     Arch, de Fontarabie. — Lettre originale.
________________________________
-30 -
le petit bourg d'Hendaye qu'il lui fût devenu impossible de revendiquer ses droits.
En mai 1574, quelques troubles recommencèrent.
1 L'Université  d'Irûn, placée sous la juridiction de Fontarabie, tenta de posséder également une nasse saumonière, dans la Bidassoa, au pas de Santiago. Le sire d'Urtubie et la commune d'Urrugne protestèrent
2, ce à quoi les habitants d'Irun répondirent courtoisement qu'il leur était impossible de tenir aucun compte des, observations des sujets du roi Très Chrétien, la Bidassoa appartenant tout entière au roi de Castille
 3. Fontarabie, qui pensait que le fleuve lui appartenait bien plutôt qu'au roi Catholique, trancha le différend en obtenant du corregidor la démolition de la nasse d'Irûn
4   On eût dit que Fontarabie se lassait de vivre en paix et qu'elle avait entrepris de ruiner complètement sa rivale française, Hendaye vivait en assez bonne intelligence avec elle depuis plus de dix ans, quand les attaques et les provocations des Espagnols lui firent reprendre les armes. En juin 1577, sans que rien eût pu faire prévoir cette traîtrise, une barque labourdine, chargée de blé, fut saisie sur la Bidassoa et conduite à Fontarabie. Le sire d'Urtubie, comme à l'ordinaire, protesta
5, mais il ne lui fut rien répondu. L'année suivante, en janvier, les alcaldes ordinaires de Fontarabie s'approchèrent, la baguette haute, de la rive française ; c'était une provocation, ce fut aussi le signal de la vengeance. Avant que les magistrats et leur suite eussent pu s'enfuir, les Hendayais se mettaient à leur poursuite, les dépouillaient de leurs insignes, et renvoyaient les deux alcaldes en fort piteux état
6. Le scandale fut grand dans la ville espagnole. Le vice-roi de Navarre, capitaine général de Guipuzcoa, D. Sancho
1 . — Nous traduisons ainsi le mot universidad     par lequel on désigne à cette époque la communauté de Irun-Uranzu.
2. — Arch. de Fontarabie. — Lettre originale, 30 mai 1 5 7 4 .
3 . — Ibid. Lettre originale, 5 juin 1 5 7 4 .
4. — Arch. d'Irûn, C, neg.     serie ï3 iib. 28, exp. 4.
5 . — Arch.-de Fontarabie. Lettre originale, 5 juin 1 5 7 7 .
6. — Bibl. NatColl.     Dupuy, vol. 42, fol. 44 r°, et Coll. Brienne, vol. 5 5 , fol. 154
r° et v°, et Arch. de Fontarabie. Mémorial de Fuenterravia con el motivo de hechar redes los Franceses en el rio de Vidasoa y haver quebrado las baras â îos alcaides en una gavarra en la orilla de Endaya, el ano de 1578.
__________________________________
 —31--
Martinez de Leiva, fut averti ; il dépêcha à Fontarabie deux envoyés spéciaux, D. Gonzalo de Torrijos et D. Martin de Hiribarren
1, pour enquêter sur les faits, cependant qu'il écrivait au gouverneur de Bayonne pour protester contre de tels agissements. Le 26 mars, ce dernier répondit au vice-roi de Navarre que la sentence d'avril 1510 n'avait pas parlé de alcaldes avaient provoqué l'attaque des Hendayais
2. Forts de cet appui, les Labourdins redoublèrent d'audace ; ce fut une longue suite d'escarmouches et d'abordages
3, et celà, pendant plus de deux ans. La lutte s'étendit même au delà de la baie du Figuier, puisque, le 27 mai 1580, le baile de Ciboure, Johannis d'Oyarsabal, écrivait aux alcaldes de Fontarabie qu'il regrettait la saisie faite par ses concitoyens de plusieurs gabarres espagnoles
 4. Les rois avaient été avertis de ces graves incidents. Dès mars 1578, sur l'ordre du vice-roi, Fontarabie avait expédié à Pampelune un volumineux dossier des documents établissant ses droits ; Philippe II en avait confié l'examen au Conseil Royal de Navarre
5. De son côté, Henri II avait, par lettres du 8 juillet 1579, envoyé à Bayonne deux commissaires, chargés également de définir les droits du royaume de France
6. Toutefois, rien ne fut changé à l'ancien état de choses ; aucune commission ne se réunit ; elle n'eût, d'ailleurs, guère produit d'effet ; Espagnols et Français, persuadés une fois de plus de la légitimité de leurs droits, continuèrent à se quereller. En 1593 , le roi de Castille écrivit aux magistrats de Fontarabie pour leur témoigner la satisfaction qu'il éprouvait à les voir si opiniâtrement défendre les droits de la Couronne d'Espagne et leur recommander de
1 . — Arch.     de Fontarabie.     — Testimonio dado por Lazaro de O r o n o z . . . i66j$.
2. — Ibid.j id.
— Dès mars 1 5 7 8 , les Hendayais défendirent toute pêche aux Espagnols, en établissant, en travers du fleuve, un immense filet qui, placé en aval de la nasse de Fontarabie, la rendait absolument inutile. — Cf. Arch. de Fontarabie. Lettre de Fontarrabie au vice-roi de Navarre, non datée.
4. — Arch. de Fontarabie. — Lettre originale.
5. — Arch. de Fontarabie. — Compulsas que dimos los très escribanos... 1 6 8 3 .
6. — Bibl. Nat.j     Coll. Dupuy, voL 42, fol. 41 et suiv., et Coll. Brienne, vol. 5 5 ,
fol. 150 et suiv.
__________________________________
— 32 —
suivre à ce sujet les prescriptions du vice-roi  . Le 6 mars 1 5 9 9 , Philippe III renouvelait à D. Juan de Cardona, vice-roi de Navarre, l'ordre de ne rien tolérer de la part des Français qui pût nuire aux droits du royaume . Le 15 du même mois, à son tour, le gouverneur de Bayonne, Michel de Marillac, devant les plaintes journalières des Labourdins, écrivait au roi que la situation devenait intolérable et qu'il fallait absolument mettre fin, par quelque moyen, à ces interminables et dangereuses querelles

 



 Suivant




Publicité
Publicité
Commentaires
ALMICHU BIDASSOA
Publicité
Publicité